Numérisation, interfaces et reconfiguration du livre

Numérisation, interfaces et reconfiguration du livre

Bases de données et interfaces comme mode d’accès au savoir Par la numérisation, le livre s’intègre dans un vaste système d’information, bibliothèque numérique ou base de données, ce qui pose la question de l’interface comme de médiation et de l’écran comme médium, lesquels s’imposent alors comme mode d’accès aux livres. Les bases de données vont-elles se substituer aux livres pour rendre les textes accessibles ? Ceux-ci seraient alors soumis aux moteurs de recherche qui créent leurs propres index et déterminent, par le truchement des algorithmes, l’accessibilité des contenus.

Les usages n’imposent-ils pas déjà le web comme espace de lecture et mode de transmission des connaissances en lieu et place du livre ? Le web se présente en effet comme une interface de médiation, de représentation du monde et d’organisation des savoirs. Si l’on accepte les bases de données et les interfaces web comme nouveau paradigme d’accès à l’information et à la connaissance, se pose alors la question de savoir qui les contrôle. Les interfaces que nous imposent les GAFA 21 cherchent à nous enfermer dans leur écosystème, leur vision du monde et leur mode de pensée.

Elles reposent sur des modes de lecture spécifiques qu’Alain Giffard appelle « lectures industrielles » (Giffard, 2009). Au modèle épistémologique de l’hypertexte, comme mise en réseau des connaissances, et de la délinéarisation, comme possibilité offerte au lecteur de construire son propre parcours de lecture, s’est substituée une logique mercantile qui vise à capter l’attention, à rompre le fil de lecture, non pour l’enrichir mais pour placer des « liens sponsorisés ». L’objectif est de faire du lecteur un consommateur captif avec la « conversion » (acte d’achat) comme horizon de lecture.

Le livre lui-même est un enjeu pour les GAFA qui, motivés par leurs intérêts commerciaux, réduisent le livre à un produit d’appel pour vendre marchandises et services. En même temps, Google Livres permet d’identifier immédiatement une citation tandis qu’Apple et Amazon modélisent des usages de lecture et des pratiques du livre émergentes, comme par exemple la lecture en réseau, qui seront sans doute structurants dans l’avenir.

Aussi, nous paraît-il important, au-delà de cette problématique des mutations du livre et de la lecture, des transformations de l’accès à l’information et à la connaissance, d’affirmer un enjeu de nature politique : il importe de reprendre le contrôle de nos interfaces car ce sont elles désormais qui déterminent notre rapport au monde en lieu et place du livre. Avec les médias numériques, les interfaces ne permettent pas seulement l’interaction entre l’homme et la machine. Elles présentent un caractère pratique et dynamique qui permet à l’homme non seulement de voir son contenu mais d’agir dans la machine. Pour Alexander Galloway, les interfaces sont « des seuils et non des fenêtres »

Les interfaces comme livres, le livre comme interface

L’apparition des supports numériques fait advenir de nouvelles formes du livre, que nous pourrions appeler « livre-interface » pour les distinguer du livre-codex et du livre-volumen. Si les interfaces web tendent à se substituer au livre, le livre lui-même, en tant qu’objet numérique, devient une interface qui gère des flux et des interactions. Les propriétés de cette interface — la tactilité, l’interactivité, la multimodalité — transforment, en augmentant selon notre hypothèse, l’activité de lecture et l’accès au texte, renouvelant les formes mêmes des œuvres.

Pour Laurent Collet et Françoise Paquienséguy, les interfaces sont « des objets intermédiaires entre imaginaire, technique et pratique », c’est-à-dire qu’elles représentent et traduisent des imaginaires sur un support qui, passant des CD-ROM aux e-albums sur tablettes, procèdent à une médiation entre pratiques nouvelles et anciennes (Collet et Paquienséguy, 2015). Notre démarche sera de modéliser un livre-interface qui revisitent ces pratiques en appliquant au livre les principes de la conception d’interface.

Telle est notre approche : analyser la mutation en cours sur l’objetlivre, les formes du texte, les modes de lecture et la construction du sens, en conscience de l’impact sur les processus cognitifs et, en définitive, sur la représentation symbolique du monde et le rapport au réel ; appréhender le livre comme une interface et proposer une modélisation du livre augmenté. Pour cela, nous nous appuierons sur deux concepts-clés : la remédiatisation et l’éditorialisation.

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