Nanoparticules dans le milieu interplanétaire
Mécanismes de mesure de poussières
Méthodes de mesure conventionnelles
Les poussières interplanétaires sont observées et mesurées grâce à diverses méthodes instrumentales. Les mesures de détection in-situ des grains de poussières s’appuient sur leur charge de surface, ou sur les conséquences de leurs impacts à grandes vitesses sur une cible [Auer, 2001] et [Gr ¨un et al., 2005]. Les instruments les plus utilisés sont les détecteurs basés sur le principe d’ionisation par impact, mais d’autres ont également été employés. La figure 2.1 résume la plupart des phénomènes physiques utilisés par les instruments de mesure de poussières.
Instruments à bord des fusées-sondes
Les premières mesures in-situ de nano poussières (et de grains de poussière en général) dans l’atmosphère terrestre ont été obtenues par les instruments dédiés aux poussières DUSTY 1 et DUSTY 2 à bord des fusées-sondes ECT-02 et ECT-07 respectivement. Ces mesures avaient montré qu’il s’agissait de nano poussières de taille inférieure ou égale à 100 nm [Havnes et al., 1996]. Le principe de détection est basé sur la mesure du courant électrique dû à la charge de surface des grains de poussière entrant en collision avec le détecteur. La vitesse d’impact étant très faible (entre 1 et 10 km/s, cette vitesse limite dépend de la composition du grain), les grains ne sont pas désintégrés mais cèdent leurs charges de surface, et seules ces particules chargées créent le signal électrique. Ce type d’instrument contient, en général, deux grilles de polarisations opposées et une base collectrice. C’est le champ électrique induit par les grilles qui sélectionne la gamme de masse des grains de poussière qui peuvent pénétrer dans le détecteur, mais qui empêche les particules du plasma ambiant d’y entrer. La différence de potentiel appliquée peut être soit constante soit alternative : dans ce dernier cas la gamme de masse sélectionnée est variable. Les grains de poussière qui pénètrent dans le dispositif entrent en collision avec ses parois et avec la base collectrice créant un signal électrique [Mann et al., 2011]. Certains détecteurs utilisent à la fois le mécanisme de mesure de la charge de surface des grains de poussière et celui d’une sonde de Langmuir afin de mieux discriminer le signal électrique dû à un ion ou à un électron et celui dû à un grain de poussière [Mitchell et al., 2001]. D’autres instruments sont aussi équipés d’une source de rayonnement ultra violet afin d’augmenter la charge de surface des grains de poussière et diminuer la masse limite de poussières détectables. Tous ces instruments fournissent des mesures qui dépendent de l’aérodynamique des fuséessondes, des conditions atmosphériques [Gumbel, 2001], ainsi que du plasma libéré lorsque les grains sont désintégrés. Ceci arrive lorsque la vitesse de l’impact est assez importante pour ioniser les grains de poussière : les particules du plasma issu de la matière qui formait les grains peuvent contribuer à la création du signal électrique et le contaminer [Havnes et Næsheim, 2007].
Instruments à bord des sondes spatiales
Dans cette section, nous présentons les principaux types d’instruments de détection de poussières embarqués à bord des sondes spatiales. La figure 2.1 regroupe la plupart des méthodes de détection utilisées. Selon le phénomène sur lequel est basée la détection, ils sont classés en deux catégories : Excepté les premiers détecteurs de type microphone dont les données ne sont généralement pas considérés comme fiables [Berg et Gr ¨un, 1973], les premiers détecteurs de poussières à bord de sondes spatiales sont ceux basés sur l’effet de pénétration des grains de poussière. Ils mesurent le taux d’impacts de poussières qui arrivent à traverser une cible, et leur gamme de détection est entre 10−13 et 10−9 kg. Ces détecteurs ont été réalisés initialement pour évaluer les risques des impacts de grains de poussières sur les véhicules spatiaux en orbite terrestre [Whipple, 1958] (afin de concevoir des couvertures de protection adéquates). Ces détecteurs se répartissent en quatre types différents : Ceux constitués de cellules contenant du gaz pressurisé dont la diminution de pression indique qu’un grain de poussière a perforé la parois d’une cellule [McDonnell, 1978]. Ceux constitués d’un condensateur dont la décharge indique qu’un grain de poussière a pénétré l’électrode de surface du condensateur [Zel’dovich, 1968] et [Naumann et al., 1969]. Ceux dont la perforation d’une feuille cible est détectée grâce aux charges émises par les extrémités du trou de la perforation et du grain de poussière (ionisation par impact) ; ces charges sont séparées et collectées grâce à un champ électrique maintenu entre les feuilles 19 Mécanismes de mesure de poussières Figure 2.2 – Illustration de la méthode de détection par ionisation par impact [Gr ¨un et al., 2001]. cibles et un réseau de capteurs [Berg et Richardson, 1969]. Enfin, ceux dont les feuilles cibles