Modélisations des systèmes d’assistance à la
réverbération régénératifs
Simulation numérique des transferts acoustiques
Le logiciel Icare de simulation numérique de propagation acoustique développé par le CSTB repose sur une combinaison de méthodes numériques de résolution de l’équation de Helmholtz asymptotique [Noe 2012]. Cette dernière est une expression particulière de l’équation de Helmholtz permettant de transposer la propagation d’une onde sonore à celle de rayons interagissant ponctuellement avec les objets constitutifs de l’environnement. La validité de l’approche asymptotique est soumise à l’hypothèse que les longueurs d’onde du champ acoustique soient faibles devant les dimensions ces objets. Au niveau des logiciels de simulation d’acoustique des salles, la résolution de l’équation de Helmholtz asymptotique s’effectue en calculant les trajets possibles de l’onde sonore entre la source et le récepteur, et en prenant en compte pour chacun d’entre eux les différentes interactions acoustiques du rayon concerné avec l’environnement. À l’issue de ce calcul, effectué pour chaque trajet et selon qu’il ait été réalisé dans le domaine fréquentiel ou temporel, on obtient la fonction de réponse en fréquence ou la réponse impulsionnelle entre la source et le récepteur. Il existe plusieurs méthodes géométriques pour déterminer les différents trajets source-récepteur possibles et l’énergie associée. Chacune permet de prendre en compte différents phénomènes physiques avec plus ou moins de précision et de rapidité d’exécution [Vorländer 2008]. Le logiciel Icare utilise trois méthodes distinctes, mais complémentaires : celle par sources-images, celle du lancer de faisceaux dit adaptatif et celle du lancer de particules. Dans la suite de ce sous-chapitre, nous allons décrire successivement chacune de ces trois approches puis présenter un exemple de réponse impulsionnelle issue de leur combinaison et exploitable pour le calcul de l’équation des systèmes bouclés multivariables.
Présentation des différentes approches numériques de détermination des contributions acoustiques constitutives d’une fonction de réponse en fréquence ou d’une réponse impulsionnelle
La méthode des sources-images
La méthode des sources-images (figure 2.2) consiste à déterminer l’image d’une source ponctuelle par symétrie par rapport à chaque surface de la scène. Cette procédure est répétée pour chaque source-image ainsi créée en considérant alors la scène virtuelle obtenue à partir du symétrique de la scène initiale. On obtient alors les sources-images du deuxième ordre. Cette construction de sourcesimages à partir des sources-images d’ordre directement inférieur est répétée jusqu’à un ordre fixé. Lorsque les positions de toutes les sources-images ont été calculées, un test de visibilité des sourcesimages est effectué pour déterminer si le trajet acoustique entre chacune d’elles et le récepteur existe réellement [Vorländer 2008]. À chaque trajet source-image-récepteur valide est associé une valeur en pression ptr(f) dans le domaine fréquentiel à partir de la formule suivante : ptr(f) = Ds(tr, f ⃗ )Dr(tr, f ⃗ ) � ρcP(f) 4π � e −m(f)rtr 1 r 2 tr e j 2πf c rtrΠRp(f) (2.2) où P(f) est la puissance de la source, rtr est la longueur du trajet, m(f) est le coefficient d’absorption de l’air, et Ds(tr⃗ ) et Dr(tr⃗ ) sont respectivement le facteur de directivité de la source et du 2.2. Simulation numérique des transferts acoustiques 33 récepteur suivant le trajet considéré. La divergence géométrique du front d’onde est donnée par le terme 1/4πr2 tr de sorte à prendre en compte le caractère ponctuel de la source. Les réflexions sont ici traitées à partir du produit ΠRp(f) des coefficients de réflexion des parois associées au trajet. Ceux-ci peuvent être obtenus soit à partir de l’impédance spécifique de surface 2 Z en prenant en compte l’angle d’incidence sur les parois θ, mais cette impédance est en pratique souvent inconnue. Rp(f) = Z(f) cos θ − 1 Z(f) cos θ + 1 (2.3) soit à partir du coefficient d’absorption de champ diffus α(f), mais il s’agit alors d’une approximation importante leur faisant, entre autres, perdre leur caractère complexe : Rp(f) = � 1 − α(f) (2.4) S tr1 S tr2 Source Récepteur Figure 2.2 – Construction de deux sources-images du premier ordre Str1 et Str2. La méthode des sources-images présente l’avantage de déterminer de manière exhaustive et assez simple l’ensemble des trajets source-récepteur purement spéculaires. Cependant, elle ne peut déterminer que ce type de trajet, et le calcul de l’énergie des contributions associées est correct uniquement lorsque n’intervient ni réflexion sur une surface courbe ni diffraction. De plus, le calcul numérique des sources-images devient rapidement très couteux en temps lorsque l’ordre de ces contributions devient important.
