Depuis plus de 20 ans, la détection rapide et sensible de molécules biologiques s’est développée de façon considérable grâce à l’apparition des biopuces. Ce sont des outils d’analyse, utilisés essentiellement pour la recherche médicale et pharmaceutique, qui ont pour objet d’identifier un grand nombre de gènes ou de protéines et d’étudier leurs fonctions. Cela a largement motivé et contribué à de nombreux travaux de recherche pluridisciplinaires à l’interface de la physique, de la chimie et de la biochimie.
Parmi les biopuces, on peut citer les puces à ADN. L’ADN (acide désoxyribonucléique) est une molécule constituée de deux brins, enroulés en double hélice, où est stockée l’information génétique constituant le patrimoine héréditaire d’une cellule. Ce patrimoine s’exprime par six milliards de “lettres” puisées dans l’alphabet génétique composé des 4 bases : A, T, C, G, pour adénine, thymine, cytosine et guanine. L’appariement deux à deux de ces quatre bases, de façon très spécifique (A avec T et C avec G), permet de former la double hélice de l’ADN entre un brin et son brin complémentaire par liaisons hydrogènes.
Le principe des puces à ADN repose sur la complémentarité des brins de la double hélice d’ADN. Ce sont des supports sur lesquels sont fixés des brins d’ADN caractéristiques de gènes connus (sondes) et que l’on utilise pour repérer la présence de séquences complémentaires d’un échantillon (cibles) en détectant l’hybridation entre les deux brins. Cette détection est généralement mise en évidence par des mesures de fluorescence.
Etant donné l’unicité et la spécificité de la structure de l’ADN chez chaque individu, les puces à ADN sont d’un grand intérêt dans plusieurs domaines : le diagnostic médical, les études génétiques, la criminologie, la détection d’agents pathogènes, la détection de prédispositions génétique vis-à-vis de certaines maladies sous la forme de mutations ponctuelles SNP (Single Nucleotide Polymorphism). Plus généralement, les biopuces offrent donc des solutions efficaces permettant une mesure massivement parallèle de plusieurs couples sondes/cibles sur le même support permettant des mesures à haut débit des interactions biomoléculaires, en particulier pour les protéines mais aussi pour des molécules de poids moléculaire plus faible comme les oligonucléotides. La mesure de ces interactions en temps réel est aussi nécessaire afin de disposer de solutions efficaces pour des applications dans le domaine de l’alimentaire par exemple.
Bien que très utilisée, cette technologie présente aujourd’hui un certain nombre de limites, notamment en termes de sensibilité et de reproductibilité. L’utilisation des puces à ADN nécessite généralement une préamplification biochimique, par PCR (Polymerase chain reaction : réplication in vitro du matériel génétique) des sondes. Cette étape, longue et coûteuse, peut introduire des biais.
Parmi les techniques actuellement disponibles, deux types de détection offrent des solutions efficaces au suivi des interactions moléculaires en temps réel : la fluorescence et la résonance de plasmon de surface (SPR). La fluorescence offre la meilleure sensibilité, mais présente l’inconvénient de devoir marquer les cibles ou les sondes avec des groupements fluorophores. Par ailleurs, l’efficacité de détection des marqueurs fluorescents est généralement faible sur les puces usuelles, ce qui altère la fiabilité de l’analyse de la puce. La résonance de plasmons de surface a quant à elle l’avantage de pouvoir détecter des interactions entre cibles et sondes non marquées mais présente une sensibilité moins bonne, en particulier si les molécules détectées ont un poids moléculaire peu important. De plus, le couplage de la lumière et de la couche active impose un contrôle précis de l’angle d’incidence, et complique la détection d’images pour les applications à haut débit. On peut exciter des résonances localisées de plasmons de surface dans des couches métalliques structurées sous forme d’îlots de dimensions nanométriques. Dans ce cas, les contraintes liées au contrôle de l’angle d’incidence disparaissent, et la détection se fait au moyen d’une analyse spectroscopique simple de la réponse optique de la couche.
En outre, on n’atteint pas la sensibilité théorique des différentes méthodes, principalement en raison de limitations dans la chimie d’immobilisation des sondes (silanisation sur lames de verre, ou chimie des thiols sur or). Ces techniques souffrent de limitations sérieuses pour passiver efficacement la surface et optimiser les propriétés physicochimiques des couches fonctionnalisées vis-à-vis de l’immobilisation des sondes, des adsorptions non spécifiques et de la réutilisation des lames.
L’objectif de la thèse est le développement de nouvelles architectures de biopuces visant à obtenir un meilleur contrôle de la première couche moléculaire et donc à améliorer les performances finales des dispositifs fluorescents ou de ceux basés sur la résonance de plasmons de surface. En effet, la sensibilité (optimisation de la densité de sondes), la sélectivité (minimisation des adsorptions non spécifiques), la reproductibilité sont très fortement dépendantes de la structure et des propriétés physico-chimiques de la première couche moléculaire. Le point commun entre toutes les architectures développées est l’utilisation d’une couche de silicium amorphe carboné, qui peut tirer profit des avancées réalisées ces dernières années dans la chimie de greffage du silicium tout en optimisant les caractéristiques optiques des différentes architectures.
Les années 1990 ont connu deux progrès spectaculaires dans la préparation des surfaces de silicium. Les travaux initiés par Chabal ont permis de mettre au point des techniques de préparation de surfaces (111) de silicium, hydrogénées (vierges d’oxyde), atomiquement planes et ordonnées à grande échelle. Par ailleurs, les travaux de Chidsey ont initié un vaste effort ayant abouti à la mise au point de nombreuses techniques de greffage de monocouches de molécules organiques sur la surface hydrogénée du silicium, permettant ainsi sa fonctionnalisation. Aujourd’hui, le silicium est donc considéré comme un substrat idéal pour des études de chimie de surface contrôlées. Parmi les différentes possibilités de le fonctionnaliser, l’hydrosilylation est apparue comme une méthode de greffage particulièrement intéressante grâce à la formation de la liaison Si-C, très robuste, et à la grande versatilité de la méthode.
Depuis le milieu des années 90, la modification des surfaces de silicium hydrogénées a été largement étudiée en raison de ses divers domaines d’application, de la microélectronique aux biocapteurs. Le silicium (100) est largement utilisé pour la microélectronique en raison des très bonnes propriétés électroniques de l’interface Si(100)/SiO2. Dans le cadre de notre travail, nous privilégierons la face cristallographique (111) qui permet, par dissolution anisotrope du silicium dans NH4F, d’obtenir des surfaces atomiquement planes à l’échelle atomique facilement caractérisables par Microscopie à Force Atomique (AFM). Ces surfaces planes constituent un substrat idéal pour des études de chimie de surface bien contrôlées. Le silicium cristallise suivant le système cubique diamant. Son réseau possède donc une symétrie cubique, et on peut le représenter comme deux sous-réseaux cubiques à faces centrées décalés de ¼ l’un de l’autre le long d’une des diagonales principales du cube.
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