Observer, interpréter la démarche RSE d’un grand service public de réseaux
Le concept de dispositif et sa mobilisation par la gestion
Dans le domaine des sciences sociales, la plupart des travaux s’intéressant aux interactions d’objets de natures différentes : des mots et des choses, des objectivités et des subjectivités, des techniques et des règles, des savoirs et des pouvoirs, etc., se référent à la notion de dispositif empruntée à Foucault qui n’a pas donné de définition au sens strict à ce terme.
On peut ici préciser que dans le domaine de la gestion, l’un des principaux apports reconnus des travaux de Foucault est d’offrir à cette discipline une posture intellectuelle, « un statut inédit » refusant « les invariances des grandes hypothèses classiques » (Hatchuel, 2005, p. , c’est-à-dire, qui vise à « lutter contre les pouvoirs dogmatiques (même s’il en existe toujours…) »
(renoncer à l’ordre dogmatique des disciplines séparées qui organise les savoirs et en encadre toute réflexion critique) et à « affronter aussi les illusions d’autonomie et d’autofondation qui peuvent être destructrices » (prendre ses distances par rapport aux « métaphysiques de la rationalité et du social qui forgent les figures universelles de l’humain ») (Ibid., 2005, p. 26-27).
Les expressions de « mondes sociaux » ou « sphères d’activité », empruntées à d’autres sociologues (conventionnalistes, notamment) sont utilisées par les auteurs qui nous intéressent, pour illustrer la fragmentation matérielle et symbolique de l’entreprise. Ces expressions renvoient à des « formations tout à fait contingentes et éphémères, dont les règles de fonctionnement ne sont applicables qu’à une situation particulière et interdisent toute extrapolation à d’autres situations […]» (Maugeri, 2002, p.4).
Elles naissent du partage d’une activité, d’un espace ou encore d’outils communs. La dynamique, au sein de ces sphères d’activité, se vit avant tout collectivement. Les membres d’une même sphère se sentent liés les uns aux autres et partagent une vision commune, leur permettant de faire passer les intérêts particuliers au second plan. On ne peut cependant pas parler de culture professionnelle ou d’entreprise car « les représentations et valeurs que les individus mettent en commun dans leur confrontation à autrui, sont celles qu’ils ont élaborées sur place, à partir de leur activité, de l’espace et des outils dont ils disposent ;
elles ne dépassent donc pas le « cercle » restreint de l’équipe de travail, qui, le cas échéant, peut réunir plusieurs métiers et entremêler diverses trajectoires professionnelles… » (Maugeri, 2002, p. 4). En revanche, l’idée de logiques d’action propres à chaque sphère, comme l’entendent les conventionnalistes (Boltanski et Thévenot, 1991), est admise. Pour ces conventionnalistes, les sociétés sont traversées par différentes logiques d’action, qu’ils nomment, monde commun, (ces mondes sont au nombre de six : domestique, marchand, de l’inspiration, civique, industriel, de l’opinion).