Le lancer de faisceaux adaptatif
Le lancer de faisceaux consiste en la propagation dans la scène (ou salle) de faisceaux en trièdre ou pyramides à partir du point source. Lorsqu’un faisceau rencontre une surface, chacun des rayons le supportant (correspondant aux arêtes initiales du trièdre) y subit une réflexion spéculaire ponctuelle. Si le front d’un faisceau ne rencontre une surface que de manière partielle, il est subdivisé 2. Dans ce chapitre, les impédances de surface Z intervenant dans les équations sont des impédances réduites soit, Z = Z0/ρc avec Z0 l’impédance de surface « non réduite ». 34 Chapitre 2. Approche systémique de l’action d’un SAR à partir de simulations numériques en nouveaux faisceaux. Cette subdivision s’effectue jusqu’à la cohérence 3 de chaque nouveau faisceau ainsi formé ou jusqu’à une limite fixée par l’utilisateur. On parle alors de lancer de faisceaux adaptatif [Vermet 2010]. Le lancer de faisceaux tel que développé dans le logiciel Icare permet aussi de prendre en compte le phénomène de diffraction. Lorsqu’un faisceau rencontre une arête définie comme diffractante, une source linéique secondaire est disposée au niveau de l’intersection entre celle-ci et le faisceau. Cette source émet alors un nouvel ensemble de faisceaux suivant un diagramme de rayonnement dicté par la théorie géométrique de la diffraction [Noe 2010]. Les faisceaux diffractés sont aussi adaptatifs ; ils se propagent comme ceux issus de la source primaire 4 . Lorsqu’un faisceau secondaire rencontre un récepteur, le trajet associé issu de l’arrête de diffraction est alors relié au trajet du faisceau incident au à l’arête de diffraction et issu de la source pour n’obtenir au final qu’un seul trajet et ainsi ne plus avoir à considérer les sources secondaires. sans subdivision subdivision de subdivision de faisceau surface de réflexion plane Figure 2.3 – Principe du lancer de faisceaux adaptatif (tiré de [Noe 2010]). a) : subdivision initiale en faisceaux depuis la source. b) : subdivision en faisceaux de niveaux différents depuis la source. c) représentation du principe de subdivision d’un faisceau pour l’obtention de faisceaux cohérents. Comme dans le cas des sources-images, à chaque trajet est associée une valeur en pression dans l’espace fréquentiel. Celle-ci s’obtient à partir de l’expression suivante : ptr(f) = Ds(tr, f ⃗ )Dr(tr, f ⃗ ) � ρcP(f) 4π � e −m(f)rtr dω dStr e j 2πf c rtrΠRp(f)Dp(f) (2.5) Cette expression diffère de celle utilisée dans le cadre de la méthode des sources-images (équation (2.2)) par de l’incorporation des coefficients de diffraction Dp(f) (calculés dans Icare à partir 3. Un faisceau est dit cohérent si pour toutes les réflexions subies son ouverture n’a interceptée qu’une seule et même surface (voir figure 2.3 4. Contrairement aux rayons initialement issus de la source, les rayons modélisant la diffraction sont à base rectangulaire, car ils sont émis par une source linéique.
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de la théorie uniforme de la diffraction [Vermet 2010]) et par la prise en compte de la divergence géométrique du front d’onde. Dans la formule (2.5), cette dernière est calculée par le rapport de l’angle d’ouverture du faisceau au niveau de la source dω et de la surface du front d’onde au niveau du récepteur dStr. En revenant ainsi à la définition de la divergence géométrique, il est possible d’intégrer la divergence ou la convergence spatiale du front d’onde due à une réflexion sur une paroi incurvée. La méthode par lancer de faisceaux permet de prendre en compte un nombre plus important de phénomènes que celle par sources-images ; les phénomènes de diffraction et de réflexion sur des surfaces courbes peuvent être inclus. Cependant, le principe de subdivision du faisceau en sousfaisceaux de tailles prédéterminées (figure 2.3-b) peut entrainer l’omission de quelques contributions. De plus, cette méthode étant couteuse en temps de calcul, il convient de la réserver aux contributions d’ordre de réflexion faible.
