Nouvelles architectures et optimisations pour la montée en puissance des lasers à cascade quantique moyen infrarouge
Le domaine de l’infrarouge
Tout rayonnement électromagnétique peut être décrit conjointement de manière ondulatoire, comme une onde électromagnétique se propageant, ou corpusculaire, comme un flux de particules, les photons. L’énergie des photons composant ce rayonnement permet alors de le classifier. Ainsi, la figure I.1 représente la dénomination attribuée à un rayonnement selon sa longueur d’onde. Figure I.1: Dénomination des domaines spectraux selon la longueur d’onde Les frontières entre chacune des terminologies ne sont volontairement pas représentées, ces délimitations étant arbitraires et variables selon l’application ou le corps de métier considérés. Le domaine du térahertz, pour des longueurs d’onde entre 1 mm et 100 µm, marque la rupture entre les dispositifs du monde de l’électronique et ceux de la photonique. Dans l’ordre décroissant des longueurs d’onde, on rencontre successivement après le térahertz, l’infrarouge (780 nm à 100 µm), le visible (380 nm à 780 nm), l’ultra-violet (10 nm à 380 nm), les rayons X (1 pm à 10 nm) et les rayons Gamma (inférieures à 1 pm). L’infrarouge (IR) est lui-même subdivisé en sous-domaines : le proche-infrarouge (NIR) de 780 nm à 1,4 µm, l’infrarouge courte longueur d’onde (SWIR) de 1,4 µm à 3 µm, le moyen-infrarouge (MWIR) entre 3 µm et 8 µm, l’infrarouge grande longueur d’onde (LWIR) entre 8 µm et 15 µm et l’infrarouge lointain (FIR) au-delà de 15 µm. Le domaine de l’infrarouge est particulièrement intéressant car il correspond au rayonnement électromagnétique émis par un corps à température ambiante, aux mouvements vibrationnels des molécules et parce l’atmosphère y présente des fenêtres de transmission. En effet, tout corps émet un rayonnement électromagnétique dont la longueur d’onde dépend de sa température. Dans l’approximation du corps noir, la loi de Planck donne la luminance énergétique spectrale d’un corps avec une température de surface T selon la longueur d’onde λ : L(λ, T) = 2hc2 λ5 1 exp hc λkBT − 1 (I.1) Ici, h représente la constante de Planck, c la vitesse de la lumière et kB la constante de Boltzmann. La luminance calculée par ce modèle est représentée sur la figure I.2 pour différentes températures : celle du Soleil (5477◦C), celle d’un réacteur d’avion de chasse (550◦C) et celle du corps humain (36◦C). Plus la surface du corps considéré est froide, plus l’intensité est faible et plus le maximum de son émission est décalé vers les grandes longueurs d’onde. Ainsi un réacteur d’avion verra son maximum de rayonnement dans la gamme 2,5-5 µm et le corps humain aura une signature thermique plus marquée dans la bande 6-14 µm. Nous voyons donc déjà que l’infrarouge moyen est la gamme spectrale de choix pour les domaines où la température des objets entre en ligne de compte. D’autre part, l’atmosphère atténue peu les signaux infrarouges émis dans certaines fenêtres spectrales. Un spectre de la transmission de l’atmosphère est représenté sur la figure I.3, il est généré sur le logiciel ATRAN [1], à partir des données fournies par l’observatoire Gemini [2]Les principales molécules responsables de l’absorption sont rappelées sur cette figure. Ainsi l’ozone a un pic d’absorption autour de 9,5 µm, le dioxyde de carbone entre 14 µm et 16 µm. L’eau présente à la fois une forte absorption dans la plage 5,5 µm à 7 µm et de nombreux pics d’absorption au-delà de 17 µm. De cette façon, les signaux infrarouges peuvent se propager sur de grandes distances avec une faible atténuation si leur longueur d’onde est bien choisie. De même, l’eau n’absorbant que dans des plages spectrales bien définies, ils ne seront que faiblement impactés par la présence de brume ou de brouillard en comparaison des domaines du visible et du proche-infrarouge. Comme le montre l’exemple de l’atmosphère, les énergies correspondant à des photons dans l’infrarouge sont du même ordre de grandeur que les énergies de transition entre les états rotationnels et vibrationnels de nombreuses molécules. En effet, au sein d’une molécule, la cohésion de la matière est assurée par les liaisons chimiques entre les atomes. Selon les degrés de liberté dont elles disposent, les atomes de la molécule peuvent avoir différents mouvements périodiques relativement les uns aux autres. À titre d’exemple, les mouvements possibles pour un système de trois atomes sont rappelés dans la figure I.4.
