Phytoremédiation
La phytoremédiation est un processus de décontamination d’une matrice, c’est-à-dire le sol, l’ air ou l’eau, par les plantes et les micro-organismes associés (Pilon-Smits, 2005). Elle s’effectue par des mécanismes d’ extraction, de stabilisation, de dégradation, de volatilisation ou de stimulation. consiste à séquestrer les polluants plutôt de type inorganique (métaux, N, P, etc.) dans les tissus de la plante. La stabilisation permet de fixer les polluants (métaux principalement) dans le sol , via le complexe argilohumique pour limiter le lessivage de ces derniers. La dégradation renvoie à la métabolisation des polluants (composées organiques, N et P) par les plantes. La volatilisation des polluants (métaux et composés organiques) s’effectue par évapotranspiration à la suite de leur métabolisation dans la plante. Enfin, la stimulation, ou rhizodégradation, est un processus de dégradation et de métabolisation des polluants par les micro-organismes vivants dans l’environnement immédiat des plantes. (Ansari et al., 2016; Pilon-Smits, 2005; Sumiahadi et Acar, 2018). Ces mécanismes de décontamination sont assurés par plusieurs espèces de plantes et les saules (SaUx sp) sont souvent utilisés (ADIT, 2006; Rock et al., 2000).
Une revue de la littérature a mis en lumière la capacité des saules à extraire les métaux lourds comme le cadmium (Cd), le plomb (Pb), le zinc (Zn), le cuivre (Cu), le nickel (Ni), le chrome (Cr) et l’ arsenic (As) (Abdelsalam et al., 2019; Ansari et al., 2016). Les polluants peuvent être de nature inorganique, mais aussi organique comme les huiles, les solvants, les produits pétroliers, les peintures, les teintures et les pesticides (Pilon-smits, 2005; Société québécoise de phytotechnologie, 2016). Depuis quelques années, plusieurs équipes se penchent sur les capacités qu’ont les saules à gérer leur exposition à des molécules organiques. D’après la revue d’Azzarello et al. (2011), le saule stimule la remédiation des contaminants chlorés, des hydrocarbures aromatiques polycycliques ainsi que des hydrocarbures pétroliers. Plus récemment, l’équipe de Sharrna et al. (2020) rapporte qu’en situation hydroponique le saule extrait de manière significative des substances perfluoroalkyle, des polluants organiques persistants. Frédette et al. (2019) ont démontré à l’échelle du mésocosme que le saule parvient à concentrer des agents de conservation du bois tels que le pentachlorophénol (PCP) et l’arséniate de cuivre chromé (ACC).
En raison de ces caractéristiques, certaines équipes s ‘ intéressent, depuis quelques années, au traitement des eaux usées en utilisant des plantations de saules à croissance rapide. 1.2 Remédiation des eaux usées Les saules ont la capacité d’emmagasiner certains métaux comme le ZInC, le cadmium et le cuivre, mais aussi de tirer profit des concentrations élevées en azote et phosphore dans ces eaux usées. Agissant comme des fertilisants, l’absorption de ces éléments (N et P) a pour conséquence d’augmenter la biomasse totale de l’espèce végétale utilisée (Aronsson et al., 2014; Chen et al., 2019; Guidi Nissim et al., 2015; Jerbi, 2014; Jerbi et al., 2015; Koenig et Trémolières, 2018; Shi et al., 2015; Urbaniak et al., 2017; Vasudevan et al., 2019; Wyrwicka et Urbaniak, 2018). Plusieurs équipes s’intéressent à l’utilisation des eaux usées comme source d’azote et de phosphore pour des plantations de saules (Aronsson et al., 2000, 2014; Aronsson et Bergstrom, 2001; Dimitriou et Aronsson, 2004, 2005; Dimitriou et Rosenqvist, 2011; Guidi Nissim et al., 2015; Hasselgren, 1998; Holm et Heinsoo, 2013; Jerbi et al., 2015; Khurelbaatar et al., 2017; Lachapelle-T. et al., 2019; Rosenqvist et Dawson, 2005). En 2008, Jerbi et al. (2015) s’est penché sur une première évaluation de l’apport hydrique maximal d’eaux usées secondaires pouvant être filtrées par les saules et, en parallèle, la concentration maximale en azote et phosphore pouvant être captée par les saules. L’équipe a mis en place un dispositif organisé en 4 blocs, contenant 350 saules, avec 2 conditions (irrigué ou irrigué + fertilisé) selon 4 doses d’eaux usées. Situé dans la municipalité de St-Roch-de-L’Achigan, ce dispositif a permis, en 2009 et 2010, d’observer une augmentation significative de la biomasse totale au-dessus du sol ainsi qu’une diminution significative de la biomasse racinaire lorsque l’apport hydrique augmentait. L’enrichissement en N et P des eaux usées n’a pas eu d’impacts importants sur la biomasse.
