Modélisation multi-échelles du comportement mécanique des alliages TiAI pour la prévision de leur tenue en fatigue
Les alliages TiAl : microstructures & propriétés mécaniques
Diagramme de phase
Les alliages TiAl, ou aluminiures de titane, sont des composés intermétalliques constitués principalement de titane et d’aluminium. Le diagramme de phase binaire titane-aluminium couramment utilisé est celui établi par [McCullough et al., 1989], présenté en Figure 1.1. Ce diagramme sert aussi pour les alliages avec une faible proportion d’éléments d’addition bien que ceux-ci déplacent les fronti`eres des domaines. Il comporte deux paliers péritectiques L + β → α et L+α → γ. En général, la teneur en aluminium se situe entre entre 45 % et 48 % pour obtenir de bonnes propriétés mécaniques à chaud. Les alliages TiAl sont classés en trois générations [Thomas, 2011]. Les deux premi`eres générations passent par le chemin de solidification liquide → α → α2 +γ, ce qui entraˆıne une texture prononcée [Kim and Dimiduk, 1991]. Les alliages de premi`ere génération contiennent peu voire pas d’éléments d’addition. C’est au cours du développement de la deuxi`eme que divers éléments ont été introduits pour améliorer les propriétés du matériau. C’est à cette deuxi`eme génération qu’appartient l’alliage GE (souvent dénommé 48-2-2 du fait de sa composition Ti-(47-48)Al2Cr-2Nb), développé par General Electric et aujourd’hui utilisé pour la fabrication d’aubes de turbine basse pression dans les moteurs LEAP et GEnx [Huang, 1989, Bewlay et al., 2016]. La famille d’alliages XD développée par Rolls-Royce appartient aussi à cette génération [Larsen Jr, 1995]. Figure 1.1 – Diagramme de phase binaire titane-aluminium (tiré de [Héripré, 2006]). Lors du développement de la troisi`eme génération, les objectifs étaient d’obtenir une solidification plus isotrope, de faciliter la mise en forme du matériau et d’améliorer les propriétés à haute température [Appel et al., 2011]. A cet effet, des éléments lourds dits ` β-g`enes ont été introduits afin d’étendre le domaine β pour modifier le chemin de solidification. C’est à cette génération d’alliages qu’appartiennent par exemple l’alliage G4 développé à l’Onera [Naka et al., 1998, Grange et al., 2004, Thomas and Naka, 2004], les alliages TNM et TNB [Smarsly et al., 2018,Clemens and Smarsly, 2011], ainsi que l’alliage IRIS [Couret et al., 2017]. L’évolution de la limite d’élasticité en fonction de la température pour plusieurs alliages est présentée en Figure 1.2. On remarque des différences en termes de stratégie de design d’alliage. Figure 1.2 – Evolution de la limite d’élasticité en fonction de la température pour différentes ´ générations d’alliage TiAl (reproduit de [Couret et al., 2017]). Les alliages TNB et TNM présentent une limite d’élasticité tr`es élevée jusqu’à 700 ◦C, suivi d’une diminution importante au-delà. Dans un autre registre, l’alliage IRIS présente une résistance certes plus faible, mais quasi-constante jusqu’à 700 ◦C, et qui diminue peu ensuite. Enfin, on note une nette augmentation de la limite d’élasticité des nouvelles générations d’alliages par rapport à l’alliage de référence GE 48-2-2.
