Modification de surfaces d’or par des films SAMs thiols inhibiteurs aux transferts de charge électrochimique
Etude bibliographique sur les monocouches auto-assemblées (SAMs) et les molécules soufrées 2MBI et 2MBIS-5-S
Généralités sur les monocouches auto-assemblées (SAMs)
Les monocouches auto-assemblées appelées SAM (de l’anglais Self-Assembled Monolayer) sont des édifices moléculaires auto-organisés formés par adsorption spontanée de molécules amphiphiles sur un substrat (figure I-1) [1]. La nature chimique de la molécule amphiphile et le substrat impliqué dans cet assemblage est variée (tableau I.1). Ainsi, après plusieurs dizaines d’années de recherche on peut répertorier l’adsorption d’alcanethiols, de sulfures ou de disulfures de dialkyles sur des métaux nobles comme l’or, l’argent, le platine ou non nobles, d’alcools, d’amines ou d’isonitrile sur platine, et d’acides carboxyliques sur oxydes d’aluminium ou d’argent et d’organosiloxanes sur des surfaces hydroxylées. Figure I-1 Schéma d’une monocouche auto-assemblée de n-dodécanethiol sur un substrat anatomiquement plat [1] La formation de la SAM sur le substrat tient essentiellement au caractère amphiphile des molécules. Elle procède en une première étape de chimio-sorption sur les atomes du substrat, suivie par une seconde organisation qui provient des forces intermoléculaires faibles entre les chaînons alkyles des molécules chimisorbées. Schématiquement (figure I-2), une molécule amphiphile peut être divisée en trois parties, chacune jouant son rôle dans l’élaboration de la SAM: une tête, une queue et une partie terminale. Figure I-2 Représentation schématique d’une molécule amphiphile La tête de la molécule est conçue pour présenter une forte affinité pour la surface du substrat. On observe un positionnement de la tête sur un site spécifique de la surface par l’intermédiaire d’une liaison chimique (chimisorption). Celle-ci peut être covalente comme dans le cas de l’adsorption d’alkyles de trichlorosilanes sur une surface hydroxylée (liaison Si-O), ionique (adsorption des acides carboxylique sur (AgO/Ag) ou pseudo covalente où la liaison formée intervient dans l’organisation de la SAM. La queue est constituée de chaînes alkyles simples [2] pouvant inclure un ou plusieurs groupes fonctionnels (fonction amide [3-5], phényle [6-8]) susceptibles de modifier la nature des forces intermoléculaires. Cette partie est en effet impliquée dans l’établissement des interactions intermoléculaires faibles de Van Der Waals responsables de l’organisation à longue distance. L’organisation confère aux molécules des positions symétriquement équivalentes sur le substrat. La partie terminale est constituée d’un groupement fonctionnel ou polyfonctionnel. L’importance de son encombrement, sa charge, etc. peuvent modifier l’organisation de l’ensemble et les propriétés de la SAM
Historique
Dès les années 1930, les monocouches d’amphiphiles étaient utilisées pour le contrôle des propriétés de mouillage des métaux constituant les condenseurs des machines à vapeur [12]. En effet, la condensation d’un film d’eau à la surface du plateau métallique des condenseurs diminue l’efficacité de la conversion de la phase vapeur. Très tôt, on s’aperçoit que les molécules amphiphiles formaient une monocouche à la surface du substrat métallique via un groupement métallophile, alors que les chaînes hydrocarbonées s’alignaient orthogonalement à la surface. La formation de telles monocouches a été démontrée dès 1946 par Bigelow et al [13]. Ils ont préparé un film monomoléculaire par adsorption d’alkylamines sur un support de platine. Ainsi, ils ont montré que des molécules polaires dans des solvants non polaires pouvaient s’adsorber pour former des monocouches bien organisées sur des surfaces planes. Bien qu’elles soient de très faible épaisseur (quelques nanomètres), ces monocouches peuvent modifier complètement les propriétés physicochimiques de ces surfaces (hydrophobicité, mouillabilité,…). L’étude des monocouches auto-assemblées n’a suscité un intérêt croissant qu’à partir du début des années 80, avec l’apparition de nouvelles techniques de caractérisation telles que la microscopie à force atomique (Atomic Force Microscopy, AFM, 1986) et la microscopie à effet tunnel (Scanning Tunneling Microscopy, STM, 1981). Ainsi, des travaux sur les monocouches auto-assemblées apparaissent, tels ceux de Sagiv dont le premier article démontrant la formation de monocouches d’octadécyltrichlorosilane (OTS) bien organisées sur SiO2 par chimisorption directe [14] et les SAMs de Nuzzo et Allara sur l’immobilisation de disulfures sur or [15]. Ce n’est qu’à partir d’une série de publications séparées de Finklea, Porter, Nuzzo ou Rubinstein [16,17], en 1987, puis de Whitesides [18,19] que des articles apparaissent sur des SAMs à base d’alkylethiols.
