Observance de la prise des compléments nutritionnels oraux en service de gériatrie
INTRODUCTION
La diminution des ingestas, l’augmentation du catabolisme et la fragilité liée à l’âge sont des facteurs qui expliquent la forte prévalence de la dénutrition chez les sujets âgés souffrant de maladies chroniques ou aigues (1–5). Dans les services de gériatrie, on estime que cette prévalence est de l’ordre de 50 à 70% (6,7). Les compléments nutritionnels oraux (CNO) sont des produits à forte densité énergétique prescrits pour augmenter la consommation calorique des patients. Bien que les études évaluant l’impact des CNO sur le risque de mortalité ou de complications liées à la dénutrition donnent des résultats contradictoires, l’ESPEN (European Society for Clinical Nutrition and Metabolism) préconise, dans ses recommandations de 2018 (8), la prescription de CNO aux sujets âgés dénutris ou à risque de dénutrition pour une durée d’au moins 1 mois afin d’avoir un réel impact sur la consommation énergétique globale et le poids, et de diminuer le risque de complications ou le taux de réadmission dans les services d’hospitalisation (9–12). Il faut très régulièrement s’enquérir de la prise effective de cette prescription pour s’assurer de ses bénéfices (13,14). En ce qui concerne les CNO, l’observance est meilleure à domicile qu’à l’hôpital et, semble, de manière générale, meilleure chez les personnes âgées que chez les sujets jeunes (8). Dans les services de gériatrie, on estime qu’environ deux tiers des CNO prescrits sont réellement consommés (15). Les raisons les plus fréquemment invoquées par les patients pour expliquer ce faible taux de consommation sont l’anorexie, le dégoût, les modifications de goût et d’odorat, la fatigue, la monotonie… Le choix de prescription se fait au parmi une large gamme de produits se différenciant par leur composition (densité énergétique, teneur en protéines ou en fibres), leur type (crème, jus, yoghourt), leur présentation (liquide, solide, sous forme de poudre), leur volume ou leur arôme. Ce choix doit toujours tenir compte des besoins énergétiques et protéiques du patient, de ses capacités de déglutition et de mastication, mais aussi de ses préférences. La palatabilité est un facteur important d’amélioration de l’observance si bien qu’il est impératif de tenir compte des goûts du patient pour optimiser celle-ci. L’offre doit être variée, flexible et adaptée si on veut s’assurer d’une bonne consommation des CNO. Toutes les stratégies capables d’augmenter l’observance des CNO pourraient avoir un impact majeur à la fois sur la santé des patients et sur des critères économiques. 3 Nous avons réalisé une étude pilote, prospective, randomisée, contrôlée, en ouvert, entrant dans la catégorie des soins courant afin de comparer l’impact de deux stratégies de prescription de CNO dans une population de sujets âgés hospitalisés. Dans chaque groupe, les CNO étaient prescrits en respectant les besoins nutritionnels des patients. Les patients du groupe « contrôle » se voyaient prescrire des CNO après avoir été interrogés sur leurs préférences ou leurs aversions alimentaires. Les patients du groupe « expérimental », se voyaient, eux, prescrire les CNO qu’ils avaient préférés à l’issu d’une dégustation préalable de 6 à 8 types de CNO. Nous avons émis l’hypothèse que cette stratégie de prescription basée sur une dégustation préalable pourrait améliorer la consommation effective des CNO au cours d’une hospitalisation chez les sujets âgés dénutris ou à risque de dénutrition, et avoir un impact positif sur leur statut nutritionnel. Si cette hypothèse s’avérait exacte, la généralisation d’une dégustation de CNO préalable à leur prescription serait à recommander dans cette population.
