Myélinisation des projections corticales visuelles de la souris

La gaine de myéline, qui enveloppe les axones, augmente la vitesse de propagation de l’influx nerveux (Hartline & Colman, 2007; Moore, Joyner, Brill, Waxman, & Najar-Joa, 1978; Seidl, 2014; Waxman & Bennett, 1972). Cette augmentation de la vitesse de transfert joue aussi un rôle important dans la synchronisation de l’activité corticale entre les cortex (Pajevic, Basser, & Fields, 2014) et l’intégration neuronale (Thomson & Bannister, 2003; Turner, 2019). De plus, la myéline réduit les coûts métaboliques des axones (Harris & Attwell, 2012; Nave, 2010) et est impliquée dans la plasticité cérébrale (Barrera et al., 2013; Gibson et al., 2014; Grados-Munro & Fournier, 2003; McKenzie et al., 2014; Purger, Gibson, & Monje, 2016).

Puisque la myéline contribue à ces fonctions importantes, les pathologies associées à la démyélinisation des axones entrainent des pertes fonctionnelles significatives. Par exemple, la sclérose en plaques (multiple sclerosis, MS), qui cause la démyélinisation des axones du cerveau et de la moelle épinière, entraine des pertes de coordinations motrices et de la démence (Rohkamm, 2014). Pour mieux comprendre les pathologies liées à la démyélinisation des axones, il est important de connaitre l’identité des axones myélinisés : d’où ils proviennent et où ils se dirigent.

Le cortex cérébral comprend une abondante population d’axones myélinisés dont on ignore largement l’identité. Une étude récente a démontré que 50 % des axones myélinisés des couches superficielles du cortex proviennent des interneurones corticaux GABAergiques (Micheva et al., 2016). Cette proportion d’axones myélinisés GABAergiques diminue avec la profondeur corticale, signifiant que la majorité des axones myélinisés des couches profondes ne sont pas GABAergiques (Micheva et al., 2016). Ces axones myélinisés des couches profondes sont présumés être ceux des neurones pyramidaux excitateurs de projection.

Des études de myéloarchitecture ont démontré que les fibres tangentielles  sont caractéristiques des couches profondes (Zilles et al., 2016). Ces fibres pourraient être des axones corticocorticaux ipsilatéraux, puisqu’ils cheminent dans ces couches corticales (Watakabe & Hirokawa, 2018). La nature de ces fibres myélinisées n’est cependant pas démontrée. De plus, puisque les connexions controlatérales cheminent principalement dans la matière blanche (Watakabe & Hirokawa, 2018), on pourrait s’attendre à ce que les axones des projections corticocorticales calleuses soient principalement myélinisés.

Le cortex visuel primaire envoie des projections au cortex cérébral controlatéral par le corps calleux, ainsi qu’aux aires extrastriées ipsilatérales proches. Ces doubles projections permettraient de vérifier si la myélinisation des axones controlatéraux et ipsilatéraux diffère, ce qui signifie qu’ il possède de longues et courtes projections corticocorticales (Olavarria, Bock, Leigland, & Kroenke, 2012; Olavarria & Safaeian, 2006; Zhang et al., 2019). De plus, le cortex visuel primaire projette à environ neuf aires corticales extrastriées par le biais de plusieurs connexions corticocorticales (Froudarakis et al., 2019; Montero, 1993; Wang & Burkhalter, 2007). Ces aires corticales extrastriées étant bien connues, il est possible d’étudier la myélinisation de ses axones corticocorticaux.

L’objectif de cette étude est de voir si les projections efférentes du cortex visuel primaire aux aires extrastriées, controlatérales et ipsilatérales, sont myélinisées. Pour ce faire, des injections d’un traceur antérograde dans le cortex visuel primaire de la souris seront combinées avec la révélation immunohistochimique de la protéine de base de la myéline (myelin basic protein, MBP), ce qui va permettre de déterminer si les axones des projections efférentes corticocorticales visuelles sont myélinisés.

La gaine de myéline, qui entoure certains axones, est un enroulement en plusieurs couches de membranes cellulaires, composées de lipides et de protéines (Bear, Connors, & Paradiso, 2016). Sa forte teneur lipidique lui donne son apparence blanchâtre. La myéline est produite par les oligodendrocytes dans le système nerveux central (SNC) ou des cellules de Schwann dans le système nerveux périphérique (SNP) (Bear et al., 2016; Nave, 2010).  Grossissement de 150 000 diamètres. Image adaptée de Moreil et Norton (1980). prend la forme d’une spirale très serrée autour des axones, comme dans l’ image d’ un axone spinal d’un chien (Bear et al., 2016; Nave, 2010; Salzer & Zalc, 2016). Les couches de la spirale sont très clairement définies en microscopie électronique, ce qui permet de s’assurer de la myélinisation d’un axone .