Phases cristallographiques et structure lamellaire
Dans la plupart des alliages et microstructures, trois structures cristallographiques sont principalement observées (présentées en Figure 1.3) : — la phase γ-TiAl de structure quadratique L10 de rapport c/a ≈ 1, 02. Du fait de ce faible ratio, elle est traitée la plupart du temps comme une structure cubique à faces centrées. Les directions et les plans de glissement sont alors notés , reconnaissable au fait qu’il entraˆıne une rotation du réseau cristallin (fl`eche rouge en Figure 1.7a). Il est considéré comme un mécanisme unidirectionnel : inverser le sens de chargement ne crée pas une nouvelle dislocation de macle dans le sens inverse. Dans un grain sous une sollicitation donnée, lorsqu’un vecteur de Burgers de dislocation de Shockley est actif pour un syst`eme de maclage, le vecteur de sens opposé ne l’est pas en raison d’une incompatibilité avec la séquence d’empilement des plans denses. Un schéma issu de [Bourne, 2017] est proposé en Figure 1.7b afin de comprendre la différence entre une déformation causée par des dislocations et par maclage. Des observations en Microscopie Electronique à Transmission des différents modes de déformation sont aussi proposées en Figure 1.8. La déformation de la phase γ est difficile, comme souvent dans les composés intermétalliques. Les superdislocations sont recensées comme un mécanisme de déformation car elles ont été observées en abondance lors d’études réalisées sur des monocristaux riches en aluminium (Ti-56 20 (a) Schéma des mécanismes de déformation de la phase γ issu de [Bieler et al., 2009]. (b) Schéma issu de [Bourne, 2017] présentant la différence entre une déformation par dislocation (gauche) et par maclage (droite). Figure 1.7 – Déformation de la phase γ-TiAl. ”tw”, ”sd” et ”od” désignent respectivement le maclage, les superdislocations et les dislocations ordinaires. (a) Observation d’une macle traversant un grain γ issue de [Monchoux et al., 2017]. (b) Observation de dislocations ordinaires dans un grain γ issue de [Monchoux et al., 2017]. (c) Observation de superdislocations dans un monocristal γ issue de [Inui et al., 1997]. Figure 1.8 – Images en Microscopie Electronique à Transmission (MET) des différents mécanismes de déformation de la phase γ-TiAl. at.% Al) [Inui et al., 1997,Jiao et al., 1998]. Dans ces études, le maclage ne contribue quasiment pas à la déformation. Or, dans les travaux portant sur les alliages d’intérˆet qui ont une teneur en aluminium (Ti-(42-48) at.% Al), les superdislocations ne sont quasiment pas observées, alors que des macles sont observées en abondance [Appel and Wagner, 1998,Monchoux et al., 2017]. Ainsi, il est admis dans la littérature que les superdislocations ne doivent quasiment pas ˆetre considérées pour discuter de la déformation des alliages TiAl [Appel et al., 2016]. La problématique est alors la suivante : en considérant uniquement le maclage (mécanisme unidirectionnel) et les dislocations ordinaires, le crit`ere de compatibilité de von Mises n’est pas respecté car il n’y a pas cinq syst`emes de glissement indépendants [Mises, 1928,Groves and Kelly, 1963,Goo, 1998]. Cela explique en partie la faible ductilité observée sur ces matériaux sur une large gamme de température. Néanmoins, à partir d’une certaine température qui varie selon l’alliage étudié mais est souvent située autour de 700 ◦C, la déformation est grandement facilitée par l’activation du 21 glissement dévié et de la montée des dislocations ordinaires [Appel et al., 2011]. La déformation par dislocation ordinaire et maclage est alors abondante. Phase α2 La phase α2-Ti3Al se déforme tr`es peu et est considérée comme encore moins déformable que la phase γ-TiAl. La déformation a lieu principalement sur les plans prismatiques {1010} (indiqués en rouge sur la Figure 1.9), dans une moindre mesure sur les plans basaux (0001) (indiqués en vert Figure 1.9) et encore moins sur les plans pyramidaux (indiqués en gris Figure 1.9). En théorie cinq syst`emes de glissement ont été identifiés, mais seuls trois d’entre eux sont réellement actifs [Appel et al., 2011,Inui et al., 1993] : — sur les plans prismatiques {1010} avec −→b = 1 3<1120> ; — sur les plans de base (0001) avec −→b = 1 3<1120> ; — sur les plans pyramidaux de deuxi`eme esp`ece {1120} avec c + a 2= 1 3<1216> A haute température, le glissement sur le plan prismatique reste le plus favorable. Une ` évolution anormale du glissement sur les plans pyramidaux est observée, car celui-ci devient plus difficile lorsque la température augmente [Minonishi, 1995].
Introduction |