Nanomatériaux énergétiques sur puce

Nanomatériaux énergétiques sur puce

Les matériaux énergétiques conventionnels

 Figure 5. Pictogramme « explosif » : liquides ou solides capables d’exploser sous l’action d’un choc, d’un frottement, d’une flamme ou de la chaleur. (Exemple : TNT, matière pyrotechnique) Les matériaux énergétiques (composés chimiques ou mélanges de réactifs) stockent une grande quantité d’énergie chimique qui peut être libérée en un temps très court (inférieur à quelques fractions de seconde ) sous l’effet d’un stimulus tel qu’une élévation de température ou de pression ou encore un choc mécanique [48,49]. Ils peuvent être sous forme solide ou liquide. Seuls les matériaux solides sont considérés ici. Ces matériaux ont la particularité d’être à usage unique. Après initiation, il y a dégagement de chaleur et parfois dégagement de gaz incluant la production d’espèces chimiques spécifiques (telles que H2O, N2 ou CO2) . Cette réaction fortement exothermique peut être apparentée à une combustion où l’oxygène nécessaire à la réaction n’est pas fourni par l’air mais par le matériau énergétique lui-même. 

Généralement, les matériaux énergétiques sont classés en fonction de leur régime de fonctionnement, à savoir la combustion, la déflagration et la détonation : 1. La combustion : réaction dans laquelle le combustible réagit avec le comburant en dégageant une certaine quantité de chaleur sous l’effet d’un stimulus de type étincelle, flamme ou chaleur . Cette réaction se propage par conduction thermique et rayonnement. . Parmi les matériaux dont le régime de libération de l’énergie chimique emmagasinée est régi par un mécanisme de combustion de type oxydoréduction, on trouve : – La poudre noire, utilisée notamment comme poudre à canon, est le matériau énergétique sans doute le plus ancien. C’est un mélange de plusieurs réactifs : charbon de bois, salpêtre et soufre. Utilisée d’abord dans les carrières, la poudre noire arrive en Europe à la fin du XIIIème siècle pour percer des fortifications. Ce n’est qu’ensuite que son utilisation sera étendue dans les armes à feu [48]. – Les thermites sont des matériaux composites solides à base de métal et d’oxyde métallique ou non métallique . 2. La déflagration : réaction de combustion très rapide dont la propagation est régit par la chaleur apportée par le rayonnement, la conduction et la convection du matériau qui a déjà réagit . La vitesse de propagation va de quelques millimètres par seconde à quelques milliers de mètres par seconde. Les propergols ont un régime de fonctionnement stabilisé en combustion/déflagration. Utilisés essentiellement pour la propulsion des fusées ou des missiles, les propergols solides sont des matériaux constitués généralement de nitrocellulose et nitroglycérine (propergol homogène ) ou d’un oxydant (typiquement le perchlorate d’ammonium), d’un réducteur et d’un liant organique (polymère – 10%) , on parle dans ce cas de propergols composites. Depuis plusieurs années maintenant, ils peuvent être dopés par des particules d’aluminium [55-58] pour en augmenter leur réactivité . 3. La détonation : réaction extrêmement violente avec propagation par une onde de choc. La vitesse de propagation du front de décomposition des matériaux énergétiques est dans ce cas de plusieurs milliers de mètres par seconde [52]. Il y a complète décomposition du solide initial en gaz, augmentation de la pression et de la densité de 2 Réactivité : Il s’agit ici de la capacité du matériau énergétique à s’initier et à se décomposer rapidement. La réactivité d’un matériau énergétique est assimilée à la vitesse à laquelle est libérée l’énergie chimique du matériau. 

 Les explosifs sont des matériaux énergétiques très réactifs donc peu stables et dangereux dont le régime de fonctionnement est la détonation. Il existe d’autres catégories de matériaux tels que les matériaux bimétalliques qui, comme leur nom l’indique, sont des matériaux constitués de deux réactifs métalliques. La réaction exothermique dans ce cas est liée à la formation d’un alliage par inter-diffusion des atomes [59]. Du point de vue des technologues, il est intéressant de classer les matériaux énergétiques suivant leur structuration chimique : les matériaux énergétiques monomoléculaires organiques et les composites (organiques ou non organiques) dont nous allons donner quelques éléments de repère dans les deux paragraphes qui suivent.