La myéline du système nerveux central est composée de 70 à 75 % de lipides (Baron & Hoekstra, 2010; Salzer & Zalc, 2016). La proportion de lipides est très élevée par rapport aux autres membranes eucaryotes (Jahn, Tenzer, & Werner, 2009). Le cholestérol, les glycosphingolipides, les galactosylcéramides et les plasmagènes sont les principaux lipides la composant avec un ratio moléculaire de 2 : 2 : 1 : 1 respectivement (Baron & Hoekstra, 2010; Jahn et al., 2009). La haute teneur en cholestérol change ses propriétés biophysiques membranaires en augmentant sa fluidité et permettrait ainsi à sa membrane cellulaire de courber autour des axones (Huttner & Zimmerberg, 2001; lahn et al., 2009).

Les protéines contribuent à la hauteur de 30 % de la composition de la myéline. Il existerait environ 294 protéines de la myéline dans le SNC de la souris (Jahn et al., 2009). Les trois principales protéines composeraient environ 29 % de toutes les protéines de la myéline. La protéolipide (PLP), la «myelin basic protein» (MBP) et la 2′, 3′ -Cyclic nucleotide 3′ – phosphodiestérase (CNP) contribuent pour 17 %, 8 % et 4 % respectivement du total de protéines associées à la myéline (lahn et al., 2009; Nave & Werner, 2014).

La myéline joue un rôle dans la vitesse de conduction des axones, la synchronisation entre les aires corticales, l’intégration neuronale, le métabolisme et la plasticité des axones (Gibson et al., 2014; Pajevic et al., 2014).

Les axones corticocorticaux n’ont pas tous la même distance à parcourir pour se rendre à différents cortex cibles (Harris et al., 2019). De plus, certains doivent aussi traverser le corps calleux (Olavarria et al., 2012). Malgré cette différence de longueur, certains signaux doivent être synchronisés entre les aires corticales afin que l’intégration neuronale soit optimale (Sei dl, 2014). Afin de compenser pour les trajectoires à parcourir de distances inégales, la vitesse de conduction des axones peut être modulée. La vitesse de conduction d’un axone peut être augmentée de deux façons: par l’accroissement de son diamètre ou par l’ajout d’une gaine de myéline (Hartline & Colman, 2007).

Pour augmenter la vitesse de conduction, le diamètre des axones non myélinisés doit augmenter considérablement, menant ainsi aux axones géants des céphalopodes (calmars) (Hartline & Colman, 2007). Ces axones géants peuvent atteindre un diamètre de 0,5 à 1 mm et permettre une vitesse de conduction de 25 ms⁻¹ (Salzer & Za\c, 2016). Étant donné que les axones géants prennent beaucoup d’espace, la limitation du volume de la boîte crânienne ne permettait pas cette solution chez les vertébrés (Hartline & Colman, 2007; Salzer & Zalc, 2016; Zalc, 2016).

Un axone myélinisé possède de courts segments dépourvus de gaine de myéline, les nœuds de Ranvier (Hartline & Colman, 2007), qui permettent les échanges d’ions avec le milieu extracellulaire (Bear et al., 2016; Salzer & Zalc, 2016). Dans un axone myélinisé, la membrane axonale aux nœuds de Ranvier est pourvue de canaux voltage-dépendants (Bear et al., 2016; Salzer & Zalc, 2016). Ces canaux sont activés quand l’influx nerveux arrive et entrai ne une différence de potentiel entre les milieux intra- et extracellulaires (Bear et al., 2016). Les segments myélinisés ne possèdent pas ces canaux voltage-dépendants (Bear et al., 2016; Salzer & Zalc, 2016). Grâce à l’isolation électrique procurée par la gaine de myéline, la dépolarisation intracellulaire se propage rapidement, sans se dégrader, dans les segments myélinisés (Bear et al., 2016; Luo, 2016). C’est ce qui est appelé la conduction saltatoire, puisque l’influx nerveux donne l’impression de « sauter» d’un nœud de Ranvier à l’autre .

Table des matières

Chapitre 1 Introduction
Revue de littérature
Myéline
Facteurs déterminant la myélinisation
Myéloarchitecture
Identité des axones myélinisés
Connectivité corticale visuelle
Objectifs
Chapitre 2 Méthodologie
Animaux
Traçage neuronal
Iontophorèse
Transport axonal
Phaseolus vulgaris Leucoagglutinine
Microscopie photonique
Microscopie électronique
Chirurgie
Perfusion
lmmunohistochimie
Traitement pour microscopie électronique
Chapitre 3 Myelination of the corticocortical projection in gray and white matter from the primary visual cortex
Abstract
Introduction
Methods
Surgery
Immunohistochemistry
Imaging and Analysis
Results
Discussion
Phal and MBP staining
Gray matter axons
White matter axons
Future perspective
Conclusion
Conflict of interest
Chapitre 4 Résultats supplémentaires
Microscopie photonique
Problème de la pénétration des anticorps
Structure sous-corticale
Microscopie électronique
Chapitre 5 Discussion supplémentaire
Pénétration des anticorps
Microscopie photonique
Microscopie électronique
Structures sous-corticales
Fonction de la myéline
Limitation
Perspectives futures
Chapitre 6 Conclusion

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