Modélisation et Gestion de Flux par Systèmes Multiagents

Le concept de système est utilisé dans de nombreux domaines. Ses emplois sont divers. Nous parlerons de système d’équations, de système d’exploitation, de système naturel, de système de base de données, de système de gestion, de système solaire ou encore de système éducatif… De par son usage répandu, il n’est pas aisé de définir de façon unique le mot système. Au sens le plus large, nous considérons alors qu’un système est une « collection d’entités en interaction ». Il est en effet possible de rencontrer des systèmes statiques dont l’état ne change pas en fonction des interactions internes (minéraux, roches, métaux…). Néanmoins, les systèmes dynamiques, où les interactions donnent lieu à de nombreux changements d’état, restent les plus attrayants.

En matière de systèmes naturels, qui regroupent un grand nombre de systèmes dynamiques, il n’existe pas de systèmes « isolés », n’entretenant pas de relation avec le milieu ambiant : un système est composé de plusieurs sous systèmes. Chaque entité entretient des relations avec le reste du système naturel. Cela nous conduit inévitablement à considérer un système avec son environnement.

Dès lors, la complexité des systèmes naturels (particulièrement ceux où le vivant est présent : systèmes biologiques, écologiques, sociaux…) se pose comme un véritable challenge pour l’esprit humain. Nous avons de réelles difficultés à synthétiser une quantité très importante d’événements interactifs afin d’en comprendre les effets. Ces systèmes font partie des systèmes complexes. Ils ont pour propriété caractéristique de regrouper un nombre considérable d’entités qui font évoluer et complexifient, par leurs interactions, l’organisation interne de l’intégralité du système.

De fait, il est quasiment impossible de prévoir l’évolution de tels systèmes de par le trop grand nombre d’entités en présence et de leurs interactions. Les méthodes analytiques traditionnelles se posent de deux points de vue complémentaires afin de répondre à ce problème.

D’une part, le point de vue holiste ne retient que des structures ou des dynamiques globales ignorant ainsi en grande partie les phénomènes sous-jacents et leurs interactions. D’autre part, le point de vue réductionniste découpe le problème en composants élémentaires distincts pour ne représenter le comportement que d’une seule entité participant à l’évolution du système.

Ces deux « méthodes » sous-estiment ainsi la complexité des différents niveaux d’organisation existants et leur imbrication. Une solution passe par une modélisation du comportement de chaque élément participant à cette évolution ainsi que leurs interactions avec les autres éléments et avec leur environnement. Lors de ces interactions, différents types de données sont échangés (information, argent, nourriture, virus, etc…). Ces échanges peuvent être vus comme un flux.

Bien que certains modèles analytiques aient prouvé leur utilité, les outils issus de l’Intelligence Artificielle Distribuée (IAD) et de la Vie Artificielle (VA) fournissent une aide importante pour la compréhension des phénomènes complexes. Les Principes que soutiennent ces sciences se basent sur les notions d’interactions et d’émergence que nous retrouvons dans certaines sociétés d’insectes sociaux comme les termites ou les fourmis. La démarche proposée fournit une aide importante pour la compréhension des phénomènes complexes. Ces sciences nous montrent que, pour modéliser de tels systèmes, il est nécessaire de se tourner dans un premier temps vers la simulation.

En effet, d’une manière générale, la simulation présente l’avantage de se dispenser d’une modélisation mathématique ardue du système dans son intégralité, et autorise théoriquement la représentation d’environnement à très grand nombre d’acteurs aux comportements différents. Cette gestion des individus, et de leurs variations physiologiques, permet, selon le libre choix de l’expérimentateur, d’affiner le modèle avec le degré de finesse souhaitable pour approcher au mieux la réalité. La simulation permet une exploration des comportements possibles du système au travers de scenarii qui permettent de tester l’influence de configurations initiales multiples et cela dans un temps limité.

Les systèmes multiagents sont apparus comme un outil idéal pour la réalisation de ce type de simulation. En effet, un système multiagents permet de décrire une société à l’aide de lois comportementales locales. Une simulation basée sur un SMA permet donc de mettre en relation des causes locales (lois comportementales contenues dans l’agent) avec des résultats globaux (observation globale d’un comportement collectif). Il est alors possible de comprendre comment le comportement individuel peut modifier le comportement collectif et quelles en sont les répercutions.

Par conséquent, il n’est plus nécessaire d’avoir une connaissance exhaustive du système ; cela dispense de caractériser entièrement le système et simplifie grandement son analyse. Le principe est de mettre en relation un certain nombre d’entités ayant des caractéristiques simples qui leur permettront d’interagir les unes avec les autres dans un environnement spécifique afin d’obtenir un comportement global de plus haut niveau. La performance collective émerge des interactions directes ou indirectes entre les individus et l’environnement : elle est le résultat d’un processus d’auto-organisation au cours duquel l’environnement et la collectivité se structurent mutuellement.