Pour le même dispositif, Guidi Nissim et al. (2015) a évalué l’efficacité des saules à recycler les eaux usées secondaires selon différentes doses. Des analyses de l’eau souterraine (sous les racines des saules) et d’autres de la biomasse totale aérienne des saules ont permis d’évaluer le potentiel phytoremédiant des saules avec des eaux usées secondaires. Les principales observations ont été une baisse significative des différentes formes d’azote et de phosphore dans les eaux souterraines par rapport à leurs concentrations dans les eaux usées aInSI qu’une augmentation significative de la biomasse aérienne. À la suite de ces évaluations, un deuxième projet a été mis en place. Le principe général de ce projet s’appuie sur les travaux de Jerbi et al. (2015). Cependant, les eaux usées sont primaires, c’est-à-dire que les eaux usées ont seulement subi les étapes de dégrillage et de décantation, et leurs doses ont été ajustées en fonction de la charge en azote et phosphore. Toujours dans la municipalité de St-Roch-de-L’Achigan, 2 doses d’eaux usées primaires (D2 et D3), une dose « Contrôle» (DO) et eau potable (Dl) représentées par 3 blocs d’une superficie de 108 m2 ont fait l’objet de plusieurs suivis. Ces suivis sont associés à la matière en suspension (MES), l’azote (N), le phosphore (P), la demande chimique en oxygène (DCO), etc. La principale conclusion est la démonstration de l’efficacité de la plantation de saules à traiter les eaux usées primaires dans le respect des normes environnementales. Jerbi et al. (2020) rapportent que la charge en azote et phosphore a eu un impact significatif sur ces saules. La biomasse totale des saules irrigués avec les eaux usées primaires (D 1 et D2) a démontré une augmentation d’un facteur allant jusqu’à 2, et ce, pour deux années consécutives. L’irrigation de saules avec une dose, correspondant à 15 mm/jour (D2), permet d’obtenir pas moins de 40 tonnes de biomasse à l’hectare. Cette augmentation significative de la biomasse permet l’ouverture de voies possible de valorisation en passant par les techniques, le savoir-faire et la connaissance attrayant le domaine du bioraffinage.
Bioraffinage
Le bioraffinage, par définition, est une série de procédés industriels pour transformer une matière ligneuse (Cherubini, 2010; Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, 2009). En pratique, cette matière, ligneuse ou non ligneuse, peut être de nature agricole (cultures dédiées et résidus), forestière, industrielle et ménagère (résidus de scierie, boue d’épuration, etc.) ou encore d’ origine aquatique (algues) (Cherubini, 2010). La filière du bioraffinage est axée sur la production, par des procédés industriels, de produits chimiques et autres matériaux en remplacement de ceux issus de la pétrochimie, à partir d’une biomasse donnée (Figure 1.2). Elle porte également sur la production de produits à haute valeur ajoutée à base de cellulose, par exemple pour l’industrie pharmaceutique (Mussatto, 2016). Figure 1.2 Processus utilisés et produits obtenus lors du bioraffinage d’une biomasse forestière (Ressources naturelles Canada, 2018). À titre d’exemple, la biomasse forestière, comme illustrée ci-haut, subit différentes étapes industrielles pour produire plusieurs produits chimiques commerciaux comme des pâtes et papiers, des polymères, des produits chimiques et plusieurs formes d’énergie. Afin d’avoir ces divers composés, la logistique du bioraffinage passe par trois grandes étapes: l’approvisionnement et la manutention de la biomasse, le conditionnement et la conversion (Wendt et Zhao, 2020). L’approvisionnement et la manutention de la biomasse passent par les étapes de production, de récolte, d’entreposage et de distribution.
Afin de conserver l’intégrité de la biomasse, celle-ci est entreposée dans différentes conditions avec ou sans amendements. D’après la revue de Wendt et Zhao (2020), la biomasse agricole est généralement conservée dans des conditions sèches (c.-à-d. balles agricoles) ou humides (i.e. ensilage). Toutefois, ces conditions permettent tout de même une dégradation de la biomasse par voie bactérienne ou fongique. Pour ces raisons, l’amendement bactérien, acide ou basique de la biomasse est parfois nécessaire. D’après Wang et Zhang (2013), l’approvisionnement et la manutention de la biomasse lignocellulosique sont adaptés selon le produit désiré et le consommateur final. Le conditionnement de la biomasse passe inévitablement par un entreposage à court terme ainsi qu’un broyage suivi d’un tamisage dans certains cas (Wendt et Zhao, 2020). Pour la biomasse lignocellulosique, elle doit être concassée afin de continuer vers des procédés de conversion. Les procédés industriels n’admettent pas l’ intégralité de la biomasse sans cette étape (Wang et Zhang, 2013). La conversion consiste en un fractionnement et une transformation de la biomasse. Le prétraitement, qui a pour objectif de fractionner la biomasse, contribue à faciliter la séparation partielle ou totale des quatre composantes de la biomasse: les extractibles, les hémicelluloses, les lignines et la cellulose (Mussatto et Dragone, 2016). Une fois ce fractionnement effectué, l ‘hydrolyse enzymatique de la cellulose, une des multiples méthodes possibles, permet de libérer les monomères de glucose pour leur conversion en produits (Baruah et al., 2018).
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