Modélisation et résolution numérique
Problématique de la validation
Pour qu’un code de calcul puisse être utilisé de manière prédictive par des ingénieurs, il est nécessaire d’avoir une certaine confiance dans ses résultats. C’est dans cet optique que l’on introduit toujours une étape de validation lors des phases de développement d’un code de calcul. Ce type d’étude est particulièrement important pour des codes de calcul de sécurité nucléaire ou de contrôle aérien par exemple. La vérification d’un code a donc été analysée et structurée pour permettre la définition de normes et améliorer ainsi la qualité des codes de calcul. On pourra trouver une description claire et détaillée de certaines de ces procédures dans [ROY, 2005]. La validation des modèles et de la résolution numérique est donc une des étapes essentielles de la génération d’un code de calcul. La validation doit aussi s’accompagner d’une analyse des « réactions » du code sur différents cas tests de manière à calibrer une plage de fonctionnement optimale. Ce type d’étude est complexe en particulier dans le cas de solidification car il n’existe pas beaucoup d’expériences bien instrumentées permettant une validation efficace des codes de calcul. De plus les modèles actuellement implantés dans les logiciels de simulation de solidification ne parviennent pas à représenter toute la complexité de ce phénomène. Seuls 36 Problématique de la validation certains aspects sont modélisés. D’autre part, la résolution de la solidification est une résolution fortement couplée entre la thermique, le transport de soluté et la mécanique. Or les erreurs numériques peuvent être grandement amplifiées par ces effets de couplage. Dans cette partie nous allons essayer de parcourir les différents problèmes de validation qu’il serait intéressant de traiter pour être certain du bon fonctionnement du code et identifier de manière efficace son domaine d’application. La plupart de ces points n’ont pas pu être analysés de manière suffisamment précise mais il paraissait intéressant de les indiquer pour bien situer le niveau de validation de THERCAST et les points restant à traiter.
Différents modèles à valider
La première étape consiste à identifier des blocs à valider. Dans notre cas on peut différencier trois blocs principaux : la thermique, la mécanique et la partie solutale. Après l’analyse de ces modules fondamentaux, il s’ajoute une approche plus complexe qui prend en compte le couplage entre les phénomènes à travers la validation de la solidification et ensuite la macroségrégation. Ce processus de validation progressif présente l’avantage majeur d’être plus simple mais surtout plus vérifiable. En effet la résolution des équations de chacun des modules est indépendante et la validation de chaque module séparément est facilitée par l’existence de cas test dans la littérature pour chacun de ces domaines. Cette étape sert aussi à faire des comparaisons sur des cas académiques pour lesquels une solution précise existe voire même une solution analytique. Ainsi la qualité du code peut être plus facilement vérifiée. Nous allons maintenant parcourir successivement nos modules principaux et nos modélisations plus complexes en essayant d’identifier à chaque fois les points clés qui devraient être validés en priorité.
Résolution thermique
Les aspects thermiques pour la simulation de la macroségrégation ne sont pas extrêmement complexes et se limitent à la convection-diffusion de la chaleur et à la prise en compte du changement de phase. Il existe des solutions analytiques pour de nombreux cas de conduction thermique unidimensionnelle. Nous avons d’ailleurs utilisé une telle solution pour valider la formulation condsplit. Des solutions existent aussi pour des cas plus complexes. En particulier lors de la solidification des métaux, les propriétés thermiques, telles que la conductivité ou la capacité calorifique, sont modifiées par le changement de température et aussi par le changement de phase. Pour obtenir une solution plus réaliste il serait donc intéressant d’intégrer ces variations dans notre résolution. Cet aspect peut être validé par comparaison avec des résultats analytiques et semi-analytiques présentées par [OLIVER, 1987] et [RAMOS, 1992]. La validation de la partie conduction de la thermique se fait donc assez simplement à partir de solutions analytiques. Mais la validation de la partie convection de l’équation nécessite déjà l’introduction d’un couplage avec la mécanique. La validation de la convection naturelle se fait généralement à l’aide du benchmark défini par [DE VAHL DAVIS, 1983]. Ce cas de référence pour une cavité remplie d’air a été tout particulièrement étudié et sert donc de cas de validation standard. Cependant l’air a des propriétés très différentes des métaux et il n’est donc pas forcément judicieux d’utiliser ce cas pour valider notre code. Nous verrons par la suite d’autres exemples de la littérature qui tendent à se rapprocher de la solidification des métaux.
