Modélisation par transport réactif des résines
échangeuses d’ions utilisées dans les réacteurs à eau sous pression
Équations chimiques
L’approche de séparation des opérateurs de transport et de chimie permet d’utiliser un module dédié, la librairie CHESS (VAN DER LEE, 2009) pour résoudre la chimie locale, correspondant à un objet particulier ou un nœud à l’intérieur d’un objet. Le modèle utilisé prend en compte les réactions chimiques en phase liquide et l’échange d’ions, pour un système non-idéal. D’autres fonctionnalités de CHESS comme la précipitation et les équilibres d’oxydoréduction sont actuellement désactivées dans un but de simplification lors d’un couplage au sein d’OPTIPUR. Les réactions sont considérées comme atteignant l’équilibre thermodynamique. La température, définie par l’utilisateur, est constante. Au cours d’une réaction chimique, plusieurs espèces réagissent pour former de nouvelles espèces chimiques : X Ns i=1 νi Si
X Ns j=1 νj S j , (2.13) où Ns est le nombre total d’espèces chimiques, νk le coefficient stœchiométrique de l’espèce Sk (k = i ou j). La loi d’action de masse indique que le produit des activités des différentes espèces intervenant dans la réaction est égal à l’équilibre à une constante : K = Y Ns j=1 (S j) νj Y Ns i=1 (Si) νi , (2.14) la notation (Sk ) représentant l’activité de l’espèce Sk (k = i ou j), K est la constante d’équilibre de la réaction 2.13. Dans une solution non idéale, l’activité d’une espèce est liée à sa concentration par le coefficient d’activité γk : (Sk ) = γk [Sk ] [Sk ] −ª− , (2.15) où [Sk ] −ª− est la concentration standard (1 mol· kg−1 ). De nombreuses expressions de la correction d’activité sont disponibles. Leur complexité augmente quand leur domaine de validité en force ionique s’étend vers les forces ioniques élevées. La force ionique est déterminée par Is = 1 2 X Ns k=1 z 2 k [Sk ], (2.16) où zk est la charge de l’espèce Sk . Par défaut, CHESS utilise la formule de Davies tronquée, qui est adaptée pour des ions monovalents pour Is < 0,3mol· kg−1 : ln(γk ) = −ADHz 2 k µ p Is 1+ p Is −bIs ¶ . (2.17) 14
TRANSPORT RÉACTIF DANS UNE COLONNE DE RÉSINE ÉCHANGEUSE D’IONS
Dans cette formule, la force ionique est exprimée en mol· kg−1 (APPELO et POSTMA, 2005). Pour une application aux circuits d’eau des centrales nucléaires, le domaine de validité en force ionique est largement suffisant. Pour décrire l’équilibre d’échange d’ions idéal, différents modèles et conventions peuvent être utilisés. Une échelle de concentration dans la résine doit être définie, plusieurs conventions étant possibles. Par exemple, le formalisme de Gaines-Thomas emploie la notion de fraction équivalente, (Sk )idéal = zk [Sk ] X j∈contre-ions z j[S j] , (2.18) où le dénominateur correspond à la capacité totale d’échange pour les cations ou les anions suivant le type de résine utilisé. Le formalisme de Vanselow se base sur la fraction molaire : (Sk )idéal = [Sk ] X j∈contre-ions [S j] . (2.19) Il est essentiel pour utiliser des coefficients de sélectivité issus de la littérature de savoir à quelle convention ils sont associés. Les écarts à l’idéalité définie par chaque échelle de concentration peuvent être décrits par un modèle de correction d’activité (GRESSIER, 2008). D’autres approches comme la théorie de la complexation de surface, qui a été proposée par HÖLL et collab. (1993), peuvent être utilisées grâce à CHESS (VAN DER LEE, 2009).
Formalisme de résolution
La méthode des composants principaux ou espèces de base La plupart des codes de transport réactif (BETHKE, 2007 ; STEEFEL et MACQUARRIE, 1996 ; YEH et TRIPATHI, 1989) utilisent l’approche de concentration totale proposée initialement par MOREL (1983). Soient Ns le nombre total d’espèces chimiques dans le système et Nr le nombre de réactions chimiques indépendantes, il est alors possible de définir un nombre Nb = Ns −Nr d’espèces de base (Si)i∈[1::Nb] . Ce jeu d’espèces de base peut être choisi de façon arbitraire, pour peu qu’elles soient chimiquement indépendantes. Un choix évident consiste à sélectionner des espèces en lien avec les éléments chimiques (Cs+ , B(OH)3.. .). Les autres espèces sont qualifiées de secondaires ou encore dérivées : ¡ S j ¢ j∈[1::Nr] . Le système de réactions chimiques exprimé par l’équation 2.13 peut être ré-organisé en Nr réactions chimiques n’ayant pour réactifs que des espèces de base et une unique espèce dérivée comme produit, éventuellement accompagnée d’espèces de base. Les nouvelles constantes de réaction sont facilement déterminées à partir de celles des réactions initiales (équations 2.13 et 2.14), ce qui donne : ∀j ∈ [1 :: Nr], S j
X Nb i=1 νi,j Si (2.20) Kj = (S j) QNb i=1(Si) νi,j . (2.21) Le problème chimique peut alors être reformulé à l’aide de deux jeux d’équations : d’une part la conservation de la masse pour chaque espèce de base (Nb équations), et d’autre part le calcul de la concentration de toutes les espèces dérivées à l’aide de la loi d’action de masse 2.21 (Nr équations) : ∀i ∈ [1 :: Nb], Ci = [Si]+ X Nr j=1 νi,j[S j] (2.22) ∀j ∈ [1 :: Nr], [S j] = Kj γj Y Nc i=1 (γi[Si])νi,j , (2.23) 15 CHAPITRE 2. TRANSPORT RÉACTIF DANS UNE COLONNE DE RÉSINE ÉCHANGEUSE D’IONS En substituant l’équation 2.23 dans l’équation 2.22, nous obtenons un système non linéaire de Nb équations avec Nb inconnues : les concentrations des Nb espèces de base. Les concentrations des Nr espèces dérivées peuvent être calculée grâce à l’équation 2.23. CHESS résout ce système non linéaire à l’aide d’une variante de la méthode itérative de Newton (connue également sous le nom de Newton-Raphson). Les concentrations totales correspondant à chaque équation de conservation de la masse (équation 2.22) sont en général positives, mais elles peuvent aussi être autorisées à changer de signe, suivant le choix des espèces de base. Il suffit en effet qu’un des coefficients stœchiométriques soit négatif pour que le caractère positif de Ci ne s’impose plus. Dans CHESS, l’eau, qui est pratiquement toujours le composant majeur des solutions, est choisie comme espèce de base, ce qui implique la possibilité de concentrations totales négatives pour l’espèce de base H+ . Du fait de la séparation des opérateurs de chimie et de transport, chaque sous-système chimique est indépendant des autres. Les espèces chimiques y sont couplées entre elles, mais la relation avec les espèces des systèmes voisins est gérée par le module de transport.
