Observation photographique de l’évolution du paysage ligérien : Objectifs
L’exploitation des images satellites et vues aériennes permettent d’analyser l’évolution de l’occupation des sols de manière quantitative (donnés statistiques sur les changements d’occupation des sols : avancée de la forêt, de la friche, de l’artificialisation des sols). Toutefois, ces données « ne rendent pas compte de la dimension sensible du paysage » (Quesney D., Ristelhueber-Guilloteau V., Stefulesco C., 1994). L’analyse photographique et la réalisation de croquis permettent quant à eux de mettre en avant les variations qualitatives du paysage ; l’évolution du cadre de vie. A l’image de l’Observatoire photographique du paysage, réalisé à partir de 1989, sous la responsabilité du Ministère de l’Environnement (bureau du Paysage), nous avons réalisé par photographie, une analyse de l’évolution du paysage. Nous cherchons ainsi à montrer de manière visuelle, ce qui est présenté par la Mission Val de Loire comme étant un phénomène répandu sur le territoire du Val de Loire. L’Observatoire photographique du paysage consiste à réaliser des séries photographiques de prises de vues, effectuées à partir d’un même point de vue, à des intervalles réguliers. L’objectif est de décrire l’évolution du paysage à travers des prises de vue reconduites chaque année. Dans l’idéal, il ne faudrait pas uniquement réaliser des couples photographiques (deux images prises du même point de vue), mais des séries entières de prises de vues au cours du temps. Ceci dans le but d’apporter un réel regard prospectif de l’évolution du paysage et non pas uniquement un constat de sa dégradation. Cependant, nous avons été restreints dans notre travail par la documentation disponible ainsi que par le temps (nous n’avons pas pu réaliser nous-mêmes différentes prises de vues ayant un intervalle de temps suffisamment conséquent pour que le rendu soit appréciable). Pour cela, nous avons travaillé sur une comparaison des photographies réalisées avec des cartes postales. Les inventaires de paysage étaient pendant longtemps réservés à un public de spécialistes. Avec l’invention de la photographie, de nouveaux moyens de connaissance des paysages, des sites, des villages et monuments apparaissent. La carte postale, très en vogue dans les années 1900 devient d’une part, un moyen de communiquer et d’autre part, un moyen de faire connaître un pays. Ces prises de vues représentent à la fois des paysages, des métiers, des pratiques et usages du territoire. Elles recouvrent l’ensemble du territoire français et en traduisent les perceptions. La carte postale représente la manière dont la population s’approprie l’espace dans lequel elle vit. Grâce aux cartes postales, « on retrouve [ainsi] les caractéristiques essentielles de la vision paysagère qui a marqué la quasi-totalité des conceptions du paysage du XIXe siècle » (Luginbühl Y., 1994). C’est dans cette optique que nous avons souhaité comparer les visions offertes par les cartes postales, avec des photos récentes représentant les mêmes points de vue. L’objectif est de refaire à l’identique, de reproduire le travail qui a été fait par un autre, un siècle auparavant (toutes nos données sont datées entre 1900 et 1914). En dehors du sentiment de s’inscrire dans une réelle pratique photographique, cette opération permet de réfléchir à la manière dont le paysage pouvait être perçu à cette époque. Nous nous plaçons dans une démarche ayant pour volonté de mesurer les effets du temps. L’observation et la comparaison rendent compte des transformations et des détériorations du paysage. Permettant ainsi de visualiser plus facilement les actions nécessaires. On peut alors mesurer les effets de l’urbanisation et de l’artificialisation des sols. Mais aussi de l’abandon de l’agriculture sur certain terrain, et du développement de plantations plus ou moins massives, plus ou moins ordonnées. L’Observatoire photographique du paysage avait d’ailleurs été mis en place dans cette optique, considérant que l’analyse photographique permet de « détecter les changements qualitatifs que connaissent les paysages au fil des ans, pour alerter les pouvoir publics et leur permettre de prendre les mesures correctrices fondées sur une observation la plus fine possible » (Quesnel D. et al., 1994).