PATIENTS ET METHODE
L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’impact de deux stratégies de prescriptions (cf supra) sur la consommation réelle de CNO dans une population de patients gériatriques dénutris ou à risque de dénutrition au cours d’une hospitalisation dans un service de cours séjour. Les objectifs secondaires sont d’évaluer l’effet de ces deux stratégies de prescription sur la prise alimentaire et le statut nutritionnel de patients à l’issue de leur séjour hospitalier et 3 mois après leur sortie. Le consentement écrit de tous les patients était recueilli et le protocole d’étude approuvé par le comité d’éthique (NCT02857049). Population étudiée Les patients ont été recrutés entre mars 2014 et juin 2016 au sein de deux services de court séjour de gériatrie du CHU de Marseille (Hôpital Nord et Hôpital SainteMarguerite). Les critères d’inclusion étaient : 4 • Patients âgés de 70 ans ou plus hospitalisés dans l’un des deux services de gériatrie • Patients dénutris ou à haut risque de dénutrition justifiant une prescription médicale de CNO (laissé à la discrétion des médecins de chaque service). Les critères de non inclusion étaient : • Patients jugés en incapacité ou détenus • Patients présentant une contre-indication à l’alimentation orale • Patient dont le consentement était rendu impossible ou estimé peu fiable (démence, déclin cognitif, barrière linguistique) Les critères d’exclusion étaient : • Retrait de consentement. Recrutement et randomisation Les patients étaient recrutés dans deux services de gériatrie du CHU de Marseille. La liste de randomisation a été établie avant l’étude par le service d’information médicale et de santé publique de l’AP-HM. La méthode utilisée était celle de blocs de randomisation et cette dernière était centralisée. Après avoir été randomisés les patients étaient assignés à un des deux groupes : • Groupe contrôle (G1) : la prescription de CNO se faisait de façon classique, c’est-à-dire, après qu’un diététicien ait interrogé le patient oralement au sujet de ses préférences en termes de goût ou de type. • Groupe expérimental (G2) : la prescription de CNO se faisait en accord avec le choix du patient à l’issue d’une dégustation de 6 à 8 CNO proposés par un diététicien. Dans tous les cas, ces prescriptions devaient respecter les besoins nutritionnels du patient et étaient précédées d’une information détaillée relative aux modalités de prise des CNO. Recueil de données. Le critère principal d’évaluation de l’étude était l’observance de la prise de CNO au cours de l’hospitalisation. Pour ce faire la consommation effective était évaluée chaque jour pour chaque patient, par une diététicienne qui pesait les quantités de produit non 5 consommé. Nous avons défini l’observance comme le rapport entre le poids des CNO consommés sur celui des CNO prescrits. Les résultats étaient donc exprimés en pourcentage de consommation. Nos objectifs secondaires étaient multiples et évaluaient l’impact de ces deux stratégies sur des données nutritionnelles cliniques et biologiques à la sortie d’hospitalisation (poids, ingestas quotidiens, évaluation de l’appétit, albumine, pré albumine, Mini Nutritional Assessment (MNA)). Une évaluation nutritionnelle clinique était également réalisée 3 mois après la sortie d’hospitalisation, sur le lieu de vie du patient. . Pour chaque patients, les données étaient recueillies par une diététicienne à 4 reprises au cours de l’étude : 1. Au moment de la prescription des CNO avec recueil de : a. Histoire de la maladie et des motifs d’hospitalisation b. Poids, Taille, IMC, évolution récente du poids c. Evaluation de l’appétit par une échelle visuelle analogique (de 0 à10) d. Consommation alimentaire quotidienne reposant sur l’interrogatoire des dernières 24 heures (nombre de kcal, % des différents macronutriments) e. MNA f. Dosage de l’albumine, pré-albumine et Protéine C réactive (CRP) 2. Au cours du séjour hospitalier avec recueil de : a. Types de CNO prescrits (valeur énergétique, taux de protéine, texture, arome…) b. Nombre de CNO prescrits par jour c. Consommation effective quotidienne des CNO d. Degré de satisfaction à l’égard de ces produits (échelle visuelle analogique de 0 à10) e. Evaluation de l’appétit par une échelle visuelle analogique (de 0 à10) f. Consommation alimentaire quotidienne reposant sur l’interrogatoire des dernières 24 heures (nombre de kcal, % des différents macronutriments) 3. La veille de la sortie d’hospitalisation avec recueil de : a. Poids, IMC 6 b. Evaluation de l’appétit par une échelle visuelle analogique (de 0 à10) c. Consommation alimentaire quotidienne reposant sur l’interrogatoire des dernières 24 heures (nombre de kcal, % des différents macronutriments) d. Dosage de l’albumine, pré-albumine et Protéine C réactive (CRP) 4. 3 mois après la sortie de l’hôpital sur le lieu de vie du patient avec recueil de : a. Poids, IMC b. La poursuite de la prescription de CNO c. Evaluation de la consommation de CNO et du degré de satisfaction des patients vis-à-vis de ces produits d. Evaluation de l’appétit par une échelle visuelle analogique (de 0 à10) e. Consommation alimentaire quotidienne reposant sur l’interrogatoire des dernières 24 heures (nombre de kcal, % des différents macronutriments) f. MNA
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