Nématodes tissulaires parasites de rongeurs

Nématodes tissulaires parasites de rongeurs

LE PHYLUM DES NEMATODES 

Les Nématodes sont très peu connus au regard d’autres organismes de la biosphère. Ce sont des animaux peu visibles dans l’environnement du fait de leur petite taille. Le nématode le mieux connu est Caenorhabditis elegans (Fig. 1), organisme modèle dont le génome a été entièrement séquencé en 1998 et dont la structure simple permet l’étude de nombreux mécanismes cellulaires et moléculaires. Les nématodes suscitent pourtant beaucoup de curiosité de par leur caractère ubiquiste sur la planète et leur rôle important dans le fonctionnement de divers écosystèmes. 

Diversité des Nématodes 

Les Nématodes comprennent différentes formes, libres ou parasites d’animaux ou de végétaux. Ils exploitent différents milieux, occupant des niches écologiques très diverses sur la planète tels que les océans et les mers, les eaux douces mais aussi les fluides corporels, les films d’eau dans le sol ou sur les végétaux. Ce sont les organismes les plus abondants de tous les métazoaires en terme de nombre d’individus dans de nombreux écosystèmes, notamment ceux du sol (1,20.1011 individus/m2 contre 105 /m2 pour les acariens qui constituent le deuxième groupe le plus abondant, Kevan, 1965). Les Nématodes sont à la fois diversifiés et abondants avec un nombre total d’espèces estimé entre 40000 et 10 millions (Blaxter et al., 1998; Dorris et al., 1999 ; Blumenthal et al., 2004). Ce grand nombre d’espèces (26000 espèces décrites, Hugot et al., 2001) les place au deuxième rang dans le règne animal après les insectes. Cette diversification s’est réalisée avec un génome initial d’environ 25000 gènes, comme le suggère l’espèce de référence Caenorhabditis elegans. Les nématodes ont également des régimes alimentaires très diversifiés. Certaines espèces sont bactériophages, comme le nématode « modèle » C. elegans, d’autres sont entomopathogènes (ex: Steinernema spp ou Heterorhabditis spp), parasites d’animaux (ex : Trichosomoides spp, Onchocerca spp, Ascaris spp, Brugia spp ou Trichinella spp) ou encore prédatrices (ex: Mononchus spp). Les Nématodes du sol causent chaque année de lourds dommages aux plantes cultivées. Les Nématodes parasites d’animaux causent les plus graves préjudices au bétail et, chez l’homme, ils sont des agents de maladies tropicales, les filarioses. 

