Le niveau de bruit ambiant peut affecter la qualité du sommeil puisque celui-ci est traité par le cerveau autant à l’état d’éveil que pendant le sommeil (Muzet, 2007). Ce traitement de l’information a le potentiel de perturber les cycles du sommeil en contribuant à une plus grande proportion de temps passé dans les stades de sommeil léger (stades 1 et 2) et, par conséquent, à une diminution du temps passé en sommeil profond (stades 3 et 4) (Zahama & Guilleminault, 2010). De telles perturbations peuvent être à l’origine de phénomènes tels que des changements de l’activité électrique du cerveau, du rythme cardiaque, de l ‘humeur, des éveils, de la motilité, ainsi que des plaintes quant à la qualité du sommeil autorapportée (Ohrstrom, Hadzibajramovic, Holmes, & Svensson, 2006). La présence de ces symptômes contribue au développement et au maintien de troubles du sommeil, lesquels sont généralement considérés comme l’un des effets indésirables les plus sérieux de la pollution auditive (Ohrstrom et al., 2006).
Parmi les sources les plus néfastes de pollution auditive, le trafic urbain est le plus commun (Basner, Müller, & Elmenhorst, 2011). C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la santé recommande que la communauté s’assure de respecter un niveau de bruit inférieur à 40 dB durant la nuit (Rokho & van den Berg, 2010), ce qui représente approximativement le bruit ambiant dans une salle d’attente ou une bibliothèque. Lorsque le niveau de bruit se situe entre 40 et 55 dB, ce qui pourrait correspondre approximativement au volume d’une circulation routière de faible densité, la population est exposée à un plus grand risque de troubles du sommeil et doit généralement adapter l’environnement afin de préserver une qualité de sommeil suffisante. Lorsque le bruit dépasse 55 dB, ce qui correspond approximativement au volume d’une conversation entre deux personnes, les troubles du sommeil deviennent fréquents (Kim & van den Berg, 2010).
Il s’agit d’ailleurs du constat effectué par Halonen et al. (2012), qui ont étudié le lien entre le niveau de bruit associé au trafic nocturne, ainsi que les difficultés de sommeil dans un échantillon de 7 019 individus issus d’une population adulte œuvrant dans le secteur public. Dans cette étude, les participants ont répondu à un questionnaire incluant le Jenkins Sleep Problem Scale, une échelle permettant de mesurer les symptômes de l’insomnie. Les données concernant le niveau de bruit nocturne ont été extraites d’études précédentes, puis estimées afin de correspondre à la période nocturne comprise entre 22 heures et 7 heures. Les résultats soulignent que dans l’ensemble de la population à l’ étude, les symptômes d’insomnie étaient associés à un niveau de bruit nocturne supérieur à 50 dB.
Ces résultats sont soutenus par l’étude de Stosié, Belojevié et Milutinovié (2009) où les difficultés de sommeil ont été mesurées à l’aide d’ un questionnaire, alors que le niveau de bruit nocturne de trois rues achalandées a été comparé à celui de trois rues silencieuses. Dans l’échantillon de 911 participants, les résidents de milieux où le bruit ambiant pendant la nuit était supérieur à 45 dB ont été significativement plus nombreux que les autres à rapporter des difficultés à s’ endormir, être réveillés pendant la nuit, avoir une faible qualité de sommeil et utiliser une médication pour contrer les difficultés de sommeil. La propension à utiliser une médication anxiolytique ou hypnotique en présence de bruit nocturne a également été constatée dans une étude de cohorte menée auprès de 190 167 habitants de Marseille. En effet, une augmentation significative de la consommation de médicaments a été constatée lorsque le bruit ambiant était supérieur à 55 dB (Bocquier et al., 2014). De plus, les conséquences de l’exposition au bruit urbain peuvent s’ étendre à la santé cardiovasculaire.
Ce risque est bien documenté par la méta-analyse de Babisch (2014) comprenant 14 études concernant la relation entre les maladies coronariennes ainsi que l’ exposition au bruit associé au trafic urbain. Cette recherche souligne une augmentation du risque de 8 % par tranche de 10 dB dans l’ éventail de 52 à 77 dB. Les chercheurs rapportent que le bruit associé au trafic urbain représente un facteur de risque pour le développement de maladies cardiovasculaires, puis d’infarctus du myocarde. Ces résultats sont inquiétants pour la santé de la population âgée lorsque l’on considère que la prévalence de maladies cardiovasculaires augmente drastiquement avec l’âge, passant de 1,2 % chez les .. individus de 18 à 44 ans à 7,1 % chez ceux de 45 à 64 ans, puis finalement à 19,8 % chez les 65 ans et plus (Centers for Disease Control and Prevention, 20 Il). Puisque les personnes âgées doivent composer avec un plus grand risque d’ éveils nocturnes et de fragmentation du sommeil que la population générale (Koch, Haesler, Tiziani, & Wilson, 2006), elles sont davantage à risque de souffrir des conséquences d’un environnement de sommeil dépassant 45 dB dans la mesure où leur acuité auditive est conservée.
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