LES NANOCOMPOSITES À BASE DE THERMOPLASTIQUE
La nanotechnologie est un des domaines les plus populaires en recherche et développement dans pratiquement toutes les disciplines d’ingénierie. Cela inclut évidemment la technologie des nanocomposites à base de polymère. La demande croissante de matrices polymères aux propriétés améliorées, en particulier pour leur légèreté de structure et leur multifonctionnalité, a fortement influencé les chercheurs à s’orienter vers les nanomatériaux en tant que renforts. Cet intérêt découle de la capacité de ces nanoparticules à améliorer d’une façon remarquable, même à faibles doses, les propriétés des polymères, en comparaison avec les composites conventionnels. Les propriétés attrayantes des nanomatériaux tels que les argiles, les CNC, les nanotubes de carbone, les graphènes, les nano-oxydes (par exemple la silice et l’oxyde de titane) ont permis de créer des nanocomposites multifonctionnels aux propriétés macroscopiques extrêmement intéressantes. Les excellentes propriétés électriques, thermiques, mécaniques, optiques, d’effet barrière, antibactériennes et anti-rayures de ces nanocomposites ont été rapportées [3, 16-19]. Les résultats s’améliorent continuellement. Cependant leur développement prend beaucoup de temps. Les nanoparticules ont en effet la fâcheuse tendance à s’agglomérer. Cela limite leur dispersion dans la matrice hôte avec pour conséquence une faible amélioration des propriétés visées. Ceci a toujours représenté un obstacle majeur pour recourir à ces nanocharges pour renforcer les matrices polymères. Le Tableau 2.2 donne un aperçu des domaines d’application des nanocharges bien connues et largement étudiées. Près de 85% des polymères fabriqués dans le monde sont à base de thermoplastique. Les thermoplastiques ramollissent sous l’effet de la chaleur et durcissent après refroidissement. Ils sont amorphes ou semi-cristallins. Les thermoplastiques sont classés majoritairement en deux grandes familles :
• les polyoléfines, dont la température de mise en oeuvre est inférieure à 200 °C. Les plus utilisées dans l’industrie de plasturgie comprennent le polyéthylène basse densité (LDPE) ou haute densité (HDPE), le polypropylène (PP), le polystyrène (PS);
• les polyesters dont la température de mise en oeuvre est supérieure à 200 °C. Les plus utilisés sont : le polyéthylène téréphtalate (PET) et le polycarbonate (PC).
Les polyoléfines sont constituées de macromolécules linéaires ou ramifiées avec des interactions intra- et intermoléculaires leur conférant une structure moléculaire rigide. Cette rigidité est cependant toute relative, en fonction de l’intensité de sollicitation à laquelle le polymère est soumis. Le Tableau 2.3 montre les propriétés de quelques thermoplastiques les plus utilisés dans la fabrication de nanocomposites. Généralement, les propriétés mécaniques et la résistance thermique des polyoléfines sont faibles, si on les compare à d’autres matériaux tels que les composites. Cela explique pourquoi on déploie beaucoup d’efforts pour améliorer les propriétés mécaniques des thermoplastiques en polyoléfines en y incorporant des nanorenforts.
Les polysilsesquioxanes à structure d’échelle
Les polysilsesquioxanes à structure d’échelle appartiennent à la classe des polymères à double chaîne. Ces polymères, comparés aux polymères à chaîne unique, possèdent une résistance beaucoup plus élevée face à la dégradation thermique et chimique ainsi qu’une excellente résistance mécanique [28, 29]. Les polysilsesquioxanes peuvent être obtenus par hydrolyse et condensation des précurseurs respectifs de type R-SiX3 (X=Cl, OR’). La formation de structure amorphe est possible en absence de contrôle du processus de condensation. Cependant, dans des conditions de réaction contrôlée (concentration d’eau, température de l’hydrolyse et de la condensation, le solvant et le catalyseur), il est possible de former des polysilsesquioxanes à structure cristalline d’échelle. Le premier exemple de ce type de silsesquioxanes était un polyphénylesilsesquioxane rapporté par Brown en 1960 [30]. Une structure de type échelle du polyphénylesilsesquioxane de masse moléculaire élevée (MW) a été produite par polycondensation. Cette découverte a mené de nombreux groupes de recherche à pousser des recherches approfondies sur les mécanismes réactionnels de formation des structures d’échelle [31, 32]. Plusieurs chercheurs [33-37] ont rapporté de nouvelles voies de synthèse vers des polysilsesquioxanes parfaits dotés de structures d’échelle. Ces travaux novateurs ont permis d’élucider la structure des polysilsesquioxanes en échelle et ont révélé qu’une structure peut se concrétiser par la polycondensation de groupes intermédiaires bien définis.
