Modélisation numérique du comportement hydromécanique des milieux poreux fracturés

La révolution industrielle a entraîné le développement économique et la prospérité pour nos sociétés, mais elle a généré également des menaces pour notre vie telles que la pollution de l’air, de l’eau et le réchauffement climatique. Cette dernière est principalement due à l’émission du CO2 par les activités humaines. La réduction de ces effets est l’objectif principal des projets de captage, transport et stockage de CO2. Parmi des solutions envisagées pour le stockage de CO2 on peut mentionner le stockage dans des réservoirs de pétrole et de gaz abandonnés ou épuisés et dans les aquifères salins. Ces formations peuvent être traversées par des failles et par conséquent l’examen de la sûreté des sites de stockage de CO2 nécessite l’étude du risque de réactivation et de propagation de ces failles. Une telle étude requiert de la connaissance des conditions de propagation des fractures sous sollicitations hydromécaniques. Outre son intérêt grandissant pour le stockage géologique, la propagation des fractures est également étudiée pour ses applications dans l’industrie pétrolière et la géothermie. La modélisation de la propagation hydromécanique d’une fracture présente encore des difficultés théoriques et numériques car de nombreux phénomènes sont impliqués dans ce processus: diffusion du fluide dans la fracture et dans la matrice, échanges de masse entre la fracture et la matrice, plasticité et endommagement à l’extrémité de la fracture en raison de concentration des contraintes élevées dans cette zone et, enfin, propagation de la fracture elle-même.

Cette thèse s’inscrit dans le cadre du projet ANR-SEED FISIC (http://www.anr fisic.fr), un projet de recherche national français financé dans le programme « Systèmes Energétiques Efficaces et Décarbonatés (SEED) » par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). L’objectif principal de ce projet est de fournir des modèles théoriques et numériques appropriées pour une meilleure compréhension du comportement hydro-chimio-mécanique des zones de faille et de la sismicité induite dans le contexte de stockage géologique de CO2. Le projet FISIC comprend quatre tâches principales qui sont (i) T1 : développer une approche géostatistique fournissant un modèle statistique pour la zone de faille, (ii) T2 : concevoir et réaliser des expériences spécifiques de laboratoire innovant pour évaluer les effets chimiques sur le comportement des matériaux de faille lors du stockage de CO2, (iii) T3 : développer des modèles de comportement décrivant la propagation hydromécanique de la zone de faille, (iv) T4 : développer des modèles numériques tenant compte de la nature hétérogène de la zone de faille sur son comportement. Les travaux réalisés dans le cadre de cette thèse se focalisent sur la tâche T3 de ce projet.

Le terme « discontinuités » désigne toute interruption ou bien dégradation des propriétés mécanique ou physique sur des zones de très faible épaisseur dans un massif rocheux. Cette section a pour objectif de récapituler brièvement des modèles de comportement des discontinuités vis-à-vis de deux types de chargement : normale et tangentiel.

Les discontinuités peuvent être vides, comme les fractures (i.e. discontinuités ouvertes), ou remplies par un matériau dit de remplissage ou de colmatage comme pour les joints rocheux (i.e. discontinuités colmatées). Ci-dessous, ces deux types de discontinuités sont présentés.
Discontinuités colmatées
Pour les discontinuités colmatées, Shehata (1972) a proposé une relation semilogarithmique pour ajuster des résultats expérimentaux sous chargement normal. Ce modèle est en bon accord pour de faibles et de fortes contraintes mais non pas dans la zone des contraintes moyennes (cité par Chalhoub, 2006). D’après Goodman (1976) et Bandis et al. (1983), les résultats expérimentaux montrent que le comportement des discontinuités sous un chargement normal et répétitif est fortement non-linéaire avec une forme hyperbolique .

Les couplages hydromécaniques sont en général des interactions physiques entre les processus hydraulique et mécanique dans des géomatériaux. Ces interactions physiques, d’après Rutqvist et Stephansson (2003), peuvent être divisées en deux types : directes et indirectes .