Applications dans le domaine de l’infrarouge
Les propriétés de l’infrarouge que nous venons de voir, à savoir qu’il correspond à l’émission thermique des corps aux températures usuelles, qu’il présente des plages spectrales où il est peu atténué par l’atmosphère par rapport au visible et au proche-infrarouge, et qu’il correspond aux énergies de transitions entre les modes vibratoires de molécules, font que le rayonnement peut être utilisé pour de nombreuses applications, civiles comme militaires. Après quelques exemples pour l’infrarouge en général, nous détaillerons plus avant les utilisations propres aux sources QCLs de puissance.
Les applications passives reposant sur l’imagerie thermique
La majeure partie des applications passives reposent sur la détection du rayonnement thermique des objets. Nous en présentons ici quelques exemple, et en proposons un panel plus exhaustif dans l’annexe A. La vision assistée suscite un intérêt de longue date pour les applications militaires, notamment pour la vision nocturne. Comme nous l’avons vu précédemment, les corps émettent un rayonnement infrarouge dans une plage spectrale qui dépend de leur température. Ainsi, un déplacement de troupe de nuit est détectable, le corps humain émettant un rayonnement infrarouge – moyen et lointain – plus intense que celui du théâtre d’opération. Un avantage de cette méthode est qu’elle peut aussi permettre de visualiser une scène par temps de brume ou de brouillard, alors que la visibilité est très mauvaise. D’autre part, le rayonnement thermique a également trouvé écho dans le domaine médical. De cette façon, la thermographie infrarouge (IRT) a été développée. Elle offre une méthode de diagnostic non-invasive, rapide, sans-contact et sans source extérieure, pour de nombreuses pathologies [3]. Outre les applications militaires et médicales, les propriétés du rayonnement infrarouge sont régulièrement utilisées pour des usages civils, voire récréatifs. L’imagerie infrarouge est fortement utilisée dans le domaine sportif [4] pour l’arbitrage [5, 6, 7] ou la conception de matériel . L’imagerie thermique a été également développée dans le but de réaliser des systèmes d’aide à la conduite et dans le but de réaliser des véhicules autonomes . Enfin, la thermographie est un outil clef pour l’étude de déperdition thermique des bâtiments . Nous voyons donc que le domaine de l’infrarouge répond à de nombreux besoins en termes d’applications. Cependant, les domaines d’activité dont nous avons parlé dans cette partie reposent sur une utilisation passive du rayonnement infrarouge. Beaucoup d’autres applications nécessitent l’emploi d’une source émettant dans le moyen-infrarouge comme nous allons le voir dans la partie suivante.
Les QCLs comme émetteurs de choix pour les applications infrarouges actives
Les applications dont nous avons parlées dans la section I.2.1 sont passives
Elles reposent sur la détection du rayonnement infrarouge correspondant à la température des corps observés. Néanmoins, un pan important des domaines applicatifs nécessite un éclairement de la scène par une source infrarouge. Dans cette partie, nous préciserons quels sont les différentes utilisations des QCLs et nous quantifierons la dynamique économique, industrielle et scientifique dont ils font preuve. Enfin nous récapitulerons quelles sont les grandeurs critiques propres à chacune de ces applications, qui seront le fil conducteur de cette thèse. La chirurgie sélective Comme nous l’avons expliqué dans la partie I.1, les molécules présentent de fortes raies d’absorption dans l’infrarouge de par leurs mouvements vibratoires propres. Les différents constituants du corps humain, et particulièrement les tissus biologiques, présentent ainsi de fortes raies d’absorption dans le moyen-infrarouge par rapport au proche-infrarouge. Il est alors possible de tirer profit de cette propriété pour réaliser de la chirurgie ablative avec des QCLs. Ainsi, des études ont été menées sur la section de tissus biologiques [22], de plaques athérosclérotiques [23], de la cornée [24] ou encore l’angioplastie [25]. Les longueurs d’onde utilisées sont typiquement à 5,7 µm et 6,1 µm, correspondant aux absorptions des tissus. Le domaine de la chirurgie infrarouge reposant sur l’utilisation de QCLs reste un domaine amont dont le secteur évolue lentement. Néanmoins, la pertinence de ces composants pour cette approche n’est plus à démontrer. La puissance d’émission est un point-clef pour ces applications, celles-ci nécessitant des puissances crêtes typiques de l’ordre de 100 W. La qualité du faisceau est moins problématique, la source étant souvent fibrée. La spectroscopie infrarouge D’autre part, les QCLs sont une source de choix pour la spectroscopie. En effet, les longueurs d’onde d’absorption caractérisant plusieurs molécules sont représentées sur la figure I.5.
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