Modelisation – Identification d’une
loi de comportement
Introduction
Le bout du doigt est une structure, au sens mécanique, composée de différents matériaux non linéaires, hétérogènes, anisotropes. Nous avons pu voir dans la littérature numérique que les propriétés matériaux utilisées pour le domaine des tissus mous composant le bout du doigt sont relativement variées. On observe des modélisations de ces propriétés élastiques par des approches linéaires [87], et des approches non-linéaires par potentiels hyperélastiques de divers degrés [112, 117]. Concernant les propriétés de compressibilité, les auteurs proposent également différentes approches avec ν ∈ [0.40, 0.50[ [113, 87]. On constate ainsi, qu’il n’y a pour l’instant pas de consensus concernant ces propriétés matériaux, de fa¸con générale, mais également de fa¸con plus spécifique concernant notre contexte d’applications. A notre connaissance, aucune de ces études de modélisation ou de caractérisation n’a été menée dans le cadre spécifique des sollicitations mécaniques liées à la manipulation fine. Or, il ne serait pas cohérent d’adopter des solutions développées dans le cadre d’études visant différentes applications, par exemple l’étude des mécanorécepteurs qui vise à simuler des déplacements inférieurs à 1mm, la structure n’étant, dans cet exemple, que peu sollicitée dans le domaine des grandes déformations. D’autre part, certains auteurs proposent un potentiel hyperélastique comportant 5 termes élastiques dont des termes couplés [117], un tel degré de complexité dans la formulation de la loi matériaux n’est pas assurément nécessaire, ces nombreux termes peuvent difficilement être identifiés à partir de données expérimentales. Enfin, comme nous avons pu le voir dans le chapitre précédent, la manipulation va amener différentes configurations de sollicitations mécaniques, or les études existantes ne font pas intervenir ces différentes configurations de sollicitations mécaniques. Au cours de ce premier chapitre, nous utiliserons un modèle géométrique réaliste, basé sur la géométrie de Visible Human [3], et mis à l’échelle des sujets des expériences de la littérature utilisées. Nous chercherons à identifier une loi de comportement nécessaire et suffisante dans le cadre des sollicitations mécaniques que nous nous sommes fixées, permettant de générer un comportement mécanique réaliste, en terme de réaction normale générée. La finalité de ce chapitre sera tout d’abord l’expression de la loi de comportement identifiée, ainsi qu’une proposition de paramètres permettant une réponse biofidèle du modèle
Méthode
Au cours de ce chapitre nous allons déterminer une forme de loi de comportement ainsi que les constantes associées en mettant en œuvre une méthode d’identification puis de validation basées sur deux jeux de données expérimentaux mettant en œuvre deux configurations de sollicitations différentes. Nous réaliserons des simulations éléments finis en grandes déformations avec le code de calcul éléments finis Code aster.
Experimental data-set
Comme nous avons pu le voir dans le chapitre précédent, il y a plusieurs expériences de sollicitations mécaniques dans la littérature. Nous nous concentrons dans un premier temps uniquement sur les sollicitations de compression simple, mettant en œuvre des sollicitations de faibles vitesses sur des phalanges distales, et dont les auteurs fournissent suffisamment d’informations dans leurs publications. Nous utilisons donc dans ce chapitre deux jeux de données expérimentaux de compression plan ayant des configurations différentes, issus de la littérature, pour déterminer et valider les propriétés matériaux. Le premier, issu de l’étude de Wu et al 2003 [114] réalisé sur l’index de quatre sujets (deux hommes et deux femmes) ayant un âge moyen de 24 ans, est défini par un angle de contact de 20˚ (figure 1.12 chapitre bibliographique). Le dispositif proposé par l’auteur bloque la face dorsale du doigt et la sollicitation mécanique est appliquée par l’expérimentateur sur la pulpe. Cette série de compressions plan est pilotée en déplacement imposé, avec une variation de la vitesse de sollicitations de 0.1 à 4mm.s−1. Dans le cadre de cette étude nous utilisons uniquement le jeu de données issu de la plus faible vitesse de déplacement. Le second jeu de données expérimentales que nous utilisons provient de Serina et al 1997 [85]. Cette campagne expérimentale consiste quant à elle en une sollicitation de type compression plan réalisée de fa¸con fréquentielle. Cette expérience est réalisée sur l’index de 20 sujets (12 hommes et 8 femmes) ayant un âge moyen de 35 ans. L’angle de contact est ici de 0˚ (plus ou moins 4˚). Les fréquences testées sont comprises entre 0.25 et 3Hz nous permettent de considérer une période de 4 secondes (pour la fréquence la plus faible de 0.25Hz) suffisante pour ne pas avoir d’historique de chargement au niveau de la composante de viscosité de la structure. Dans cette expérience c’est le sujet qui va induire le mouvement de contact, la vitesse n’est pas mesurée par l’auteur, mais cette campagne expérimentale est généralement caractérisée de quasi statique dans la littérature [53]. Ainsi, nous utilisons ces deux jeux de données expérimentaux en les considérant comme des chargements statiques pour déterminer et valider la loi matériaux ainsi que les paramètres associés de notre modèle. 