Transport
Dans OPTIPUR, plusieurs types d’objets sont gérés : des colonnes de résine bien sûr, mais également des réservoirs, des tuyaux et des vannes. Le transport pour chaque objet est résolu de façon séquentielle, à l’aide d’une méthode adaptée à chaque type d’objet. Nous allons ici nous intéresser uniquement au cas des colonnes de résines échangeuses d’ions.
Transport dans les colonnes
Ces colonnes constituent en effet l’objet le plus complexe du point de vue du transport. Nous considérons que le débit traversant le lit de résines est homogène sur toute la section, grâce à l’emploi de répartiteurs de débit dans les déminéraliseurs. Dans une certaine mesure, la distribution réelle du débit peut être prise en compte par la dispersion axiale. Nous faisons également l’hypothèse simplificatrice d’un volume de résine constant et que les caractéristiques de la résine comme sa capacité, sa surface spécifique ou sa porosité ne se dégradent pas dans le temps et restent constantes. Le transport peut ainsi se résumer à un problème à une dimension (1D) d’advection/dispersion au travers d’un média poreux avec une vitesse de Darcy U. Nous allons repérer la colonne suivant son axe par la coordonnée h, telle que h = 0 à l’entrée du lit de résines et h = Hlit à la sortie. Les billes de résine sont traitées comme des sphères de diamètre dp où sont situés les sites d’échange. Nous avons vu plus haut que le système pouvait être décrit par différentes zones : l’eau interstitielle et l’interface avec les billes de résines. Ces concentrations peuvent différer lorsqu’il y a restriction au transfert de masse vers la résine. La porosité principale de la colonne, notée ω est classiquement le rapport du volume d’eau interstitielle et du volume interne de la colonne sur la hauteur occupée par la résine. Nous considérons que les billes de résines sont homogènes en composition et à l’équilibre avec la solution présente à leur surface. Cette hypothèse est cohérente avec une limitation du transfert de masse à travers un film entourant les billes de résine et a pour conséquence de réduire la pénétration des espèces chimiques dans la résine à un problème strictement chimique. Ainsi, si seules des réactions d’échange de contre-ions sont définies par la chimie pour une résine, l’exclusion des co-ions de la phase résine est assurée et n’a pas besoin d’être traitée explicitement par le module de transport.
Advection/dispersion dans la colonne sans restriction au transfert de masse
La conservation de la masse dans la colonne pour un transport advectif/dispersif d’une espèce mobile Sk sans limitation au transfert de masse s’écrit : ∂ω[Sk ] ∂t = −Ugrad([Sk ])+grad(Dddk div([Sk ]))+RSk , (2.24) 16 CHAPITRE 2. TRANSPORT RÉACTIF DANS UNE COLONNE DE RÉSINE ÉCHANGEUSE D’IONS où RSk est un terme source/puits représentant la contribution de la chimie. Dddk est le coefficient de diffusion/dispersion axiale pour l’espèce Sk , avec Dddk = Dk +αdU, Dk étant le coefficient de diffusion, qui est généralement négligeable devant la dispersion, l’eau circulant à une vitesse relativement élevée dans les déminéraliseurs. Le coefficient de dispersivité αd permet de prendre en compte le mélange induit par la circulation au travers d’un milieux poreux. Il est généralement de l’ordre de grandeur du diamètre des billes constituant le lit, mais pourrait prendre des valeurs plus élevées en cas d’écoulements avec chemins préférentiels. Pour une espèce fixée, cette équation se réduit à : ∂ω[Sk ] ∂t = RSk , (2.25) ce qui signifie que seule la chimie détermine le passage d’un ion de l’état mobile à l’état fixé par la résine. Si nous employons la méthode des espèces de base, cela permet de simplifier les équations de transport. Nous pouvons en effet combiner les équations de sorte que seules Nb équations doivent être résolues (pour les espèces de base) ; le terme source/puits chimique est également éliminé si nous pouvons distinguer la fraction mobile et la fraction fixée de la concentration totale d’une espèce de base.
Avant-propos |