En effet, Gunji et al. [37] ont développé une nouvelle méthode de synthèse de polysilsesquioxane fonctionnalisé à structure d’échelle (Figure 2.4). Cette méthode est basée sur une synthèse organique de précurseur silsesquioxane cyclique; ensuite condensé afin de former un polymère à poids moléculaire élevé. Zhang et al. [34] ont aussi réussi à synthétiser le polyphénylsilsesquioxane à structure d’échelle à haut poids moléculaire par une nouvelle approche (Figure 2.5). Cette approche se base sur trois étapes successives : auto-organisation des monomères en solution, lyophilisation puis polycondensation confinée en surface. Une superstructure d’échelle, qui a servi de matrice pour diriger la polycondensation, a été auto-assemblée à partir du monomère de départ dans une solution d’acétonitrile. Après cela, cette superstructure a été lyophilisée pour former une couche mince sur la surface interne d’un flacon. Par la suite, la polycondensation de la couche mince monomérique ordonnée a été réalisée sous une atmosphère inerte. Cette stratégie a augmenté la régularité d’échelle du polyphénylsilsesquioxane en empêchant des complications courantes rencontrées dans la polycondensation en solution de monomères contenant du silanol, telles que des réactions secondaires de cyclisation et de gélification.
Synthétiser des polysilsesquioxanes à structure d’échelle à structure régulière est très difficile, car non seulement il faut former une simple chaîne de polymère mais il faut aussi établir des liaisons avec une seconde chaîne. Par conséquent, trois liaisons doivent être réalisées de préférence de manière stéréorégulière. Une voie de synthèse très réussie de polysilsesquioxanes à structure d’échelle est la méthode dite de ‘polymérisation progressive par couplage’ [38] (Figure 2.6). Cette méthode implique une pré-aminolyse du trichlorosilane avec la 1,4-phénylènediamine. Grâce à des liaisons hydrogènes entre les précurseurs couplés autoassemblés, une structure d’échelle de silsesquioxane à pont organique peut être formée. Une hydrolyse et une polycondensation conduisent par la suite à la formation du polysilsesquioxane à structure d’échelle stéréorégulière. Comme indiqué ci-avant, en principe, le polysilsesquioxane est obtenu par hydrolyse et condensation de silane de type RSiX3 (X=Cl, OR). Par conséquent, la synthèse par la méthode de sol-gel à partir de ces précurseurs peut produire des silsesquioxanes qui appartiendraient également à cette classe de matériaux si les groupes silanols (Si-OH) formés de manière intermédiaire se condensaient complètement en groupes Si-O-Si. La synthèse par la méthode sol-gel est considérée comme une voie de synthèse chimique douce, efficace et moins compliquée en comparaison avec la plupart des synthèses organiques. Cette méthode consiste en une série de réactions d’hydrolyse et de condensations d’alcoxydes métalliques. La méthode sol-gel est rarement utilisée pour synthétiser des silsesquioxanes. Cette technique est largement utilisée pour synthétiser des nanoparticules de silice à partir de précurseurs de type tétraméthoxysilane et tétraéthoxysilane (abrégé TMOS et TEOS respectivement) [39]. La méthode sol-gel a été utilisée pour la synthèse des nanoparticules de polyméthylsilsesquioxane qui font l’objet de ce travail de thèse. Nous en discuterons dans un chapitre ultérieur. N
LES SILSESQUIOXANES COMME NANOCHARGE DES THERMOPLASTIQUES
