Le ministère de l’écologie ambitionne, au travers de ses services scientifiques et techniques, d’accroître l’usage du matériau bois dans la construction, et en particulier pour les ouvrages d’art. La principale raison est d’ordre environnemental. En effet, on sait que le bois piège du CO2 pendant la durée de vie des structures, et que, pour certains scénarios de fin de vie, notamment l’enfouissement, ce piégeage peut encore être prolongé sur des longues durées. D’autres scénarios de fin de vie permettent plutôt de récupérer de l’énergie. De plus, le bois est le seul matériau structurel renouvelable qui, à la condition que la gestion des forêts soit satisfaisante, sera indéfiniment disponible sur la planète. Par gestion satisfaisante, il faut comprendre entre autre le maintien de la disponibilité de la ressource. Le rapport annuel de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), sur la situation des forêts du monde, montre que les ressources forestières de l’Europe, et de la France particulièrement, sont en légère augmentation si l’on compare les années 2005 et 1990.
Le contexte politique est donc favorable à un développement de l’usage du bois dans les constructions. Contexte accentué par la disponibilité de recommandations et réglementations récentes. Tout d’abord il faut citer l’Eurocode 5 qui est officialisé. La cohérence de présentation de l’ensemble du corpus des Eurocodes, y compris l’EC5 sur le bois, est un élément moteur déterminant pour la diversité des matériaux proposée dans les projets de construction. Cela a en particulier pour effet d’encourager les bureaux d’études non spécialisés à se lancer dans le calcul de structures en bois. Ensuite, dans le domaine des ponts, des recommandations pour assurer la durabilité et pour réaliser des visites d’inspection et contrôler l’état de santé des ouvrages sont éditées en France : le guide pour assurer la durabilité des ponts en bois du SETRA, le Guide LCPC pour l’inspection des ponts en bois et le Guide de Conception par l’AFGC.
Existe-t-il pour autant des voies de recherche inexplorées ayant trait à l’amélioration des performances du bois dans les constructions ? D’un point de vue mécanique, le bois est l’un des meilleurs matériaux sur le plan de la rigidité et de la résistance d’une poutre en flexion rapportée à sa masse. Pourtant, il ne bénéficie pas d’une image de matériau « high tech », et semble, quand on parle d’innovation technologique, appartenir au passé. A y regarder de plus près, le matériau bois a pourtant un potentiel d’innovation important. On le chauffe à haute température pour transformer la lignine en un composé assurant une grande durabilité en milieu humide, on le déroule pour fabriquer des multicouches de très grande dimensions pratiquement sans défaut, donc très résistant, etc. Comme il se prête bien au collage ou au formage, des possibilités formelles sont à découvrir. C’est d’ailleurs ce qu’entreprend l’EPFL sur les structures plissées à base de bois. A une échelle inférieure, i.e. celle du matériau, les recherches actuelles entreprises à l’UMR Navier sur l’architecture des âmes de sandwich peuvent être pris en exemple, et permet de préciser la question posée précédemment : peut on améliorer les performances, mécaniques ou autres, du bois, en proposant une architecture spécifique ou en recourant à d’autres matériaux utilisés en association avec le bois ? Cette question a déjà reçu une réponse prometteuse au travers du travail de Pham (UMR Navier) sur les tabliers mixtes en boisbéton ultra performant. Il nous apparaît important de poursuivre dans cette voie.
Les tabliers de ponts mixtes en bois – béton couvrent une portée pouvant atteindre 25 à 30 m. Selon le rapport du WP3 du Projet Européen NR2C, dévolu aux « ponts du futur », 80% des ponts entrent dans ce domaine de portée. Un travail d’amélioration des tabliers concernés est donc productif, puisque détenteur d’un fort potentiel d’applications. Au potentiel lié à l’impact environnemental des solutions recourant au bois, mais qui doit être quantifié au cas par cas, s’ajoutent des avantages indéniables : légèreté, coût de transport et de montage, temps d’exécution…
Bouhaya, Le Roy et Feraille [Bouhaya et al., 2009] ont réalisé une analyse de cycle de vie complète d’un ouvrage d’art mixte en bois. Les auteurs concluent que selon l’utilisation en fin de vie du bois, le bilan est positif, soit du point de vie CO2, soit du point de vie énergétique. Pour faire un tel calcul, il faut connaître les données liées à chaque élément de la structure, ce qui est possible par une analyse des données des fiches de déclaration environnementales et sanitaires d’éléments de structures (FDES), publiées par le CSTB (base de données INIES). A partir de la FDES d’une poutre de lamellé collé, on peut calculer que le bilan carbone de la phase production du matériau, en sortie d’usine, c’està-dire hors transports, pose sur chantier, et traitement en fin de vie, est de -480 kg/m³ . Ce chiffre très prometteur pour l’usage du bois, participe au bilan de la poutre lamellé collé sur son cycle de vie. Le point crucial est alors la gestion de fin de vie du bois, ce dernier pouvant être enfoui dans une décharge spécialisée limitant la dégradation du matériau, utilisé comme énergie thermique dans une filière boisénergie, ou réutilisé dans une autre filière industrielle comme celle des panneaux par exemple.
Les essences du bois peuvent être classées en deux catégories principales : Résineux (ou conifères) et Feuillus. La différenciation se fait sur le système de reproduction, mais aussi sur leur micro structure [Navi, 2005].
Les propriétés au sein d’une même essence subissent des variations d’un sujet à l’autre. La localisation géographique, le climat, les conditions du sol, etc…, influencent la vitesse de croissance du bois et, par conséquent, ses propriétés. La performance du matériau en termes de rapport entre la résistance et la densité est due à la composition microstructurale en cellules du bois. Les cellules du bois se composent de plusieurs couches, comme les structures lamellées. L’angle des microfibres dans la couche S2 joue le rôle principal dans la qualité mécanique du bois. L’augmentation de cet angle fait diminuer la résistance du bois.
CHAPITRE 1. GENERALITE SUR LES PONTS MIXTES EN BOIS |