2.2.2 Modèle Dans ce chapitre nous étudierons uniquement les aspects de propriétés des matériaux du modèle. A partir des données d’imagerie issues du projet Visible Human [3], nous segmentons manuellement l’index afin de reconstruire un modèle réaliste. On peut observer en Figure 2.1 le maillage issu du projet Visible Human, avec en partie centrale (rouge) la phalange osseuse, sur le dessus (vert) l’ongle, et le domaine de tissus mous homogénéisés (bleu ciel). Afin de réduire les variables globales du modèle, nous modélisons un seul domaine représentant les tissus adipeux et la peau avec un seul matériau. Cette approche simplificatrice de la représentation des tissus mous est utilisée dans la littérature [87, 111]. En effet, pour le type de sollicitations modélisées dans ce chapitre (compression plan), les différents domaines de tissus mous (épiderme, derme tissus adipeux) comprimés sont des éléments en série. Nous faisons donc ici l’hypothèse que ces différents domaines peuvent être modélisés par un seul domaine équivalent en terme de raideur en compression. Cette hypothèse a été confirmée dans le cadre du stage de N. Petitjean (Annexe H). Le modèle est maillé à l’aide d’éléments tétraédriques linéaires. Nous réalisons une étude de convergence en fonction de la taille des éléments. Cette étape nous permet de déterminer une grandeur caractéristique des éléments S ≈ 1mm, et ainsi de limiter les temps de simulations pour la suite de cette étude. Cette dimension caractéristique est déterminée uniquement pour le cas étudié présentement de compression plane. Les auteurs des deux jeux de données expérimentaux que nous utilisons ne fournissent pas la géométrie des doigts des sujets ayant participé à leur campagne expérimentale, ils donnent seulement des dimensions générales concernant ces géométries. Afin d’adapter l’index de Visible Human, nous appliquons une mise à l’échelle du modèle reconstruit dans la direction de la largeur afin d’approcher les doigts moyens des sujets des deux data-set expérimentaux que nous utilisons. Nous faisons ici l’hypothèse qu’une homothétie nous permet de recaler grossièrement la géométrie de Visible Human afin de correspondre aux deux ”sujets moyens” des deux campagnes expérimentales. Ainsi, nous réalisons deux modèles à partir de la géométrie de Visible Human en appliquant à chacun une homothétie spécifique.
Propriétés matériaux
Il existe de nombreuses approches variées dans la littérature pour modéliser les propriétés des matériaux. Nous utilisons ici une approche hyperélastique qui est plus pertinente qu’une approche par élasticité linéaire pour modéliser les non-linéarités des tissus biologiques en grandes déformations. Cette approche est largement utilisée dans le domaine de la biomécanique pour modéliser la peau [100, 34, 33], les muscles ou les structures biologiques telles que les tissus mous des pieds ou ceux des doigts [15, 14]. Notre approche consiste ici à déterminer la forme de loi de comportement nécessaire et suffisante par rapport à nos objectifs et nos grandeurs physiques d’intérêt. Nous avons pu voir précédemment qu’il existe différentes formulations générales des potentiels hyperélastiques. Nous utiliserons dans cette étude la formulation en loi de puissance proposée par Rivlin en formulation compressible (équation A.12) ; cette formulation étant plus simple à mettre en œuvre qu’un potentiel formulé en fonction des élongations principales et qui comporte plus de constantes à identifier.
Simulations numériques
Nous modélisons un contact entre le bout du doigt et un plan, avec le code éléments finis implicite Code Aster. Le contact est défini par α l’angle de contact. Cet angle α étant défini comme l’angle entre le plan de contact et la face dorsale de la phalange distale. Cette définition étant celle utilisée par Wu et al 2003, et Serina et al 1997 [85]. Le contact est résolu par une méthode de pénalité, le coefficient est déterminé afin de ne pas obtenir d’interpénétration. Afin de simplifier notre étude nous négligeons la friction de l’interface de contact. La simulation est résolue en grandes déformations. Elle est pilotée en déplacement au niveau du plan de contact, ce déplacement est imposé le long de l’axe vertical z (Figure 2.1). Au niveau du doigt, nous bloquons tous les degrés de libertés de l’interface entre le tissu mou homog`ene et la phalange distale, afin de satisfaire notre hypoth`ese de phalange rigide. Au niveau de l’extrémité du doigt nous imposons un déplacement nul dans le sens de la normale à la surface de coupe (Figure 2.1), afin de représenter la continuité du doigt et des tissus mous de la phalange intermédiaire. Nous simulons dans un premier temps un contact régi par un angle de 20˚. Par méthode inverse manuelle par rapport aux résultats expérimentaux issus de Wu et al 2003 [114], nous obtenons les param`etres de la loi matériau. Le crit`ere de ces identifications est l’évolution de la réaction normale en fonction du déplacement. Enfin, en conservant les résultats issus de l’identification nous réalisons une prédiction de la réaction normale à un plan de contact à α = 0˚, afin de retrouver les résultats expérimentaux issus de Serina et al 1997 [85]. Cette seconde étape nous permet de valider nos résultats d’identification