Observation satellitaire et modélisation de l’albédo des forêts sur le territoire français métropolitain
Forêts, Climat et Albédo : état de l’art
La forêt et le climat
Une forêt telle que définie par la FAO (1998) est une surface de 0.5 hectares (ha), avec une largeur minimale de 20 mètres, où le couvert arboré doit occuper plus de 10% de la surface. Les arbres qui la constituent doivent atteindre une hauteur minimale de 5m à leur maturité. Par conséquent les plantations forestières et les forêts à des stades moins avancés, mais qui vont évoluer à maturité vers des forêts de plus de 5m de haut, sont incluses dans la définition de forêts. En revanche, les surfaces couvertes par une végétation arbustive ne sont pas strictement considérées comme des forêts mais plutôt comme des surfaces boisées. Les zones agricoles, les prairies, les pâturages, les zones urbanisées, les terres arides et les surfaces en eau sont exclues de la définition de « forêts ». Une forêt s’organise généralement en plusieurs strates (Figure I-2). Tout en haut se trouve la canopée, ou strate arborescente, regroupant les arbres matures. Elle s’élève au-dessus de souscouches composées d’une strate d’arbres à un stade non mature et d’arbustes (strate arbustive), d’une couche herbacée située juste au-dessus du sol, et éventuellement d’un tapis de mousses (strate muscinale). Dans le monde les forêts couvrent 30.6% des surfaces émergées avec près de 4 milliards d’hectares (FAO, 2016 ; ONF, 2017). Chaque niveau est composé d’espèces végétales, animales et micro-organiques qui lui sont propres et qui forment un micro-écosystème. Source image : Bournérias et Bastien ; Source texte : ONF (2017). De par leur structure complexe et leur superficie importante dans le monde, les forêts constituent l’un des principaux réservoirs de biodiversité au monde et rendent de nombreux services écosystémique (ONF, 2017). Les services écosystémiques sont définis comme les bénéfices que les êtres humains tirent des écosystèmes (Millenium Ecosystem Assessment, 2005). La FAO mettait en avant que les revenus de plus d’1.6 milliards de personnes étaient dépendants des services écosystémiques rendus par les forêts (FAO, 2014). Il existe trois grandes catégories de services écosystémiques soutenus par des fonctions de support (photosynthèse, cycle de l’eau, cycle d’éléments nutritifs, etc…) : les services de prélèvement, les services culturels et les services de régulation. Les services de prélèvement participent directement aux besoins quotidiens des êtres humains en fournissant la nourriture (champignons, miel, chasse, fruits…), les matériaux de construction (bois) et composés médicinaux. Outre ce service qui participe directement au revenu des populations, les services culturels (éducation, loisirs, écotourisme, etc…) prennent de plus en plus d’ampleur, notamment dans le contexte actuel d’augmentation des surfaces urbanisées (Millenium Ecosystem Assessment, 2005). Enfin, les forêts fournissent des services de régulation qui contribuent à la sécurité, au bien-être et à la santé des populations. En effet les forêts participent à la purification des polluants dans l’air et dans l’eau, à la diminution des glissements de terrain de par leur système racinaire, à la protection contre les inondations […] et notamment à la régulation du climat via les rétroactions qu’elles peuvent imposer de par leur influence sur les cycles biogéochimiques et biophysiques à la surface.
