Modélisation et inversion de données électriques en
courant continu
Formulation du problème inverse 4.1.1 Introduction Nous avons vu au chapitre 3 que le problème direct consiste à prédire des données à partir de valeurs arbitraires de paramètres du modèle. Comme son nom l’indique, résoudre le problème inverse, revient à obtenir le meilleur jeu de paramètres expliquant des données observées. Une fonction objective est alors dénie pour traduire l’écart entre les données observées et des données calculées avec un modèle synthétique. Les problèmes inverses sont courants dans les domaines de la physique où la connaissance du milieu et de ses propriétés n’est possible qu’au moyen de mesures indirectes. C’est bien évidemment le cas de notre domaine géophysique mais nous retrouvons les mêmes problématiques en imagerie médicale, en astrophysique, en météorologie ou en traitement d’image. Les problèmes inverses rencontrés en géophysique sont généralement dits mal posés ; ils ne satisfont pas les critères établis par (Hadamard, 1902) dénissant un problème inverse bien posé, à savoir que : • il existe une solution exacte ; • la solution est unique ; • la solution dépend de façon continue des données du problème. Dans le cas où la première de ces conditions n’est pas satisfaite il est nécessaire d’envisager la résolution approchée du problème. Cela peut nécessiter la résolution d’un problème plus simple dont la solution existe et dont l’introduction dans le problème sans solution permet d’approcher sa solution. Le problème de la non-unicité de la solution est généralement lié à un manque de données (ou une mauvaise répartition de celles-ci) par rapport au nombre de paramètres. La solution à ce problème passe par l’ajout d’information a priori au sens large dans le problème. Cette information a priori peut être introduite via la distribution des paramètres, l’ajout de contraintes sur la nature de la solution ou encore au préalable dans la dénition du dispositif d’acquisition des données. La non-linéarité du problème est le point le plus délicat. Il peut être lié à la faible sensibilité des paramètres aux données ; c’est le cas lorsqu’une petite perturbation dans les données doit être expliquée par une importante modication du modèle. La présence de bruit dans les données accentue le caractère non-linéaire du problème. De la même manière une discrétisation trop grossière du problème ou un modèle physique incorrect ne permettant pas de rendre compte des phénomènes physiques avec susamment de précision participent à rendre le problème inverse mal posé. La recherche d’une solution convenable d’un problème inverse nécessite d’explorer une partie de l’espace des solutions. Deux grands types d’approches peuvent être envisagés pour cela : les méthodes d’optimisation globales et les méthodes d’optimisation locales. L’inversion par optimisation globale vise à eectuer une recherche systématique (plus ou moins aléatoire) de l’ensemble des modèles possibles (méthode 4.1. Formulation du problème inverse 47 de Monte Carlo, méthodes de réseaux neuronaux par exemple). Les méthodes d’optimisation locales visent, elles, à rechercher de manière itérative un nouveau modèle, dans le voisinage d’un modèle initial, minimisant une fonction objective. 4.1.2 Les stratégies d’inversions utilisées en tomographie électrique Du fait du nombre relativement important des paramètres mis en jeu (quelques centaines de points en 2D à plusieurs dizaines de milliers en 3D) des méthodes de recherche systématique (Grid Search Methods) ou faisant appel à des processus aléatoires (méthode de Monte Carlo) sont peu envisageables. En eet elles nécessitent un grand nombre de résolutions du problème direct pour explorer l’espace des paramètres. Des méthodes telles que le recuit simulé (Pessel, 2000) ou l’utilisation d’algorithmes génétiques (Schwarzbach et al., 2005; Neyamadpour et al., 2009) sont parfois employées mais restent relativement peu courantes. Les approches utilisant une linéarisation du problème direct ont été utilisées du fait de leur faible coût numérique. Parmi elles nous pouvons mentionner les méthodes de rétropropagation proposées par Shima & Sakayama (1987); Noel & Xu (1991); Barker (1992); Tsourlos et al. (2005) ou celles utilisant un opérateur d’inversion approximé (Li & Oldenburg, 1994). Bien que le problème ainsi formulé converge en principe en une itération il est en général résolu de manière itérative : à chaque itération le problème est linéarisé. L’utilisation d’une forme linéarisée du problème inverse est le choix le plus courant pour la méthode électrique. Ce type d’approche permet l’utilisation de diérents algorithmes d’inversion linéaires itératifs (voir sous-section 4.1.4). Certains auteurs utilisent la méthode du gradient conjugué (Zhang, 1995), mais la méthode de GaussNewton avec une condition de régularisation est la plus couramment utilisée (Tripp et al., 1984; Park & Van, 1991; Sasaki, 1994; Loke & Barker, 1996a,b; Yi et al., 2001; Pain et al., 2002; Günther et al., 2006; Pidlisecky, 2006; Blome, 2009). Une autre approche passe par l’utilisation d’une méthode d’inversion purement non linéaire telle que la méthode de l’état adjoint (Ellis & Oldenburg, 1994; Marescot, 2004; Ha et al., 2006) que nous présentons en section 4.3. 