sont polarisées (aimantées). Cela implique une totale dépolarisation à l’intérieur et aux extrémités du trou (ou cratère) que formerait l’impact d’un grain de poussière. Cette dépolarisation locale du volume induit une rapide impulsion électrique [Simpson et Tuzzolino, 1985]. Les seconds types de détecteurs sont basés sur l’ionisation par impact (figure 2.2), ce qui leur donne une meilleure sensibilité. Ils peuvent mesurer la masse, la vitesse d’impact, la trajectoire, la charge électrique ainsi que la composition chimique du grain de poussière. Ce principe de détection repose sur le fait qu’une grande vitesse d’impact détruit complètement le grain de poussière, crée un petit cratère sur la cible, et ionise une grande partie de cette matière libérée (celle du projectile plus celle du cratère). Les ions et les électrons ainsi créés sont séparés grâce à un champ électrique, puis ces charges sont collectées par des électrodes et converties en signal électrique. L’amplitude et le temps de montée de ce signal dépendent de la masse et de la vitesse de la particule responsable de l’impact. Aussi, le spectre de masse des ions libérés fourni des informations sur la composition chimique de la particule. En réalité, l’impact d’un grain de poussière sur une cible est un phénomène plus complexe. En effet, en plus de l’évaporation du projectile et de la production d’un cratère, l’impact génère aussi un flash de lumière, et s’accompagne de l’éjection de molécules neutres et ionisées, et des électrons. Il est responsable d’un transfert d’impulsion à la cible, et d’une augmentation de la pression et de la température. La matière éjectée en expansion peut heurter les surfaces adjacentes et créer des cratères secondaires, des flash de lumière, et de nouvelles matières éjectées. La relation entre le signal électrique mesuré et les propriétés du grain de poussière est obtenue par la calibration du détecteur à partir d’expériences en laboratoire 20 Mécanismes de mesure de poussières simulant des impacts à grande vitesse sur une cible. La précision des propriétés des grains de poussière déduites du signal électrique, dépend, essentiellement, de celles des particules utilisées lors de la calibration. Ces instruments possèdent, en général, une surface de détection de 0.01 m 2 . Ils détectent les grains de poussières de masse entre 10−19 et 10−11 kg mais leur seuil de sensibilité (la masse minimale de poussière qui peut créer un signal électrique exploitable), dépend de la vitesse d’impact.
Détection avec un instrument radio
La détection de poussières avec un instrument radio a été utilisée pour la première fois lors du passage des sondes spatiales Voyager 1 et 2 dans les anneaux de poussière de Saturne en 1982. Cette découverte a ouvert la voie à une nouvelle méthode de détection des grains de poussière, avec un récepteur radio. Cet instrument était conçu pour réaliser des diagnostics in-situ du plasma ambiant, ainsi que pour détecter les ondes électromagnétiques émises par de lointaines sources. Toutefois, la sensibilité des antennes électriques à toute forme de fluctuations du champ électrique local, permet à cet instrument d’être utilisé comme détecteur in-situ (voir figure 2.3). Il peut alors être utilisé aux basses fréquences pour effectuer des mesures in-situ d’impulsions de potentiel électrique causées par des impacts, à grandes vitesses, de grains de poussière sur la sonde spatiale [Meyer-Vernet et Zaslavsky, 2012]. Les instruments radio sont constitués d’antennes électriques, de récepteurs à différentes gammes de fréquences permettant l’acquisition, l’échantillonnage, et l’envoi en temps réel des événements observés [Bougeret et al., 2008] et [Gurnett et al., 2004]. Lorsqu’un grain de poussière entre en collision avec le corps de la sonde spatiale et/ou avec les antennes électriques, le scénario dépend de la vitesse de l’impact vi . Si vi ∼ 1−10 km/s, seules les charges de surface du grain de poussière sont libérées. Alors que si vi > 10 km/s, l’impact est assez violent pour que le grain de poussière soit complètement désintégré et ionisé en plus de créer un micro cratère. Un nuage de plasma en expansion se forme. Il est composé de la matière ionisée du grain de poussière ainsi que celle du cratère. Ce plasma perturbe les potentiels d’équilibre des antennes et du corps de la sonde. Il s’en suit la création d’une impulsion électrique dont la durée totale est liée à celle de la perturbation et à la réponse du système. Tout comme les instruments conventionnels à impact par ionisation, une fraction de la charge du nuage de plasma créé est collectée par la cible (la sonde et/ou l’antenne). Elle est liée à la masse m et à la vitesse v des grains de poussières. Cette charge collectée Q peut être décrite par la relation empirique Q ∼ αm β v γ [McDonnell, 1978], où les paramètres α et β dépendent de la vitesse de la particule incidente, de la composition de la cible et du projectile, et de la géométrie de l’impact.
1 Introduction |