Types des SAMs
Les monocouches auto-assemblées se divisent en deux classes principales: la première formée de thiols, sulfures ou disulfures adsorbés sur un métal pur tel que l’or, l’argent, le mercure, le platine ou le cuivre et la deuxième faite de silanes le plus souvent sur un oxyde de silicium ou d’aluminium (figure I-3). Dans les deux cas l’interaction de la molécule avec le substrat est une liaison covalente, ce qui confère une grande stabilité à la monocouche. En plus, les interactions entre les molécules elles-mêmes peuvent être de nature covalente ou non-covalente selon la nature chimique de la molécule, accroissent la stabilité de la structure. Aussi les SAMs thiols immobilisés sur substrat d’or après adsorption forment une liaison covalente avec (Au-S). Aussi, des interactions de type de Vander Waals sont créées entre elles. Alors que les silanes peuvent créer trois liaisons covalentes avec les molécules voisines ou le substrat contrairement aux alcanes-thiols qui n’ont qu’un seul point d’ancrage avec le substrat. Les silanes forment ainsi un réseau tridimensionnel de liaisons covalentes très fortes, appelées siloxanes (Si-O-Si). Figure I-3 Monocouches auto-assemblées sur Au, SiO2 et surface d’oxyde métallique (OM) [20] Dans ce qui suit, nous allons nous focaliser sur les monocouches auto-assemblées sur or.
Monocouches auto-assemblées sur or
Généralités
Depuis les travaux de Nuzzo [15] et Allara en 1983, les monocouches auto-assemblées sur or ont été largement étudiées en raison de leurs multiples domaines d’applications (capteurs [21], électrocatalyse [22], …). Ce type de fonctionnalisation conduit à la formation spontanée d’une monocouche sur un substrat avec un haut degré d’organisation [23] (figure I4). Par définition une SAM correspond à un édifice moléculaire formé à partir d’entités organiques greffées sur une surface. Elle est qualifié d’auto-assemblée car le dérivé organique s’adsorbe et s’organise spontanément sur le substrat. Pour cela, les précurseurs de SAMs doivent posséder différents groupements, chacun assurant un rôle au sein de la monocouche: La fonction d’accroche: c’est la fonction chimique permettant l’adsorption de la molécule organique sur le substrat (thiol, disulfure, dialkylsulfure, dithiol, acide thioctique,…). L’espaceur: il est généralement constitué d’une chaîne alkyle d’une dizaine de carbones permettant l’organisation par des interactions de Vander Waals. Le groupement fonctionnel: c’est l’entité qui détermine les propriétés physicochimique de la monocouche. La stratégie de synthèse des précurseurs permet une grande variabilité des groupements fonctionnels modulant les propriétés physiques et chimiques de la surface. Figure I-4 Schéma d’une monocouche auto-assemblée sur l’or modifiée de [24]
Types de molécules utilisées
Il est difficile de montrer un modèle et donner des conclusions recueillant le consensus de la communauté scientifique. Il est cependant possible d’extraire des tendances communes à certaines familles dont nous présentons un résumé pour les deux les plus étudiées: les alcanes mono (alcanethiols) ou dithiolés (dialcanethiols) et les molécules conjuguées et selon les besoins les SAMs obtenues peuvent être fonctionnalisées ou non. a. SAMs d’alkanes-thiols Dans le cas particulier de l’alcane-thiol non fonctionnalisé, les trois parties qui constituent la molécule sont: 1. Le groupe de tête est un atome de soufre. 2. La chaîne de séparation est constituée d’une succession de groupements méthylènes CH2 (chaîne aliphatique). 3. Le groupement terminal est un simple méthyle: CH3 (figure I-5).
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