Optimisation à l’aide de styles d’apprentissage dans les applications hypermédia adaptatives
La théorie empiriste
L’empirisme est à la fois un mode de pensée et d’action fondé sur l’observation et l’expérience personnelle des faits, et une doctrine philosophique qui fait de la perception sensorielle la source unique de la connaissance. Les empiristes refusent l’abstraction des discours et ne veulent s’en tenir qu’à la vérité des faits observables. Selon le point de vue de Giordan [Giordan, 1988], l’empirisme représente le savoir fondé sur l’expérience, l’observation, le hasard, rejetant tout recours à la théorie ou au raisonnement. Cette théorie repose sur l’idée que l’apprentissage procède par des processus d’imprégnation et de mémorisation, et se réalise à travers un acte de transmission. L’avantage de cette approche est qu’elle permet de fournir une quantité importante d’informations à un maximum de personnes en un temps raisonnable [Dessaint, 1995]. Cependant, de nombreux obstacles persistent. Le principal inconvénient réside dans le décalage inévitable entre le message transmis par l’enseignant et celui retenu par l’apprenant. Ainsi, mémoriser un concept et réussir une tâche, ne veut pas dire systématiquement que l’on ait compris. Cela se réside dans la fréquente absence de questionnement des apprenants au regard des problèmes abordés par l’enseignant. Ces paramètres conduisent nécessairement à des obstacles lors de la situation d’apprentissage [Marchand, 1997].
La théorie béhavioriste
Le béhaviorisme constitue une forme plus évolué d’empirisme. La théorie béhavioriste s’intéresse à l’étude des comportements observables et mesurables et considère l’esprit comme une « boîte noire » [Cyert et al, 1970]. La théorie béhavioriste tire ses origines des recherches pionnières du physiologiste Pavlov sur le conditionnement des animaux. Pavlov proposa une théorie de l’apprentissage essentiellement basée sur le conditionnement. L’expérience de Watson, avec le jeune garçon Albert et son rat blanc, montre que l’homme n’est que le reflet de son milieu [Marchand, 1997]. Dès les années 1950, les théories béhavioristes se sont cristallisées dans les travaux de Skinner qui a mis au point un programme de conditionnement plus Styles d’apprentissage pour les systèmes hypermédia adaptatifs 39 élaboré que celui initialement développé par Watson. Les expériences de Skinner consistent à introduire un rat affamé dans une cage et par essais successifs pour sortir ou trouver la sortie, le rat est capable d’atteindre sa nourriture [Henri et al, 2001]. Avec ces expériences, Skinner annonçait une forme nouvelle de conditionnement, lié au seul renforcement de conduites. Skinner introduit une modalité pédagogique révolutionnaire à son époque : l’enseignement programmé, conçu pour renforcer le comportement du sujet avec une récompense [Page-Lamarche, 2005]. Bien qu’il conserve encore un intérêt réel, le béhaviorisme comporte certaines limites. Les béhavioristes sont incapables d’expliquer certains comportements sociaux. De plus, ils peuvent modeler de nouveaux comportements plusieurs jours après l’observation initiale sans y avoir été renforcé [Henri et al, 2001]. Vers les années 1960, étant donné ces observations, des auteurs proposent d’intégrer les conceptions et les processus mentaux au processus d’apprentissage, ce qui mènera à l’apparition des théories du cognitivisme et éventuellement du socioconstructivisme [Page-Lamarche, 2005]. 3.3 La théorie constructiviste Les constructivistes croient que chaque apprenant construit son propre savoir, en se basant sur sa perception d’expériences passées [Riding et al, 1998]. Selon eux, la connaissance ne consiste pas en un reflet de la réalité telle qu’elle se présente, mais en une construction de celle-ci. Le constructivisme tire ses origines des travaux du psychologue suisse Jean Piaget [Piaget, 1969], ensuite il a été influencé par les travaux du psychologue américain Jérôme Bruner [Bruner, 1966]. Les travaux de Piaget et Scott portent sur le développement intellectuel des enfants. L’apprenant construit ses connaissances par son action propre et ne peut assimiler des connaissances nouvelles que s’il dispose des structures mentales qui le permettent [Page-Lamarche, 2005]. La théorie constructiviste de Bruner met l’accent sur la catégorisation partant du principe que l’homme interprète le monde en termes de ressemblances et dissemblances. Ainsi, la construction des connaissances est un processus dynamique où la connaissance est activement construite par l’apprenant, non passivement reçue de l’environnement, et ce qu’un individu va apprendre dépend de ce qu’il sait déjà [Marchand, 1997]. La théorie constructiviste permet d’augmenter l’autonomie et la créativité chez l’apprenant. Bien que cette théorie conduit à une meilleure compréhension du Styles d’apprentissage pour les systèmes hypermédia adaptatifs 40 phénomène abordé, l’assimilation et l’accommodation de connaissances nouvelles sont insuffisants pour dépasser des connaissances ou reflexes de pensée naïfs antérieurs. La pédagogie constructiviste reste donc très limitée pour comprendre les difficultés ou les erreurs lors de fausses réponses [Riding et al, 1998].