 Organisation structurale des Nématodes 

Les Nématodes sont des organismes cylindriques non segmentés. Ce sont des métazoaires triploblastiques cœlomates, autrefois classés parmi les Pseudocoelomates. Le pseudocœlome correspond au blastocèle qui est une cavité qui se forme lors du développement embryonnaire. Les Nématodes ont un tube digestif complet, c’est-à-dire avec bouche et anus. Leur tube digestif est un simple tube sans muscles sauf au pharynx et au rectum. Primitivement, la bouche des Nématodes est entourée de six lèvres, deux latérales et quatre submédianes (Fig.2A). Les amphides constituent une paire d’organes sensoriels céphaliques, toujours latérales et sont présentes chez toutes les espèces et à tous les stades. Le système sensoriel comprend aussi deux ensembles de papilles simples, l’un apical, présent chez les deux sexes, l’autre caudal propre aux mâles. Les Nématodes prédateurs possèdent un stylet dont ils se servent pour transpercer l’épiderme de leurs proies pour ensuite sucer leurs fluides. Le système nerveux est formé d’un anneau nerveux, autour de l’œsophage, qui se prolonge par un ensemble de ganglions nerveux. Dans la région caudale, les Nématodes présentent une paire d’organes sensoriels latéraux les phasmides (Fig. 2B). L’anus est subterminal. Les Nématodes ne possèdent ni appareil respiratoire, ni appareil circulatoire. La surface du corps peut être striée, mais ce n’est en aucun cas une métamérie. L’animal a un hydrosquelette sous pression, qui s’appuie sur sa cuticule, ce qui lui donne cette forme circulaire. La cuticule est sécrétée par un revêtement non cellulaire : l’hypoderme. Cette cuticule est faite de collagène et de cuticuline. Elle est partiellement renouvelée lors des mues larvaires (4 chez les Nématodes), entre les mues et chez les adultes, des changements de constitutions chimiques de sa surface sont permanents. Les Nématodes ne possèdent que des muscles longitudinaux, pas de muscles circulaires. L’action de ces muscles longitudinaux permet aux Nématodes de se déplacer en ondulant rapidement. Le système reproducteur comprend primitivement deux gonades tubuleuses, l’une des gonades disparaît généralement chez les males (monorchie). Chez les femelles, selon qu’il y a une ou deux gonades on emploie le terme de monodelphe ou didelphe. Ces gonades peuvent être dirigées en sens opposé (amphidelphe) ou dirigées parallèlement vers l’avant (prodelphe) ou vers l’arrière (opisthodelphe). Le pore génital femelle s’ouvre ventralement, primitivement vers le milieu du corps. Le tube génital mâle s’ouvre dans le rectum formant ainsi le cloaque. Dans le cloaque, des pièces fortement cuticularisées, les spicules, activées par les muscles font office d’organes copulateurs. Les spermatozoïdes n’ont ni flagelle ni cils. Figure 1 [1]: Structure d’un nématode (d’après by Z. F. Altun & D. H. Hall, dans Atlas of C. elegans anatomy. Le chiffre entre crochets représente la référence webographique. A B amphide Phasmide Figure 2 : A Schéma de l’extrémité antérieure d’un Nématode, en vue apicale (d’après De Cornick, 1965) B Extrémité caudale de Dipetalonema freitasi (d’après Bain et al., 1987), vue ventrale montrant les languettes caudales, les phasmides. 

Accouplement chez les Nématodes

 La cuticule lisse des Nématodes pose un problème sérieux pour que le mâle enserre la femelle. Chez les Nématodes l’accouplement donne lieu à des adaptations morphologiques chez le mâle extrêmement complexes et variées : bourses caudales des Strongylida, sculptures cuticulaires ventrales des Oxyurida, ventouses de certains Ascaridida, ailes caudales et extrémité postérieure spiralée des Spirurida. Chez les Filaires, l’area rugosa qui est une sorte d’appareil antidérapant (Fig. 3B) a permis de discriminer les souches géographiques du parasite humain Brugia malayi (Bain et al., 1988). Cette structure ainsi que certains renflements observés dans la partie antérieure du corps jouent un rôle dans l’accouplement en favorisant une contention du mâle par la femelle comme l’indique le schéma de l’accouplement chez Mansonella (Tetrapetalonema) mariae (Bain & Chabaud, 1988). La région caudale du mâle enserre la région antérieure de la femelle où s’ouvre la vulve (Fig. 3A). Chez les Trichinelloides, l’accouplement présente une certaine originalité: Chez Trichosomoides nasalis, parasite de la muqueuse nasale d’Arvicanthis niloticus, le mâle vit de façon permanente dans l’utérus de la femelle ; chez Anatrichosoma, le mâle pénètre entièrement dans les voies génitales de la femelle et vit de façon temporaire dans l’utérus et se retire après l’accouplement; la figure 3C montre la moitié postérieure du mâle dans l’appareil génital de la femelle (Little & Orihel, 1972). a.n. oe. m. a.r. int. r1. vu. ut. r2. f. 100µm A B C Figure 3 : A. Schéma hypothétique de l’accouplement chez Mansonella (Tetrapetalonema) mariae (d’après Bain & Chabaud,.1988) ; a.n. anneau nerveux ; a.r. : area rugosa ; f. :femelle ; int. : intestin ; m. : mâle ; oe. : œsophage ; r1. : 1er renflement ; r2. : 2ème renflement ; ut. : utérus ; vu. : vulve. B. Détails de l’area rugosa de Dipetalonema freitasi (d’après Bain et al., 1987). C Accouplement entre mâle adulte et Femelle adulte d’Anatrichosoma buccalis (d’après Little & Orihel, 1972) 