 Les matériaux monomoléculaires organiques

 Ces matériaux sont constitués d’une seule molécule qui contient les réactifs nécessaires à la réaction exothermique, à savoir le combustible et le comburant. La réaction exothermique dans ce cas peut-être rapide (vitesse de détonation allant jusqu’à une dizaine de km/s [27,60] pour la molécule octahydro-1,3,5,7-tetranitro-1,3,5,7-tetraazacine plus connue sous le nom de HMX et vitesse de déflagration allant jusqu’à 50 mm/s pour un propergol double base3 de type SD4 [54]) car l’intimité (la proximité) entre les réactifs est grande. Il s’agit en effet d’une réaction intramoléculaire où la vitesse de réaction dépend de la cinétique chimique de la réaction. Dans cette catégorie, la chaleur dégagée par les meilleurs matériaux est de l’ordre de 11 kJ/cm3 . Cette valeur correspond à la chaleur dégagée par la molécule HMX qui est l’un des matériaux monomoléculaires, mis au point dans les années 1940, les plus performants. 3 Propergol double base : ces propergols sont composés pour l’essentiel de deux bases énergétiques, la nitrocellulose et la nitroglycérine. Ces propergols sont dits aussi homogènes car les éléments oxydants et réducteurs mis en jeux sont associés à la même molécule .  Propergols SD : propergols homogènes, sans dissolvant obtenus par extrusion à chaud (une force oblige le propergol à passer dans une filière) . Parmi les matériaux monomoléculaires, on peut noter également le trinitrotoluène connu sous le nom de TNT ou la nitroglycérine dont la proximité entre les groupements oxydants et réducteurs est mise en évidence sur la figure 6. Figure 6. Molécule de la nitroglycérine avec ses groupements oxydants : ONO2 (atomes rouges et bleus) et réducteurs : CH2 et CH (atomes gris et blancs) L’extrême sensibilité de ces matériaux est liée à leur structure moléculaire, c’est-à-dire la juxtaposition des groupements oxydants et réducteurs [61] (combustible et comburant sont trop proches pour travailler dans des conditions sécurisées), ce qui rend difficile l’optimisation du ratio oxydant/réducteur et donc l’optimisation des performances de ces matériaux en fonction des applications. 

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Les matériaux énergétiques composites 

Ce sont des matériaux constitués généralement d’un mélange de poudre de plusieurs réactifs distincts, au moins deux : le combustible et le comburant. Les matériaux composites à granulométrie macroscopique ont une cinétique de réaction plus lente que les matériaux monomoléculaires car la vitesse de réaction est contrôlée par le transport de masse (diffusion) des réactifs et non par la cinétique chimique de la réaction comme dans le cas des matériaux monomoléculaires. Leur vitesse de réaction est donc plus faible avec par exemple 2 à 11 mm/s pour un matériau composé de poudres micrométriques (une dizaine de micromètres de diamètre) de Sb/KMnO4 [63]. Ainsi, de part leur réactivité plus faible, il est plus aisé de les manipuler et d’en optimiser leurs caractéristiques et performances énergétiques en optimisant les ratios oxydant/réducteur [61]. Ainsi, dans cette catégorie de matériaux, se trouvent les matériaux les plus énergétiques : par exemple, le dinitroamidure d’Ammonium/Aluminium (ADN/Al) a un potentiel énergétique de 23 kJ/cm3 [64] (cf. figure 7). Figure 7. Molécule d’ADN/Al La poudre noire fait aussi partie des composites les plus célèbres. Mais on peut également noter les thermites qui sont constitués d’un mélange d’oxydant (oxyde métallique) et d’un réducteur (métal, souvent l’aluminium). 

Résumé et analyse 

En résumé, la formulation du matériau énergétique a été traditionnellement guidée par des calculs de cinétique chimique et de thermodynamique qui ont permis : – d’optimiser la chaleur de réaction et la température adiabatique de flamme5 en optimisant la chimie des réactifs. – de régler la réactivité (c’est-à-dire, la vitesse à laquelle est libérée l’énergie chimique contenue dans le matériau énergétique) en optimisant la chimie des réactifs, liants compris, mais aussi les technologies de mélange.