Régulation du climat par les forêts
Processus biogéochimiques
Les forêts jouent un rôle majeur vis à vis du climat de par leur influence sur les cycles biogéochimiques à la surface (carbone, azote, phosphore, etc…). Dans les modèles de surface (LSM), le rôle joué par la végétation sur les cycles naturels biogéochimiques se fait principalement au travers du cycle du carbone (Figure I-3). Deux processus vont être primordiaux: la photosynthèse et la respiration autotrophe. Les flèches vertes indiquent les processus induisant le stockage de carbone et les flèches rouges indiquent les processus libérant du carbone vers l’atmosphère (source de carbone). La photosynthèse est un processus observé chez les algues et la végétation terrestre qui consiste en l’absorption de dioxyde de carbone atmosphérique et d’eau pour la production de sucre, une forme d’énergie utilisable par les végétaux (Salisbury et Ross, 1978), voir Eq. I-1. Pour les plantes vasculaires, ce processus de photosynthèse se déroule dans les feuilles et plus précisément dans les 10 Chapitre I : Chapitre introductif chloroplastes des cellules du parenchyme. Dans ces chloroplastes, la réaction de photosynthèse se réalise en deux étapes : une phase d’interception des photons issus du rayonnement solaire par les pigments photosynthétiques (et notamment par la chlorophylle) et une phase de fixation du carbone (cycle de Calvin). La gamme de rayonnement actif pour la photosynthèse est située dans le domaine spectral du bleu (< 0.5 m) et du rouge (0.65-0.7 m). Elle correspond aux longueurs d’onde d’action maximale de la chlorophylle a (0.43 m et 0.66 m) et de la chlorophylle b (0.445 m et 0.645 m). Au travers de la photosynthèse la végétation va agir comme un capteur de carbone (Figure I-3). La quantité totale de CO2 fixée durant le processus de photosynthèse est traduite au travers de la production primaire brute (GPP pour « gross primary production » en anglais) (Randerson et al., 2002) 6 𝐶𝑂2 + 12 𝐻2O − −→ 𝐶6𝐻12𝑂6 + 6 𝑂2 + 6 𝐻2𝑂 Eq. I-1 où, n représente un nombre de molécules, CO2 le dioxyde de carbone, H2O l’eau, (CH2O)n le glucose et O2 le dioxygène. Si la végétation capte du CO2 de l’atmosphère, elle en rejette aussi de par sa respiration. La respiration est le processus qui permet, à partir des glucides produits par la réaction de photosynthèse, de fournir l’énergie de croissance (ATP) à la plante. Le processus de respiration de la plante (respiration autotrophe) se déroule dans les mitochondries, au travers d’une chaîne de réactions appelée cycle de Krebs. Lors de cette réaction la plante consomme de l’oxygène et rejette du CO2 (Salisbury et Ross, 1978) (Eq. I-2). Par conséquent ce processus est une source de carbone atmosphérique (Figure I-3). 𝐶6𝐻12𝑂6 + 6 𝑂2 + 6 𝐻2𝑂 −−→ 6 𝐶𝑂2 + 12 𝐻2O + é𝐧𝐞𝐫𝐠𝐢𝐞 Eq. I-2 où, « énergie » représente une forme d’énergie biochimique utilisable par les cellules (molécules d’ATP). Tandis que la photosynthèse participe au stockage du carbone, la respiration autotrophe (Ra) des plantes libère du CO2 (Figure I-3). La différence entre ces deux processus permet d’accéder à la production primaire nette (NPP pour « net primary production » en anglais), c’est-à-dire à la quantité de carbone absorbée par la plante (vivante). En moyenne, une fraction d’environ 50% du carbone absorbé par les forêts, au travers de la photosynthèse, est actuellement réémise dans l’atmosphère par leur respiration autotrophe (Zhang et al., 2009 ; Tang et al., 2014). Plusieurs études ont montré que la NPP, et plus particulièrement la NPP aérienne, augmentait durant la période de croissance de la forêt pour atteindre un pic à la maturité et ensuite décroître (Gower et al., 1996 ; Ryan et al., 1997 ; Drake et al., 2011, He et al., 2012 ; etc.). Toutefois la raison de cette chute de la NPP avec l’âge des forêts reste incertaine. Alors que plusieurs travaux suggèrent que le déclin de la NPP serait dû à une augmentation de la Ra avec l’âge (Kira et Shidei, 1967 ; Odum, 1969 ; Goulden et al., 2011), une étude récente de Tang et al. (2014) tend à mettre en évidence que la chute de NPP serait due à une diminution à la fois de la GPP et de la Ra, où la GPP décroîtrait plus rapidement. Cette étude tendrait ainsi à appuyer l’hypothèse de Ryan et al. (1992 ; 1997 ; 2004) et de Drake et al. (2011). A elles seules les forêts contribuent à près de 50% de la NPP terrestre (Sabine et al., 2004 ; Bonan, 2008). Toutefois, outre la respiration autotrophe, les écosystèmes forestiers possèdent également une respiration hétérotrophe au travers notamment des organismes présents dans le sol qui participent à la minéralisation de la matière organique. Cette décomposition matière organique, issue de la végétation morte, par les organismes hétérotrophes du sol participe également à diminuer la quantité de carbone nette stockée par les écosystèmes forestiers et participe à la notion de production nette de l’écosystème (NEP pour « net ecosystem production » en anglais) (Randerson et al., 2002).
Résumé |