LIRE AUSSI :  PALUDISME GRAVE

Eléments de systématique 

Phylogénie des métazoaires 

Figure 4: Phylogénie des métazoaires : A: Phylogénie « traditionnelle » des métazoaires; B: Phylogénie basée sur les séquences 18S de l’ARN ribosomal. (d’après Adoutte et al., 1999). La phylogénie classique des métazoaires (Fig. 4A), basée sur des critères morphologique et embryologique, repose sur une vision gradiste du vivant, c’est-à-dire sur une complexité croissante des organismes. Parmi les eucaryotes métazoaires placés à la base de cette classification, les éponges (Poriferans) sont suivies par les cnidaires, les cténaires, et enfin les acoelomates et les pseudocoelomates. Vient ensuite une divergence majeure qui donne naissance aux branches protostomes et deutérostomes, réunies sous le nom de coelomates triploblastiques. La classification moléculaire (Fig. 4B), (d’après Adoutte et al. ; 2000), basée principalement sur l’analyse phylogénétique des gènes codant pour les ARN ribosomiques 18S, a modifié la vision classique de la phylogénie des métazoaires. La nouvelle phylogénie des métazoaires est constituée des non-bilatériens (regroupement qui inclut les éponges, les cnidaires et les cténophores) et de deux groupes de bilatériens : les deutérostomes et les protostomes. Les relations entre les non-bilatériens n’ont pu être précisées, et, fréquemment, ces phylums n’apparaissent pas dans un groupe monophylétique. Les ecdysozoaires (animaux qui possèdent une cuticule et dont la croissance se fait par mues) et les lophotrochozoaires (animaux dont le développement passe par des formes larvaires de type trochophore ou possédant des lophophores) constituent le groupe des protostomes. Si l’existence de trois grands groupes d’animaux bilatériens est bien établie à savoir les deutérostomes et les protostomes, eux mêmes divisés en ecdysozoaires et lophotrochozoaires, les relations au sein de ces deux derniers clades restent assez obscures. En particulier, les relations de parentés des lophotrochozoaires sont peu résolues alors même que ce groupe présente une extrême hétérogénéité de formes et de modes de développement. 

 Classification des Nématodes

Position systématique des Nématodes

 L’ancienne classification basée sur des données morphologiques et physiologiques plaçait le phylum des Nématodes dans l’embranchement des Némathelminthes, à proximité des Plathelminthes, puis, plus tard, au sein des Pseudocoelomates. Mais les analyses génétiques, et notamment l’analyse des gènes codant la sous unité d’ARNr 18S, ont prouvé que les Nématodes appartenaient au groupe des Ecdysozoaires (Aguinaldo et al., 1997 ; Lecointre & Le Guyader, 2001). Même si cette conception suscite encore de nombreuses interrogations, un consensus se dégage pour considérer que les Nématodes peuvent être regroupés avec les Arthropodes (Fig.5) pour former les Ecdysozoa, animaux capables de renouveler leur cuticule par des mues (Aguinaldo et al., 1997; Lecointre & Le Guyader, 2001). Ce groupe rassemble les nématodes, les insectes, les arachnides et les crustacés. Le nom du taxon vient du mot ecdysis qui désigne la mue. Ce taxon se divise en trois groupes : • les Céphalorhynches (Kinorhynches, Loricifères, Priapulides) • les Panarthropodes contenant : o les Onychophores o les Tardigrades o les Euarthropodes (ou Arthropodes vrais) • les Nématozoaires (Nématodes et Nématomorphes) Les groupes les plus connus chez les ecdysozoaires sont les arthropodes (ce dernier comprenant notamment les insectes et les crustacés). Ce clade rend obsolète l’ancienne notion d’articulés (Articulata) qui regroupait arthropodes et annélides sur l’idée que la segmentation était un caractère ancestral. C’est bien la mue qui constitue un caractère ancestral et justifie de regrouper les ecdysozoaires. La mue des arthropodes est déclenchée par l’ecdysone, mais cette hormone n’est probablement pas présente chez tous les Ecdysozoaires : le nématode Caenorhabditis elegans utilise une autre hormone stéroïde. Les Nématodes et les Nématomorphes forment le groupe des Nématozoaires (Fig.5). 