Résolution mécanique
La résolution de la mécanique dans un cas de solidification introduit des modifications de l’équation de Navier-Stokes classique. D’une part on ajoute un terme de Darcy variable en fonction de la position dans le domaine. D’autre part, la force motrice devient thermo-solutale avec l’intervention de la concentration dans le calcul des changements de densité dans l’approximation de Boussinesq. La validation de cette partie va donc se faire aussi progressivement en s’assurant que l’ajout de chacune de ces modifications ne conduit pas à des limitations du code ou à des problèmes numériques. La première étape est la validation de la résolution des équations de Navier-Stokes en stationnaire. Le cas de validation standard est celui de la cavité carrée 2D déjà présentée dans ce chapitre et pour lequel il existe des solutions de référence (par exemple [GHIA, 1982]). L’étape suivante consiste en la comparaison des résultats de convection mais en utilisant des métaux et non plus de l’air comme dans la validation de la thermique. Wolff et al. [WOLFF, 1988] ont ainsi réalisé des mesures sur une petite cavité remplie d’un alliage Sn-Ga avec un gradient thermique entre les faces verticales et comparé leurs résultats numériques avec les mesures expérimentales. L’application d’un gradient de soluté en plus du gradient thermique permet alors d’étudier la convection thermo-solutale dans une cavité de référence comme pour le benchmark de De Vahl Davis. Dans [BERGMAN, 1996], l’étude est réalisée en utilisant un alliage Pb-Sn et en imposant un gradient thermique et solutal entre les deux faces verticales de la cavité carrée 2D. Il est alors possible d’étudier l’aspect transitoire de l’écoulement et l’évolution de la prédominance des termes thermiques et solutaux. L’écoulement peut être instable lorsque les effets thermiques et solutaux s’opposent ce qui complique les comparaisons même sur des cas simples comme ici. De très nombreuses études ont été menées sur la stabilité de tels systèmes mais il n’est pas nécessaire d’approfondir ce point dans notre cas car l’évolution de la solidification va de toute façon introduire un aspect transitoire qui ne permettra pas l’établissement durable d’une solution stable. La seconde étape de la validation de la mécanique est l’introduction du traitement du milieu poreux. Nous avons choisi de le faire à l’aide d’un terme de Darcy. Il existe toutefois des formulations plus complexes mais, étant donné l’imprécision des données sur la perméabilité, il paraissait prématuré de complexifier le modèle. Les cas de référence trouvés dans la littérature combinent bien souvent le milieu poreux avec une convection thermosolutale car l’intérêt sous-jacent est souvent la solidification ou plus généralement les changements de phase. On trouve ainsi des études numériques de cavité remplie d’un milieu poreux uniforme [GOYEAU, 1996] mais plus récemment la prise en compte de l’anisotropie du milieu poreux a été introduite ce qui modifie les transferts de chaleur et de masse ([BENNACER, 2001]). L’aspect transitoire de ce type d’écoulements a aussi été étudié en imposant un changement brusque de température sur les deux faces verticales (cf. [SAEID, 2004]). Enfin une solution analytique d’un écoulement en cavité poreuse a été proposée dans [DANIELS, 2004] pour les faibles nombres de Darcy et de Rayleigh. La solution a ensuite été obtenue par simulation numérique pour des nombres de Darcy et de Rayleigh plus importants. Ces exemples montrent bien que la prise en compte de la perméabilité provoque des changements non négligeables dans la solution. La stabilité de l’écoulement est différente et le couplage avec la convection thermo-solutale produit une solution d’autant plus complexe. Toutefois il manque encore un aspect particulièrement important dans ces cas de référence pour bien approcher la simulation de la solidification. En effet dans chacun de ces cas la perméabilité est supposée uniforme même si elle est anisotrope, alors que dans les systèmes métalliques en cours de solidification, la perméabilité dans la zone pâteuse varie très 38 Problématique de la validation rapidement et l’échelle de la zone pâteuse, où se situe ce milieu, est souvent très différente de l’échelle des boucles de recirculation dans le bain liquide du lingot. Cette différence d’échelle n’est pas abordée dans la validation sur ces cas académiques.