Table des matières

ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : DE LA MICROPYROTECHNIE A LA
NANO-ENERGETIQUE SUR PUCE : ETAT DE L’ART
et PROBLEMATIQUE
Introduction
1. La Micropyrotechnie
1.1. L’énergie embarquée dans les microsystèmes
1.2. Les matériaux énergétiques conventionnels
1.2.1. Les matériaux monomoléculaires organiques
1.2.2. Les matériaux énergétiques composites
1.2.3. Résumé et analyse
2. La naissance de la nano-énergétique
2.1. Les matériaux énergétiques pour les microsystèmes
2.1.1. Les matériaux bimétalliques
2.1.2. Les thermites
2.2. Apport de la nanostructuration pour les matériaux énergétiques de type thermite
3. Les procédés technologiques pour la nano-énergétique
3.1. Le conditionnement des poudres
3.1.1. Mélange physique de poudres
3.1.2. Sol-gel
3.2. Dépôt chimique ou physique en phase vapeur
3.2.1. CVD et ALD
3.2.2. PVD
3.3. Autres procédés de nanostructuration
3.3.1. Procédé utilisant des matériaux nano-poreux
3.3.1.1. L’alumine nano-poreuse
3.3.1.2. Le silicium nano-poreux
3.3.2. Les matrices de nanofils
3.3.3. La nanochimie, ingénierie moléculaire
4. La problématique de cette thèse
Conclusion
CHAPITRE II : ELABORATION DE
MATERIAUX ENERGETIQUES SUR SILICIUM
Introduction
1. Préparation du substrat et description des méthodes de caractérisation structurale
1.1. Préparation du substrat
1.2. Analyses structurales
2. Développement d’un procédé de structuration sous forme de nanofils
2.1. Etape 1 : choix de la couche intermédiaire entre le silicium et le cuivre
2.2. Etape 2 : technique de dépôt du film mince de cuivre
2.3. Etape 3 : procédé d’oxydation thermique
2.3.1 Température et durée du palier
2.3.2. Vitesse de chauffe et de refroidissement
2.3.3. Contrôle de l’atmosphère pendant l’oxydation thermique
2.4. Etape 4 : le Dépôt d’Aluminium
3. Procédé par Pulvérisation magnétron réactive
3.1. Développement et optimisation du procédé multicouches
3.1.1. Descriptif du procédé par pulvérisation cathodique
3.1.2. Mise au point du dépôt de CuO
3.1.3. Mise au point du dépôt d’Al
3.2. Dépôt de multicouches d’Al/CuO
3.2.1. La morphologie des couches
3.2.2. La rugosités de surface des couches
3.2.3. La contrainte dans les multicouches
3.3. La stoechiométrie des réactifs
Conclusion

CHAPITRE III : CARACTERISATION DES
PERFORMANCES ENERGETIQUES – VALIDATION
DE LA CAPACITE A INITIER D’AUTRES MATERIAUX
ENERGETIQUES
Introduction
1. Les performances énergétiques
1.1. Etude de la stœchiométrie des réactifs
1.2. Apport de la nanostructuration
1.3. Effet de la nature de la couche de surface
1.4. Comparaison des analyses thermiques entre nanofils et multicouches
2. Réalisation d’un micro-initiateur à base de nanothermite
2.1. Procédé de fabrication
2.1.1. Niveau 1 : Réalisation des résistances en Cr/Pt/Au
2.1.2. Niveau 2 : Connections électriques en or
2.1.3. Niveau 3 : Isolation électrique entre la résistance et la nanothermite Al/CuO
2.1.4. Niveau 4 : Dépôt de la nanothermite
2.1.4.1. Nanofils de CuO/Al
2.1.4.2. Nanofeuillets de CuO/Al
2.2. Initiation de la nanothermite
2.3. Propagation de la réaction après initiation
3. Caractérisation de l’amorçage d’un propergol
3.1. Description de l’expérience et du montage
3.2. Résultats
3.2.1. Initiation au contact
3.2.2. Initiation à distance
Conclusion
CHAPITRE IV : STABILITE DE LA NANOTHERMITE :
VERS UNE MAITRISE DES COUCHES BARRIERES
Introduction
1. Développement d’outils pour la maîtrise des nanomatériaux
énergétiques : modélisation atomistique
1.1. Méthode de calculs
1.2. Résultats
1.2.1. Adsorption et incorporation d’un atome de Ni dans la surface Al(111)
1.2.1.1. Adsorption
1.2.1.2. Pénétration dans la sub-surface
1.2.2. Adsorption et incorporation d’un atome d’Al dans la surface Ni(111)
1.2.2.1. Adsorption
1.2.2.2. Pénétration dans la sub-surface
2. Développement d’une couche barrière nano-contrôlée par procédé ALD
2.1. Moyens et procédés
2.2. Résultats
2.2.1. Détermination des modes de vibration du CuO
2.2.2. Etude de la tenue en température de l’oxyde de cuivre (II) – CuO
2.2.3. Dépôt d’alumine par ALD
Conclusion
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
REFERENCES

 

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