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Basées sur des observations et résultats expérimentaux, Terzaghi (1923, 1936) a proposé le premier modèle couplé hydromécanique pour le problème de consolidation. Ce modèle a été puis étendu par Biot (1941), pour les milieux poreux élastiques linéaires isotropes, afin de formuler une théorie générale de consolidation tridimensionnelle. Ceux deux concepts sont développés plus tard par plusieurs auteurs pour différents matériaux et comportements (nonlinéaire, viscoplasticité, etc.). Pourtant, les travaux pionniers de Terzaghi et Biot ont formé le cadre basique pour l’analyse couplée hydromécanique dans divers problèmes. Pour le problème de couplage hydromécanique, deux questions clefs à étudier sont le concept de la contrainte effective et le modèle d’échange de la masse de fluide entre la matrice et la fracture. Dans la suite, après un bref rappel des équations constitutives de la théorie poroélastique, les deux questions mentionnées ci-dessus sont présentées.

Dans un milieu poreux avec la présence d’un fluide, la coexistence des phases fluide et solide rend complexe le comportement du matériau en raison des différences entre ces deux phases : (i) différence de la compressibilité, (ii) absence de rigidité en cisaillement de la phase fluide et son écoulement dans les pores, (iii) la résistance en cisaillement est contribué seulement par le squelette solide, (iv) la rigidité et la résistance du squelette dépendent cependant des forces appliquées (Santamarina et al., 2001). D’ailleurs, la présence d’un fluide peut affecter et/ou modifier le comportement du milieu à travers des interactions physiques et chimiques (en fonction de ses impuretés et composantes). La modification du comportement d’un milieu poreux vis-à-vis de la présence du fluide a été constatée et étudié par plusieurs auteurs depuis plus d’un siècle, celle qui fait apparaître le concept de la contrainte effective. La notion de contrainte effective est couramment utilisée en mécanique des sols et des roches sous la forme de la contrainte effective de Terzaghi (dans le cas de constituants solides incompressibles) ou de Biot (dans le cas de constituants solides compressibles). Cette contrainte effective contrôle les variations de volume total d’un matériau poreux. Pour autres propriétés physiques des matériaux poreux, cette notion de contrainte effective peut être généralisée.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1. COMPORTEMENT DES FRACTURES (DISCONTINUITES)
1.1 Modèles de comportement mécanique des discontinuités
1.1.1 Modèles de comportement sous chargement normal
1.1.2 Modèles de comportement sous chargement de cisaillement
1.2 Ecoulement de fluide dans les milieux poreux fracturés
1.2.1 Equations générales
1.2.2 Solutions théoriques
1.3 Couplages hydromécaniques
1.3.1 Contrainte effective et équations constitutives de la poroélasticité
1.3.2 Modèles d’échange de la masse de fluide entre la fracture et la matrice
1.4 Fracturation hydraulique et problèmes liées
1.4.1 Méthodes numériques pour la fracturation hydraulique
1.4.2 Paramètres influençant la fracturation hydraulique
1.5 Conclusions
CHAPITRE 2. MODELES DE PROPAGATION DES FRACTURES
2.1 Introduction
2.2 Mécanique de la rupture
2.2.1 Généralités
2.2.2 Champs de contraintes et déplacements autour d’une fracture
2.2.3 Taux de restitution d’énergie & méthodes de détermination
2.2.4 Facteurs d’intensité de contraintes et méthodes de détermination
2.2.5 Intégrale de Rice (J-integral) & méthodes de détermination
2.2.6 Critères de propagation des fractures
2.2.7 Analyse élastoplastique – Modèle de Dugdale-Barenblatt
2.3 Modèle de Fracture Cohésive (MFC)
2.3.1 Généralités
2.3.2 Modèle de Fracture Cohésive pour la fracturation hydraulique
2.4 Conclusions
CHAPITRE 3. COMPORTEMENT POROMECANIQUE D’UN MILIEU POREUX FRACTURE
3.1 Introduction
3.2 Comportement mécanique
3.2.1 Modèles aux éléments finis
3.2.2 Charges appliquées et conditions aux limites
3.2.3 Résultats numériques
3.3 Modélisation du comportement hydromécanique d’un milieu poreux fracturé
3.3.1 Modèle constitutif poromécanique
3.3.2 Equations constitutives hydrauliques du problème
3.3.3 Problème d’injection de fluide dans une fracture
3.3.4 Simulations numériques
3.3.5 Solutions semi-analytiques pour le calcul des facteurs d’intensité
de contraintes en régime stationnaire
3.4 Conclusion
CONCLUSION GENERALE

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