La théorie cognitive
La théorie cognitive part du principe que nous pouvons inférer des représentations, des structures et des processus mentaux à partir de l’étude du comportement [Gardner, 1985]. Elle étudie les grandes fonctions psychologiques de l’être humain que sont la mémoire, le langage, l’intelligence, le raisonnement, la résolution de problèmes, la perception ou l’attention. Contrairement au behaviorisme, elle défend l’idée que la psychologie est bien l’étude du mental et non du comportement. Parmi les auteurs les plus influents ayant développé la théorie du traitement de l’information nous retrouvons les travaux de Gagné ainsi que ceux d’Ausubel [Ausubel, 1968]. A ce sujet, Ausubel souligne le rôle central joué par les processus de structuration dans l’apprentissage et reprend l’idée de Bruner [Bruner, 1966] qu’il est essentiel de prendre en compte ce que l’apprenant connaît déjà. Contrairement à ce dernier, Ausubel [Ausubel, 1968] refuse la conception constructiviste selon laquelle un apprentissage en profondeur ne peut être réalisé qu’en confrontant l’apprenant à des problèmes. La théorie cognitiviste comporte toutefois une limite importante, liée au fait qu’un matériel bien structuré ne suffit pas pour assurer un apprentissage, il faut aussi que l’étudiant ait le désir et la motivation d’apprendre. De ce fait, les aspects affectifs (motivation, intérêt, buts poursuivis) jouent un rôle important puisqu’ils fournissent l’énergie nécessaire pour effectuer un apprentissage [Page-Lamarche, 2005].
La théorie socioconstructiviste
Le socioconstructivisme est une théorie qui met l’accent sur la dimension relationnelle de l’apprentissage, inspirée des travaux de Bandura [Bandura, 1986]. Issu en partie du constructivisme, le socioconstructivisme ajoute la dimension du contact avec les autres apprenants, la collaboration, afin de construire en commun ses connaissances. La construction d’un savoir, bien que personnelle, s’effectue dans un cadre social. Les informations sont en lien avec le milieu social, le contexte culturel et Styles d’apprentissage pour les systèmes hypermédia adaptatifs 41 proviennent à la fois de ce que l’on pense et de ce que les autres apportent comme interactions. En pédagogie, nous dirons que l’apprenant élabore sa compréhension de la réalité par la comparaison de ses perceptions avec celles de ses pairs et celles de l’enseignant. Vygotsky [Vygotsky, 1978] a posé les premiers jalons de la théorie socioconstructiviste qui s’oppose à une vision individualiste de l’apprentissage. Le thème majeur de ses travaux exhorte le rôle fondamental joué par les interactions sociales dans le développement de la cognition et apporte un puissant correctif social a la théorie de Piaget [Piaget, 1970]. Vygotsky [Vygotsky, 1978] aborde l’apprentissage sous l’angle de l’action structurante des nombreuses interactions que le sujet vit dans son environnement social. Ces interactions conduisent l’apprenant à réorganiser ses conceptions antérieures et à intégrer de nouveaux éléments apportés par la situation. Selon les théories d’apprentissage présentées dans cette section, nous pouvons conclure qu’il existe plusieurs manières d’apprendre, chaque manière constitue un style spécifique. Dans la suite de cette thèse, le terme « style d’apprentissage » sera utilisé comme un concept englobant les styles cognitifs, les préférences et les stratégies d’apprentissage. Dans la section 4, nous allons découvrir quelques modèles de style d’apprentissage proposés dans la littérature. 4 Modèles de styles d’apprentissage Dans la littérature, il existe un très grand nombre de modèles de styles d’apprentissage (plus de 100 modèles dans [Mitchell, 1994]). Ces modèles se diffèrent selon la théorie d’apprentissage adoptée ainsi que le nombre et la description des dimensions qu’ils incluent. Coffield [Coffield, 2004] a identifié 71 modèles de styles d’apprentissage dont 13 modèles ont reconnu un usage répandu et une influence sur les autres modèles grâce à leur importance théorique. Selon Lynn Curry [Curry, 1983], les modèles de styles d’apprentissage sont regroupés en trois classes : Les modèles de style d’apprentissage qui