Monographies et trajectoires d’anciens djihadistes salafistes

Monographies et trajectoires d’anciens djihadistes salafistes

 Du militantisme partisan à la violence armée, trajectoire d’un ancien militant du FIS (Rabah) Rabah se présente comme étant parmi les djihadistes de la première heure, ceux qui, pour le reprendre, « ont porté la bannière du djihad véridique, un djihad caractérisé par un engagement dévoué exclusivement à la gloire d’Allah, et à l’établissement de sa Khilafa (Califat) sur terre ».

Il rejoint un groupe armé affilié au GIA au tout début du conflit à la fin de l’année 1992. Né en 1961 dans une commune de l’ouest d’Alger, Rabah, Kabyle algérois issu d’une famille très modeste, fait partie de la première génération de jeunes Algériens arabisés, arrivée à l’âge de la vingtaine au début des années 1980.

Il assiste à l’émergence d’un mouvement hétéroclite de prédication islamique qui a profité de la vague d’arabisation massive du système éducatif algérien. Ses engagements successifs dans le prosélytisme religieux, dans le militantisme politique, puis dans l’action radicale violente, coïncident avec un processus plus global de radicalisation de la mouvance salafiste, sur fond de fermeture de champ politique et de répression anti-salafiste. 

De la prédication religieuse au militantisme salafiste haraki

Ayant reçu une éducation religieuse de base qui lui a été inculquée dès son enfance par son cercle familial, Rabah est un habitué de la mosquée où il effectue la majeure partie de ses cinq prières de la journée. C’est grâce à cette fréquentation régulière de la mosquée qu’il tissera, à partir du début des années 1980, des liens d’amitié étroits avec des activistes engagés dans la prédication religieuse, principalement des membres de la Djamaa Al Tabligh.

Ces derniers, connus pour leur penchant pour la prédication religieuse et pour leur rejet de l’activisme politique, ont dans un premier temps séduit Rabah qui voyait en eux l’incarnation de la Sahwa Islamiyya (le Réveil islamique) en Algérie.

Pour lui, la maturité politique doit être C précédée par la maturité religieuse sans laquelle il ne peut y avoir d’« État islamique ». Pour ce faire, la société algérienne doit, selon lui, être éduquée sur le plan religieux afin de la préparer à l’avènement d’un tel État. Cette logique pousse Rabah à s’investir dans un travail de proximité consistant à sensibiliser les jeunes au retour nécessaire à la foi religieuse :

« on sortait dans la rue pour parler aux gens, on passait des nuits à dormir dans les mosquées, on s’adressait aux passants (…) on allait dans des hôpitaux pour visiter les malades, on organisait des séances d’éducation religieuse (…) on a senti que les gens commençaient vraiment à s’intéresser à la religion, en tout cas, ils l’acceptaient. Nous, on ne faisait qu’éveiller leurs consciences (…) ».

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Lorsque l’ouverture politique a eu lieu en donnant ainsi naissance à plusieurs partis politiques à référents islamiques, Rabah refuse les incessantes demandes de la part de militants du FIS pour intégrer l’une des structures politiques locales du parti islamique : « ils me disaient que tout le monde me connaissait, que ma place était parmi eux, que je devais être dans le bureau politique de la commune, mais à chaque fois, je refusais (…) franchement, je ne m’intéressais pas trop à la politique à ce moment précis, je préférais l’aspect religieux ».

Du militantisme politique à la contestation violente

L’interruption du processus électoral en 1992 est ressentie comme un choc pour Rabah. Même si l’engagement de ce dernier pour la « cause islamique » s’inscrit bien plus dans une logique de « militantisme affranchi » que dans une logique de « militantisme affilié » 1583, sa sympathie pour le FIS est sans bornes. Ce qu’il considère comme un coup d’État et une confiscation de la volonté du peuple lui apparaît comme une injustice impardonnable, une Hogra, pour reprendre la célèbre expression utilisée dans le dialecte arabe algérien.

Ceci le persuade de s’engager dans la mobilisation contestataire déclenchée par les leaders du FIS encore en liberté. Il participe à plusieurs marches, dont certaines ont été durement réprimées, ce qui ne fait qu’accroître ses sentiments de haine et de mépris envers un régime qu’il considère comme tyran, corrompu et oppresseur.

Cette répression dirigée par les autorités contre les formes pacifiques de la protestation (marches, sittings, grèves…etc.) vont très vite convaincre Rabah de l’utilité d’une action plus efficace (comprendre plus violente) à l’égard des autorités : « au départ, nous l’avons voulu pacifique, quand nous nous retrouvions en face des Casques bleus, nous ne faisions jamais usage de la violence.

Nous négocions le droit de passage avec les responsables de la sécurité qui nous demandaient de rebrousser chemin ou de prendre une route différente (…), nous savions qu’il y avait des espions des renseignements qui se glissaient parmi nos rangs pour repérer les meneurs, mais malgré cela, nous restions calmes et organisés face aux provocations des autorités (…) jusqu’à cette histoire de la répression à Champs de Manœuvres (place du premier mai à Alger centre)1584.

À partir de là, dans ma tête, je me suis dit : tu vas jusqu’au bout, soit c’est l’État islamique, soit c’est la mort. À partir de ce moment là, les marches et tout le reste, ça ne m’intéressait plus, je voulais du concret. Moi j’ai toujours été comme ça (…) personnellement oui, j’étais décidé à prendre les armes »

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