Le lancer de particules
Le lancer de particules, ou lancer de rayons stochastiques [Vorländer 2008], revient à échantillonner spatialement et de manière stochastique le front d’onde issu de la source. Chaque échantillon, appelé particule, est propagé à l’intérieur de la scène suivant les principes de l’acoustique géométrique. Lorsqu’une particule est réfléchie, la nouvelle direction prise par celle-ci est soit régie par la loi de Snell-Descartes, s’il s’agit d’une réflexion spéculaire, soit obtenue par tirage aléatoire d’une direction selon la loi de Beer-Lambert, s’il s’agit d’une réflexion diffuse. La détermination du type de réflexion est aussi obtenue par tirage aléatoire, mais selon une loi équiprobable entre 0 et 1. Si le résultat de ce tirage est inférieur au coefficient de diffusion attribué à la surface mise en jeu, la réflexion est diffuse. S’il lui est supérieur, la réflexion est spéculaire. La collecte des particules se fait sur une sphère centrée au niveau du récepteur, car du fait de l’aspect ponctuel des particules, celui-ci ne peut lui aussi être ponctuel, comme illustré sur le schéma 2.4-a. Contrairement aux approches précédentes, le calcul des contributions dues aux particules se fait dans le domaine temporel uniquement à partir de valeurs d’énergie. Le résultat final brut est donc un échogramme (schéma 2.4-b). Une particule est initialement affectée d’une quantité d’énergie P Ds(r⃗p, f)/Np, où Np est le nombre total de particules lancées et Ds(r, f ⃗ ) la directivité de la source dans la direction r⃗p du lancer de la particule concernée. À chaque réflexion, l’énergie de la particule est multipliée par le coefficient de réflexion en énergie (1 − α(f)). Dans cette approche, la divergence géométrique associée au caractère sphérique de l’onde est directement prise en compte par l’échantillonnage fixe du front d’onde. En effet, le nombre de particules étant constant, mais pas la surface du front d’onde qu’elles échantillonnent, leur densité surfacique diminue. La pression donnée par le lancer de particule au pas de temps centré sur l’horaire ti s’obtient par : p(∆ti) = �����ρc e−m(f)cti Nti � k=1 P(f) Np Ds(r⃗pk , f) Dr( ⃗r ′ pk , f)Π(1 − α(f)) (2.6) où Nti est le nombre total de particules captées sur l’intervalle de temps considéré, Ds(r⃗pk , f) la directivité de la source dans la direction initiale r⃗pk prise par une particule k, et Dr( ⃗r ′ pk , f) la directivité du récepteur dans la direction ⃗r ′ pk prise par la même particule lors de sa collecte. Le lancer de particules présente deux avantages certains par rapport au lancer de faisceaux et à la méthode des sources-images : il peut prendre en compte assez simplement les réflexions diffuses et son temps de calcul relativement court ne dépend pas de l’ordre de réflexions à considérer. Il est aussi important de noter que cette méthode, lorsqu’elle est utilisée dans le cadre de la reconstruction 36 Chapitre 2. Approche systémique de l’action d’un SAR à partir de simulations numériques Source Récepteur Temps (s) Δt Pression (Pa) a) b) Particule Figure 2.4 – Illustration d’un lancer de particules a) et du principe de collecte des particules au niveau du récepteur b). de la partie tardive de la réponse impulsionnelle, n’est pas une approche statistique. Elle est une approche locale (au volume de la sphère réceptrice près), permettant ainsi de rendre compte de certains phénomènes acoustiques comme les échos francs, particulièrement nuisibles, ou une éventuelle disparité dans la répartition spatiale de l’énergie tardive dans la salle. Cependant, le principe de l’échantillonnage empêche d’être exhaustif au niveau des contributions acoustiques. Ce modèle n’est donc pas adapté à la simulation des réflexions précoces d’une réponse impulsionnelle de salle du fait que l’importance relative de celles-ci demande qu’elles soient prisent en compte de la manière la plus exhaustive qu’il puisse être (voir partie 1.1.1).
