Modélisation hydrologique semi-distribuée

Modélisation hydrologique semi-distribuée

 Afin d’étudier l’impact de la spatialisation des précipitations sur la simulation des débits, nous souhaitons utiliser une modélisation (semi-)distribuée. En effet, comme nous l’avons discuté dans le premier chapitre, l’une des caractéristiques des modèles distribués est leur aptitude à prendre en compte explicitement la variabilité spatiale des précipitations (Beven 1985; Obled et al. 1994), qui ne peut être représentée qu’implicitement avec une modélisation globale (Bourqui 2008). Les premières notions d’un modèle distribué ont été formulées par Freeze et Harlan (1969) en se basant sur la physique des processus hydrologiques. Depuis, une multitude de modèles distribués ont été développés, à partir d’approches à base physique ou conceptuelles, avec des structures très différentes et souvent très complexes qui nécessitent différents types de données (Kampf and Burges 2007). Malheureusement, en pratique (lorsque ces modèles distribués doivent être appliqués sur des bassins sur lesquels ils n’ont pas été développés), les données nécessaires ne sont pas toujours disponibles, ce qui entraîne des difficultés pour l’utilisation du modèle distribué et peut significativement affecter la précision des simulations. De plus, lorsque la connaissance des processus hydrologiques qui agissent sur chaque bassin est insuffisante, le choix du modèle à employer pour les représenter peut s’avérer encore plus difficile (Refsgaard 2000). Dans le cadre de cette thèse, notre approche fondée sur un grand échantillon de bassins versants très variés nous conduit à adopter une structure conceptuelle prenant en compte explicitement l’espace, à partir d’un modèle connu dont nous comprenons bien le fonctionnement et les limites : le modèle pluie-débit global GR5. Il s’agit de construire une version semi-distribuée à partir de la structure globale de ce dernier. Or, la distribution du modèle global n’est pas triviale puisque plusieurs choix sont possibles pour distribuer les processus hydrologiques représentés dans le modèle pluie-débit GR5. Dans ce chapitre, nous testons différentes versions semi-distribuées du modèle global GR5. Nous passons brièvement en revue les modèles semi-distribués de la littérature développés à partir d’une structure globale avant de détailler les stratégies de spatialisation du modèle GR5. Le modèle semi-distribué est ensuite évalué en comparant les débits simulés par rapport aux débits observés à l’exutoire et sur des points intérieurs des bassins, pour différents degrés de spatialisation et différents forçages des précipitations. A l’aide de ces tests, nous analysons séparément les erreurs induites par la structure semi-distribuée du modèle et les améliorations apportées par la spatialisation des précipitations. De cette manière, nous cherchons à valider et déterminer la meilleure structure semi-distribuée du modèle GR5 pour la simulation des débits. 