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1. LE PHYLUM DES NEMATODES
1.1. Diversité des Nématodes
1.2. Organisation structurale des nématodes
1.3. Accouplement chez les Nématodes
1.4. Eléments de systématique
1.4.1. Phylogénie des métazoaires
1.4.2 Classification des Nématodes
1.4.2.1. Position systématique des Nématodes
1.4.2.2. Classification traditionnelle ou classique
1.4.2.3. Classification phylogénétique
2. LES NEMATODES TISSULAIRES
2.1. Cycles des Nématodes
2.1.1 Cycle d’une filaire : Onchocerca volvulus
2.1.1.1. Traitement
2.1.2. Cycle de Trichinella spiralis
2.1.2.1. Phase infestation
2.1.2.2. Phase dissémination
2.1.2.3. Phase enkystement
2.1.2.4. Traitement
3. TRICHOSOMOÏDES NASALIS PARASITE D’ARVICANTHIS NILOTICUS
3.1. Position systématique de Trichosomoïdes nasalis .
3.2. Description de Trichosomoïdes nasalis
CHAPITRE II : DEVELOPPEMENT DE TRICHOSOMOÏDES NASALIS CHEZ ARVICANTHIS NILOTICUS
1. Introduction
2. Matériel et méthodes
2.1. Lieux de captures des Arvicanthis niloticus
2.2. Technique de piégeage des Arvicanthis niloticus
2.3. Elevage et entretien des Arvicanthis niloticus
2.4. Infestation expérimentale des Arvicanthis niloticus
2.4.1. Infestation par voie orale
2.4.2. Infestation par voie intrapéritonéale
2.5. Dissection des Arvicanthis niloticus expérimentalement infectés
2.6. Analyse morphologique des vers
2.7. Histologie
3. Résultats et analyse
3.1. Prévalence et intensité moyenne de l’infection
3.2. Localisation de T. nasalis chez A. niloticus
3.2.1. Localisation de T. nasalis chez les A. niloticus infectés par voie orale
3.2.2. Localisation de T. nasalis chez les A. niloticus infectés par voie intrapéritonéale
3.3. Morphogenèse larvaire : Stades et mues larvaires
3.4. Les sites de la croissance larvaire
3.5. Trichosomoides nasalis dans les fibres musculaires
striées abdominales
4. Discussion
4.1. Migrations précoces et tardives
4.2. Développement dans les fibres musculaires
5. Conclusion
CHAPITRE III: MIGRATION DE TRICHOSOMOÏDES NASALIS CHEZ ARVICANTHIS NILOTICUS
1. Introduction
2. Matériel et méthodes
2.1. Technique d’histologie
2.1.1 Prélèvement
2.1.2. Fixation
2.1.3. Décalcification
2.1.4. Inclusion
2.1.5. Coupes
2.1.6. Collage des coupes
2.1.7. Coloration
2.1.8. Montage
3. Résultats et analyse
3.1. Trichosomoides nasalis dans les fibres musculaires striées thoraciques
3.2. Trichosomoides nasalis dans les parties externes des fosses nasales (museau, vestibule) et dans les fosses nasales
3.3. Trichosomoides nasalis dans l’épithélium pseudostratifié de la muqueuse nasale
4. Discussion
5. Conclusion
5.1. Migration de Trichosomoides nasalis
5.2. Migration chez les autres Trichinelloidea
5.3. Accouplement de Trichosomoides nasalis
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES .
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE
ANNEXE
RESUME

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