Combinaison des différentes approches numériques
Comme cela a été exposé aux paragraphes précédents, la méthode par sources-images et celle par lancer de faisceaux adaptatifs sont complémentaires pour calculer les composantes spéculaires précoces d’une réponse impulsionnelle. L’approche par sources-images est plus exhaustive concernant les contributions spéculaires sur les surfaces planes et l’approche par lancer de faisceaux adaptatifs permet de prendre en compte de l’effet la courbure des surfaces et les phénomènes de diffraction. Concernant les réflexions tardives, un calcul par l’une de ces deux méthodes devient très couteux en temps, car l’ordre des réflexions devient très élevé. Il vaut alors mieux utiliser l’algorithme de lancer de particules dont la simplicité permet un gain de temps par rapport aux deux autres méthodes. Même si le principe d’échantillonnage lié à cette approche implique l’omission de certaines contributions, les paramètres statistiques et certaines particularités spatio-temporelles de la partie tardive de la réponse impulsionnelle sont conservées, ce qui reste suffisant d’un point de vue physique et subjectif. De plus, cette approche permet de prendre en compte l’énergie issue de réflexions diffuses, aspect de plus en plus considéré en acoustique des salles [Ryu 2008]. Ainsi, afin d’optimiser le temps de calcul numérique d’un transfert acoustique sans perdre d’informations utiles, il convient de fixer un ordre limite des réflexions spéculaires en deçà duquel il est nécessaire d’utiliser la méthode
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par sources-images combinée à celle du lancer de faisceaux adaptatifs, et au-delà duquel l’utilisation du lancer de particules suffit si, bien sûr, un nombre suffisent de particules sont lancées 5 . Si nous souhaitons combiner différentes fonctions de réponse en fréquence pour calculer la réponse impulsionnelle correcte d’un système bouclé multivariable, il est nécessaire que les réponses impulsionnelles en pression correspondant à ces fonctions de réponse en fréquence comportent un signe arithmétique réaliste. En effet, l’expression de cette équation dans l’espace des temps, est une somme de produits de convolution de réponses impulsionnelles. Si les termes de cette somme sont tous de signe identique (ce qui se produit lors de la convolution de réponses impulsionnelles dont les composantes sont du même signe), leur combinaison par addition sera nécessairement constructive. Ce qui entrainera une réponse impulsionnelle hea(t) contenant trop d’énergie. Nous avons cependant peu d’informations sur le signe exact des différentes contributions d’une réponse impulsionnelle de salle. Nous savons simplement que celui de la contribution du champ direct est identique à celui de l’impulsion source et qu’il ne dépend pas de la distance source-récepteur. Concernant le champ réverbéré, les phénomènes de déphasage à l’origine du signe des contributions sont les conséquences de réflexions avec des parois réelles. L’impédance de surface de ces parois étant complexe, l’onde réfléchie subit un déphasage. Selon ce déphasage et la phase de l’onde incidente, l’onde de pression réfléchie peut être de signe arithmétique différent de celle du champ direct. Le calcul des contributions d’une réponse impulsionnelle obtenue à partir du lancer de particules ne peut pas faire intervenir une impédance, mais simplement un coefficient énergétique d’absorption. Il n’est donc pas possible d’obtenir d’information sur le signe de ces contributions. Cependant, si le lancer de particules est réservé au calcul d’un champ diffus 6 , la phase des ondes de pression peut être traitée de manière statistique en la considérant simplement aléatoire et équiprobable [Schroeder 1987]. Il a donc été choisi d’affecter un signe aléatoire à chaque valeur de pression obtenue par le lancer de particule. Pour obtenir un signe réaliste des contributions temporelles issues de la transformée de Fourier des résultats fournis par le lancer de faisceaux et la méthode des sources-images (ces deux méthodes étant fusionnées dans le logiciel Icare), nous avons utilisé la capacité de ces méthodes à travailler en réflexion à partir d’impédances complexes de surface. Le coefficient de réflexion utilisé dans les expressions (2.2) et (2.6) est alors celui donné par la formule (2.3). En procédant ainsi, la contribution directe est assurée d’être de signe identique à celui de l’impulsion source sans avoir à effectuer de post-traitement. Malheureusement, contrairement aux coefficients d’absorption en champ diffus, les impédances de surface des matériaux utilisés dans une salle de concert sont rarement connues. Cependant, en faisant l’hypothèse de matériaux à réaction localisée (hypothèse aussi faite par les approches asymptotiques), il est possible d’établir une relation entre les parties réelle RZ et imaginaire IZ d’une impédance de surface d’un matériau d’une part, et son coefficient d’absorption en champ diffus d’autre part. Cette relation s’obtient par l’intégration du coefficient d’absorption défini à partir du coefficient de réflexion (formules (2.4) et (2.3)), sur l’ensemble des directions d’incidence des ondes sonores sur une paroi [Morse 1940].
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