Vers une version semi-distribuée du modèle pluie-débit global GR5 

Spatialisation d’un modèle pluie-débit global

Structure des modèles distribués Dans ce chapitre, nous nous intéressons aux modèles hydrologiques distribués fondés sur une approche conceptuelle. Il s’agit des modèles pluie-débit semi-distribués ou « distribués intégralement » selon le terme introduit par Clarke (1973). Dans ce cas, le modèle pluie-débit semi-distribué est défini comme un réseau de modèles conceptuels globaux interconnectés par un modèle de propagation hydraulique : le bassin versant est divisé en un ensemble d’entités, la transformation pluie-débit est calculée sur chaque élément du bassin par une modélisation globale, puis les débits sont propagés en aval jusqu’à l’exutoire du bassin. L’abondante littérature sur ce sujet révèle une multitude de modèles semi-distribués qui présentent des structures très différentes. Elles se différencient selon la stratégie de discrétisation du bassin versant (sous-bassin, maille carré régulière, classe, HRU …), l’approche conceptuelle employée pour reproduire la transformation pluie-débit sur chaque maille du bassin (méthode SCS, modèles conceptuels globaux), la méthode de routage pour transférer les débits en aval jusqu’à l’exutoire du bassin (hydrogramme unitaire, modèles hydrodynamiques …) et le paramétrage du modèle (spatialisé ou uniforme). Quelques exemples sont donnés en annexe 5. • Naden (1992) divise le bassin versant du Thames (7000 km²) selon l’organisation du réseau hydrographique caractérisé par rapport à l’éloignement à l’exutoire du bassin. La réponse du bassin versant à l’exutoire est calculée par un double produit de convolution entre la pluie nette, la réponse des versants et la réponse du réseau hydrographique. La réponse des versants est calculée par un hydrogramme unitaire et la réponse du réseau hydrographique est calculée pour chaque classe du réseau hydrographique (définie selon la distance à l’exutoire) en pondérant la fonction de routage (solution analytique d’advection-diffusion pour un canal rectangulaire sans apports latéraux) par un coefficient qui dépend des caractéristiques du sol et du nombre de cours d’eau. Le paramétrage est uniforme sur le bassin et la variabilité spatiale des précipitations est explicitement prise en compte dans le calcul de la réponse du réseau hydrographique. • Olivera et Maidment (1999) proposent une méthode très simple pour router l’excès des précipitations (calculé par la méthode SCS) spatialisés sur les pixels du MNT. Ils définissent un hydrogramme unitaire distribué sur chaque pixel en fonction de la distance à l’exutoire pour propager les débits de maille en maille et calculer la fonction de réponse à travers le plan de drainage. Les réponses de chaque pixel sont ensuite sommées pour calculer l’hydrogramme à l’exutoire du bassin. Cependant, ils indiquent qu’il est difficile de distribuer Chapitre 5 : Modélisation hydrologique semi-distribuée 123 les paramètres de routage parce qu’ils dépendent d’un trop grand nombre de variables pour définir une relation consistante avec les descripteurs des bassins. • Dans la version semi-distribuée du modèle global SAC-SMA (SACramento Soil Moisture Accounting) développé par Koren et al. (2004), le bassin est discrétisé en mailles carrées régulières de 16 km². Chaque maille est ensuite re-divisée selon la densité de drainage en un ensemble de tronçons (ou versants conceptuels), de taille équivalente, qui génère un débit d’apport à la rivière principale de la maille. La réponse pluie-débit de chaque versant conceptuel est calculée par le modèle global SAC-SMA. L’approximation de l’onde cinématique est ensuite utilisée pour router la réponse des versants sur la maille et de maille à maille jusqu’à l’exutoire du bassin. Les précipitations et les paramètres du modèle sont distribués sur les mailles (16 km²) mais ils sont identiques entre les versants conceptuels d’une même maille. Afin de prendre en compte la variabilité spatiale des caractéristiques du bassin, les paramètres sont d’abord a priori estimés à partir de relations empiriques avec les caractéristiques topologiques du bassin (Koren et al. 2000) avant d’être calés par rapport au débit observé à l’exutoire. Les premiers tests du modèle montrent que la précision des simulations distribuées de débit est comparable à celle du modèle global. • Le modèle HYPE correspond à la version semi-distribuée du modèle conceptuel global HBV (Lindström et al. 2010). Le bassin versant est divisé en sous-bassins connectés par le réseau hydrographique : les rivières (et lacs) principales, qui relient les sous-bassins, reçoivent les débits propagés de l’amont et la réponse pluie-débit des versants du sous-bassin. Sur chaque sous-bassin, un ensemble de classes est défini à partir des données spatialisées d’occupation du sol, de la végétation et de l’altitude. Dans chaque classe, le sol est divisé verticalement en une ou plusieurs couches superposées. Les précipitations sont distribuées sur les sous-bassins et les paramètres sont distribués sur les classes. Le routage sur les versants et la propagation dans les rivières sont effectués par un « Lag and Route » : les débits sont propagés par un décalage temporel (déterminé par la célérité et la longueur des tronçons) et atténués à travers un réservoir linéaire. • Moussa et al. (2007) construisent le modèle semi-distribué ModSpa pour les bassins méditerranéens montagneux. Ils divisent le bassin en sous-bassins définis à partir du réseau hydrographique : ils correspondent aux sous-bassins amont ou aux sous-bassins des rives gauches et droites des cours d’eau. L’écoulement généré sur chaque sous-bassin est la somme du ruissellement, de l’écoulement sous-terrain des aquifères et de l’écoulement de base calculés par un modèle pluie-débit conceptuel. La réponse pluie-débit des sous-bassins amont et des rives sont respectivement transférés en aval (jusqu’à l’exutoire du bassin) en tant qu’apport ponctuel et latéral par la solution analytique d’Hayami (1951) au problème de l’onde diffusante avec apports latéraux (Moussa 1996). Les paramètres du schéma de 124 routage (coefficients de célérité et diffusivité) sont distribués en fonction de la pente et distinguent la célérité des versants de la célérité des cours d’eau. • De nombreux auteurs ont développé une version semi-distribuée du modèle global TOPMODEL (Beven and Kirkby 1979) sur des bassins versants français : o Obled et al. (1994) divisent le bassin méditerranéen du Réal Collobrier (71 km²) en vingt unités hydrologiques qu’ils définissent en fonction de la topographie et des bandes isochrones. Les données de précipitation sont distribuées sur les unités hydrologiques du bassin mais les paramètres du modèle sont uniformes sur le bassin. o Le Lay et Saulnier (2007) divisent trois bassins cévenols en sous-bassins de 50 km². Ils utilisent une fonction de transfert géomorphologique pour router la réponse pluie-débit de chaque maille et estimer le débit en n’importe quel point du réseau hydrographique. Les temps de transfert sont calculés à partir des distances hydrauliques entre chaque pixel, la vitesse de propagation dans les rivières et la vitesse d’écoulement sur les versants. Ils augmentent peu à peu le niveau de spatialisation des précipitations et des paramètres du modèle : ils observent que la spatialisation des précipitations améliore la précision des simulations de débit tandis que la distribution des paramètres du modèle a un impact moins important. o Sur les bassins des Cévennes, Saulnier et Le Lay (2009) simplifient le schéma de routage par un simple décalage temporel qui ne tient pas compte de la diffusion hydraulique dans les cours d’eau et de la relation entre célérité moyenne et hauteur d’eau. Ils indiquent que la vitesse d’écoulement des versants est arbitrairement fixée au dixième de la vitesse d’écoulement dans les rivières pour limiter l’équifinalité induite par la redondance de ces paramètres de transfert.

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