4.1.3 Théorie de l’inversion par optimisation locale Approches linéaires et non linéaires La relation entre les données d provenant lors d’une acquisition électrique et les paramètres m du sous-sol est non linéaire. Nous pouvons l’exprimer au moyen de l’opérateur direct non linéaire F comme d = F(m) (Tarantola, 1987). Dans la suite nous allons distinguer deux approches, citées précédemment, permettant d’appréhender le problème inverse. Nous distinguerons donc l’inversion non linéaire et l’approche linéaire qui consiste, elle, à linéariser le problème direct. La première approche est aujourd’hui la plus utilisée en inversion électrique ; elle donne en eet de meilleurs résultats mais est numériquement plus coûteuse. L’inversion linéaire ne présente pas les mêmes garanties en terme de convergence que l’inversion non linéaire (Tsourlos et al., 2005). Elle peut 48 Chapitre 4. Résolution du problème inverse cependant être utilisée comme outil d’interprétation préliminaire ou pour obtenir un modèle de départ pour une inversion non linéaire (Shima, 1992; Tsourlos et al., 2005). Nous allons ici présenter les équations normales associées puis nous comparerons le principe des processus itératifs utilisés pour leur résolution. L’approche non linéaire La résolution numérique du problème direct permet d’obtenir les données (résistivités apparentes) : d cal = F(m). (4.1) Dénissons l’écart ∆d entre les données observées d obs = (d obs 1 , dobs 2 , · · · , dobs N ) t et les données calculées avec un modèle m = (m1, m2, · · · , mM) t : ∆d = d cal(m) − d obs . (4.2) N désigne le nombre d’observations et M le nombre de paramètres utilisés pour discrétiser le milieu. Le modèle m résulte de la modication du modèle de départ m0 par une perturbation additive δm obtenue suite à l’inversion du problème. Les données calculées peuvent donc être réécrites en fonction du modèle initial, à savoir d cal = F(m) = F(m0 +δm). L’estimation de la distance entre les données calculées et observées se fait au moyen d’une fonction objective Φ, dénie comme une norme des résidus ∆d, nous considérons ici la norme `2 : Φ(m) = 1 2 kF(m) − d obsk 2 . (4.3) La linéarisation du problème inverse consiste à eectuer un développement de Taylor au second ordre de la fonction objective au voisinage d’un modèle m0 : Φ(m) = Φ(m0) + ∂Φ(m0) ∂m δm + 1 2 ∂ 2Φ(m0) ∂m2 δm2 + ◦(δm3 ), (4.4) où δm = m−m0. Un tel développement impose une condition forte pour sa validité, à savoir que les perturbations du modèle δm doivent être susamment petites par rapport au modèle m. L’approximation quadratique de la fonction objective ainsi obtenue n’est pas supposée être valide sur l’ensemble de l’espace mais uniquement localement. La résolution non linéaire du problème inverse consiste ainsi à réaliser un processus itératif et à linéariser la fonction objective à chaque itération. En diérenciant l’équation 4.4 par rapport à m et en négligeant les termes d’ordre 3 nous obtenons : ∂Φ ∂m = ∂φ(m0) ∂m + ∂Φ(m0) ∂m2 δm. (4.5) Le minimum de l’approximation locale de la fonction objective est atteint lorsque la dérivée première de la fonction objective s’annule ∂Φ(m)/∂m = 0. La perturbation du modèle δm1 à l’itération 1 est alors donnée par l’expression : δm1 = − ∂ 2Φ(m0) ∂m2 −1 ∂Φ(m0) ∂m . (4.6) 4.1. Formulation du problème inverse 49 Le terme ∂Φ(m0)/∂m désigne le gradient de la fonction objective au point m0, il dénit la direction de sa plus grande pente en ce point. La matrice des dérivées secondes de la fonction objective est appelée le Hessien ; elle décrit l’inexion de la fonction objective à proximité du modèle m0. L’obtention de la remise à jour du modèle nécessite l’inversion du Hessien. En pratique le Hessien n’est pas nécessairement inversible et l’ajout de termes de régularisation est nécessaire. Dans le processus d’inversion non linéaire itératif le même développement que précédemment peut être eectué aux itérations suivantes.
1 Introduction |