La méthode et les principes que nous avons utilisés ne sont pas cantonnés au domaine de la biologie et sont applicables à d’autres systèmes. En effet, il existe de nombreux cas où les SMA peuvent apporter un support pour la compréhension, l’analyse, voire même la maîtrise de systèmes où un grand nombre d’entités sont en interaction et où des flux de données transitent entre elles. Sans faire de liste exhaustive, il est par exemple possible de citer le trafic routier ou aérien, la répartition du travail dans les entreprises, le problème de la propagation des maladies nosocomiales dans les hôpitaux ou encore la fluctuation des marchés financiers, etc…

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De telles méthodes sont donc applicables dans de multiples domaines et sont particulièrement adaptées à la représentation et à la simulation de systèmes naturels. La compréhension et la maîtrise des écosystèmes sont devenues aujourd’hui l’un des enjeux planétaires. En matière de santé publique, les problèmes liés à la qualité des eaux se situent au premier rang des préoccupations. Parmi les agents pathogènes circulant dans les eaux se trouve un genre émergeant : Cryptosporidium. Ce protozoaire parasite est susceptible d’entraîner des maladies intestinales graves chez l’homme ou chez les mammifères domestiques, le risque d’infection étant particulièrement important pour les individus immunodéprimés. La contamination a lieu par voie féco-orale. Chez les animaux domestiques, en particulier les animaux de ferme et d’élevage, la cryptosporidiose est une parasitose importante. Cryptosporidium est, en effet, considéré comme l’agent infectieux majeur dans le syndrome de diarrhée néonatale des espèces bovines, ovines et caprines, induisant des pertes économiques considérables dans les élevages.

Aujourd’hui, les techniques de biologie moléculaire permettent d’avancer dans la détection et l’identification des différentes espèces de Cryptosporidium. Cependant il est aussi nécessaire de progresser dans la compréhension de la circulation du parasite dans les écosystèmes. Pour cela, l’outil informatique joue un rôle complémentaire à la biologie moléculaire pour le traçage de ce pathogène dans l’environnement. La modélisation de la circulation de ce parasite permet de simuler des épisodes d’infection auprès de populations d’hôtes fréquentant un écosystème donné.

L’intérêt d’une telle modélisation est de pouvoir évaluer l’influence de paramètres sur le comportement global d’une population de parasites par la conception d’un outil informatique à partir de données biologiques. Cet outil permet de simuler la circulation du parasite dans un environnement donné et d’étudier les différentes façons dont il pourrait infecter une population d’hôtes.

L’un des objectifs principaux du travail exposé dans ce mémoire est l’application d’une telle modélisation en épidémiologie. Cette approche scientifique peut, dans un second temps, être étendue à l’étude de biotopes prenant en compte la variation des facteurs environnementaux influençant la circulation du parasite et l’établissement éventuel de la parasitose. Dans ce sens, il est important de bien choisir le degré d’abstraction et le niveau de détail de la modélisation en tenant compte des objectifs fixés. En effet, il ne faut pas parasiter le modèle par l’introduction de trop de variables influentes mais il en faut suffisamment pour être en mesure de répondre aux questions posées sur le système. De plus, l’état des connaissances disponibles concernant le système (ou susceptible d’être acquises durant la modélisation) doit être prise en compte dans la modélisation et être en accord avec les objectifs finaux.

Il est donc important de travailler étroitement avec les spécialistes du domaine. Cela demande une collaboration importante entre groupes de recherche aux savoirsfaires complémentaires issus de plusieurs domaines. Nous nous somme notamment associés au Laboratoire E&S (Environnement et Santé) de la Faculté Libre des Sciences et Technologies de Lille (FLST) dont les chercheurs ont apporté les compétences indispensables en biologie et en épidémiologie. L’Institut Pasteur de Lille a également activement contribué à l’obtention des données nécessaires à la réalisation de notre projet. Le développement à proprement dit du travail que nous présentons dans ce mémoire a été assuré essentiellement par deux groupes de recherche : le LAGIS de l’Ecole Centrale de Lille (Laboratoire d’Automatique, Génie Informatique et Signal, UMR CNRS 8146) et l’Equipe de Recherche en Automatique des Systèmes et Microsystèmes de l’école des Hautes Etudes d’Ingénieur (ERASM-HEI).

Table des matières

INTRODUCTION
I. Système et Modèle : Limites des Méthodes Usuelles
I.1. Système, Modèle et Simulation
I.1.1. La Notion de Système
I.1.2. La Notion de Modèle
I.1.2.a. Les Limites d’un Modèle
I.1.2.b. Aperçu Méthodologique
i. Le Réductionnisme
ii. Le Holisme
iii. Synthèse
I.1.3. Vers une Modélisation par Simulation
I.2. Les Méthodes de Modélisation
I.2.1. Modèle Déterministe
I.2.2. Modèle Stochastique
I.2.3. Modèle par Simulation
I.2.3.a. Simulation à Composantes Analytiques
I.2.3.b. Simulation Purement Discrète
I.2.4. Synthèse
II. Systèmes Complexes et Principe de l’Intelligence Artificielle Distribuée
II.1. Systèmes Complexes et Emergence
II.1.1. Définition du problème
II.1.2. L’Exemple des Sociétés Animales
II.1.2.a. Les Termites
II.1.2.b. Les Fourmies
II.1.2.c. Les Abeilles
II.1.2.d. Les Loups
II.1.3. Conclusion et Notion d’Emergence
II.2. Principes de l’Intelligence Artificielle Distribuée, de la Vie Artificielle
III. Les Systèmes Multiagents : SMA
III.1. Les agents
III.2. Les Propriétés des Agents
III.2.1. La Communication
III.2.1.a. Le Support
i. Le Partage d’Informations
ii. L’Envoi de Messages
iii. L’Environnement
III.2.1.b. Le Langage
III.2.1.c. Les Accointances
III.2.2. Coopération et Emergence
III.2.2.a. La Coopération Entraine
III.2.2.b. … Le Processus d’Emergence
III.3. Limites des SMA et Simulation Orientée Agent (SOA)
CONCLUSION

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