Observation photographique de l’évolution du paysage ligérien
Méthode 1) Définition de la thématique du parcours d’observation La première étape du protocole méthodologique consiste en la définition de la thématique du parcours d’observation. Avant même récolter les données et de les localiser, nous avons cherché à définir l’objectif de nos observations sur le terrain. Grâce à l’analyse cartographique et nos travaux précédents, nous avons pu émettre ou confirmer certaines hypothèses. C’est donc autour de celles-ci que nous avons orienté notre recherche. Principalement, nous avons cherché à confirmer le fait que : L’Evolution du paysage ligérien, de caractère majoritairement agricole, est influencé par une dynamique de fermeture du paysage. Pour cela nous tentons de répondre aux questions suivantes : Les paysages/points de vue mis en valeur par les cartes postales le sont-ils toujours aujourd’hui ? Sont-ils accessibles ? Quel constat pouvons-nous faire de l’évolution du paysage ? Quels sont les phénomènes récurrents ? Sont-ils réversibles ou irréversibles ? La fermeture du paysage se retrouve-t-elle sur l’ensemble du territoire ligérien ?
Etapes de la Méthode
Le choix des sites : les sites sont retenus lorsque les problèmes soulevés sont exploitables et intéressants. Notre terrain d’étude à été défini auparavant, il s’agit des territoires contenant les communes de Montlouis-sur-Loire, Vouvray et Vernou-surBrenne à l’Est ; les communes de Luynes, Saint-Genouph, St-Etienne-de-Chigny, Berthenay et Villandry à l’Ouest. Collecte des documents anciens : Archives départementales, municipales ou universitaires ; les sociétés savantes ; la presse ; les photographes professionnels et amateurs. Nous avons autant que possible cherché à utiliser des données provenant de sources fiables et dont la datation était possible. Il se trouve que la plupart des communes contactées nous ont orientées vers des sources également disponibles en format numérique sur le site internet : http://www.notrefamille.com/v2/services_cartes_postales/cartespostales.asp?msg=no_result. Du fait de la possibilité de récolter de manière rapide et sous un format facilement exploitable les données, nous avons donc choisi d’utiliser principalement cette source. Les points de vue et l’itinéraire : Dans un premier temps, nous avons fait état d’un phénomène « préoccupant » (ici la fermeture du paysage). Ensuite, nous précisons des lieux dont on souhaite observer l’évolution. A partir de documents anciens permettant d’observer l’évolution dans le temps et du fait de l’accessibilité des points de vue, nous choisissons l’itinéraire définitif. Nous avons également tenu compte des éléments mis en avant sur les représentations. Ainsi nous nous sommes intéressés aux cartes postales décrivant des éléments bâtis majeurs, d’importance historique et patrimoniale (château, architecture ligérienne…). Nous avons également privilégié les représentations contenant la Loire ou des pratiques liées à la Loire (batellerie, vignes…). Repérage : Le repérage se fait sur carte puis sur le terrain directement. Pour cela nous avons collaboré avec les Offices du tourisme des communes concernées. Ayant une bonne connaissance du territoire communal et de ces éléments majeurs, le personnel a pu nous renseigner rapidement et de manière assez précise sur la localisation des prises de vues. Nous avons également rencontré certains riverains (habitant le territoire depuis un certain temps) qui ont pu soit nous préciser certaines localisations, soit nous donner des informations complémentaires concernant le site (comme par exemple le type de culture agricole anciennement présente sur le terrain). Après avoir localisé les points de vue intéressants, il ne s’agit plus que de prendre la photo correspondante. Pour cela nous avons rencontré quelques difficultés. Premièrement, de nombreux terrains n’étaient plus accessibles : privatisation ; développement de boisement ; écroulement de berges ; disparition du site (dans le cas des îles de la Loire et de certains bâtiments). Deuxièmement, il s’est avéré très difficile voire impossible de réaliser l’exacte copie des clichés anciens. Ceci du fait que les photos étaient prises à l’époque (début 1900) avec un matériel différent (essentiellement du fait d’une distance focale différente). Cette caractéristique traduit bien la vision antérieure de la photographie ; les photos devaient représenter non pas un objet précis mais bien un espace dans toute sa largeur : un paysage.