s’intéressent aux préférences pour les conditions d’enseignement et d’apprentissage tels que la luminosité de la pièce, le niveau de bruit ambiant, etc. Nous distinguons notamment le modèle de Grasha et Reichmann [Grasha et al, 1975], le modèle de Dunn et Dunn [Dunn et al, 1978], etc. Les modèles de style d’apprentissage qui s’intéressent aux traits de la personnalité de l’apprenant. Nous trouvons ici le modèle de Myers et Briggs [Myers et al, 1962], le modèle de Witkin [Witkin et al, 1971], etc. Les modèles de style d’apprentissage qui s’intéressent à la manière dont l’apprenant traite l’information, en termes de moyens privilégiés pour assimiler l’information tels que la modalité sensorielle la plus performante. Nous trouvons dans cette classe le modèle de Gregorc [Gregorc, 1982], le modèle de Fleming [Fleming, 1995], le modèle de Honey et Mumford [Honey et al, 1986], le modèle de Kolb [Kolb, 1984], etc.
Le modèle de Grasha et Riechmann
Le modèle de Grasha et Riechmann [Grasha et al, 1975] développe la notion du style d’apprentissage dans une perspective de relations interpersonnelles. Grasha et Riechmann classifient les apprenants en six catégories: compétitif, collaborateur, fuyant participant, dépendant et indépendant. Le tableau ci-dessous donne des descriptions de chaque style: Le style compétitif : se caractérise par son attitude compétitive, sa motivation et son désir de gagner. Un apprenant ayant ce style acquière des connaissances pour obtenir de meilleurs résultats et croit qu’il doit se mesurer aux autres pour obtenir les récompenses offertes. Le style collaborateur : se caractérise par la coopération, le partage ainsi que le plaisir d’interagir avec d’autres. Les apprenants collaborateurs estiment qu’ils peuvent apprendre en partageant des idées et des talents entre eux. Le style fuyant : manifeste peu d’enthousiasme à apprendre le contenu du cours. Les apprenants fuyant se caractérisent par l’absence de participation avec les autres étudiants et les enseignants aux activités. Le style participant : se caractérise par son désir d’apprendre le contenu du cours et sa réaction positive à réaliser avec les autres ce qui est demandé. Les apprenants participants aiment prendre part au plus grand nombre possible d’activités. Le style dépendant : se caractérise son manque de curiosité intellectuelle et son besoin de l’enseignant comme source d’information et de structure. Les apprenants dépendants apprennent uniquement la matière obligatoire. Le style indépendant : se caractérise par son autonomie de pensée, sa confiance en soi, sa capacité de structurer soi-même son travail. Les apprenants indépendants préfèrent acquérir les connaissances qu’ils jugent importantes et travailler seuls. Grasha et Riechmann [Grasha et al, 1975] ont aussi élaboré un instrument, Student Learning Styles Scale, qui suppose l’existence de trois dimensions bipolaires: compétitif par apport à collaborateur, participant par apport à fuyant et indépendant par apport à dépendant. Plusieurs recherches par la suite ont montré que seule la dimension participant-fuyant donne de manière constante des scores opposés. Le style d’apprentissage est évalué à partir du profil de réponses de l’élève.
Le modèle de Dunn et Dunn
Le modèle de Dunn et Dunn [Dunn et al, 1978; Dunn et al, 2003] est un très bon exemple des modèles appuyant sur les préférences individuelles de l’apprenant et leur développement. Dunn et Dunn proposent un certain nombre de variables qu’ils jugent importantes dans l’apprentissage et qui peuvent être sources de différences individuelles. Au cours des années soixante-dix, ce nombre de variables augmentera de douze à vingt pour former cinq catégories: Variables environnementales : son, lumière, température et le design. Variables affectives : motivation, persistance, responsabilité et structure. Variables sociologiques : apprendre mieux seul, avec un autre, en équipe, avec un adulte ou de manière variée. Variables physiologiques : modalités perceptives efficaces, fluctuation du niveau d’énergie selon le moment de la journée, besoin de mobilité pendant l’apprentissage.
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