Les silsesquioxanes peuvent servir de nanorenforts dans le domaine des nanocomposites à base de thermoplastiques. Ces matériaux sont considérés comme des matériaux hybrides : organique/inorganique. Le réseau inorganique silicium-oxygène dans les silsesquioxanes stabilise ces matériaux et leurs groupes organiques superficiels sont compatibles avec des matrices thermoplastiques. Par conséquent, une morphologie fine peut être générée. En effet, l’ajout des composants hybrides organique/inorganiques dans les polymères organiques modifie les propriétés mécaniques, thermiques, électriques et optiques de la matrice polymère. En raison de leur grande variété de groupes fonctionnels sur leur surface, les POSS sont considérés comme le type de silsesquioxanes le plus étudié dans le domaine des nanocomposites par comparaison aux polysilsesquioxanes. Shiao et Feng-Chih [19] ont développé une étude sur le potentiel des POSS dans la préparation et l’amélioration des propriétés des nanocomposites. Contrairement au POSS, l’utilisation des polysilsesquioxanes à structure d’échelle comme nanocharges dans des polymères organiques est relativement peu étudiée. Dans la littérature, on trouve quelques études sur des matériaux composites à base de polyimide, de copolymère éthylène acétate de vinyle et de polyphénols. Dans ce qui suit, nous présenterons un exemple de composites à base de polyimide chargé de polysilsesquioxane. En 2011, Gao et al. [40] ont préparé des composites à base de polyimide (PI) et de particules de polyphénylesilsesquioxane (PPSQ) organo-modifiées.
À partir du phényltriméthoxysilane, utilisé comme précurseur, et par une approche acide-base en deux étapes, ces chercheurs ont réussi à préparer un polyphénylsilsesquioxane à structure d’échelle sous forme de particules de taille micrométrique. Ensuite, un polyphénylesilsesquioxane fonctionnalisé par le nitrophényle (LPNPPSQ) et un polyphénylesilsesquioxane à fonctionnalité aminophényle (LPAPPSQ) ont été préparés par nitration du phénylsilsesquioxane dans du HNO3 suivie d’une réduction par un catalyseur Pd/C. Comme le montre la Figure 2.7, la séparation des phases s’est produite entre la matrice PI et la charge LPPSQ, mais elle ne s’est pas produite entre PI et LPNPPSQ ou LPAPPSQ. Gao et al. ont constaté que les groupes fonctionnels contenant des azotes dans les PPSQ pouvaient améliorer les interactions interfaciales et la dispersion de ces nanocharges dans le PI. Par conséquent, ceux-ci offrent aux films de meilleures propriétés mécaniques et des températures de transition vitreuse plus élevées. Le Tableau 2.4 montre les propriétés mécaniques, à savoir le module de Young, la résistance à la traction et l’élongation à la rupture du PI et ses nanocomposites.
Comme indiqué, et par comparaison au PI non chargé, l’amélioration observée des propriétés mécaniques des nanocomposites a été liée à la bonne compatibilité entre la charge et la matrice polymère. De ce fait, le nanocomposite PI/LPAPPSQ possède le module de Young le plus élevé, la meilleure résistance à la traction. L’élongation à la rupture est utilisée pour exprimer l’extensibilité et le mouvement des chaînes polymères, également fortement liés à l’adhérence interfaciale entre deux phases. Malgré la bonne compatibilité entre la charge (LPAPPSQ) et le PI, l’élongation à la rupture a diminué de 24 30% pour le PI à 12% pour le nanocomposite PI-LPAPPSQ. La présence de réticulations chimiques dans le nanocomposite en serait la cause. Trois ans plus tard, Lili Zhang et al. [41] ont réussi à préparer des composites à base de polyimide chargé de particules de polyphénylsilsesquioxane. La solubilité des deux phases dans le solvant organique diméthylacétamide a facilité la fabrication de ce type de matériau hybride. Ils ont utilisé deux types de particules polysilsesquioxanes à structure d’échelle : • le polyphénylsilsesquioxane (PPSQ); • le poly(nitrophénylsilsesquioxane) (nPPSQ), dérivé du précédent.
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