Modélisation et étude de la conversion électromécanique
Parmi les diérentes solutions envisageables pour la réalisation d’un microgénérateur présentées au chapitre précédent, nous avons étudié plus particulièrement la conguration où des nanols (NFs) sont sollicités en exion simple. La première étape permettant d’étudier la faisabilité et l’utilité d’un microgénérateur piézoélectrique dont les éléments actifs sont des NFs de ZnO en exion concerne la modélisation physique d’un NF. Ce modèle étudie la exion statique d’un NF et permet le calcul du potentiel électrique induit par couplage piézoélectrique. Le potentiel électrique peut être considéré comme un facteur d’appréciation de la conversion électromécanique du NF. Un modèle statique semi-analytique de NF encastré-libre soumis à une force ponctuelle située à son extrémité est proposé. Le tenseur des contraintes T et la densité de charge électrique créée par et piézoélectrique ρP sont déterminés analytiquement. Le potentiel électrostatique φ est calculé dans une section du NF par la méthode des éléments nis avec le logiciel Comsol c . L’originalité du modèle vient de la prise en compte des propriétés semiconductrices du ZnO et de l’inuence de la charge libre sur la conversion électromécanique de l’énergie. Dans la première partie sont présentés le modèle et les hypothèses sur lesquelles il repose. Par la suite, on pose et on résoud le problème de Saint-Venant pour déterminer T. φ est régi par l’équation de Poisson et provient de l’existence de deux types de charge électrique : QP la charge piézoélectrique et QL la charge libre. La concentration en porteurs de charge libres au sein du NF est notamment calculée à l’aide de la statistique de Fermi-Dirac. Enn, les paramètres inuençant la répartition du potentiel électrostatique sont présentés, notamment la force appliquée F, le facteur de forme du NF ff , la température Θ et la concentration en impuretés ou taux de dopage Nd
Présentation du modèle
Description du système
Le système modélisé est un NF de ZnO en conguration verticale. Celui-ci croît orthogonalement à un substrat selon son axe c. D’un point de vue mécanique et pourvu que le NF ait une longueur L susamment grande devant a son côté, on peut considérer le NF comme une poutre encastrée en x1 = 0 et libre à son autre extrémité. Le NF présente une section hexagonale parfaite provenant à la fois de l’axe de croissance et de la structure wurtzite du ZnO. Sur l’extrémité libre en x1 = L, on impose une force F orientée selon x3 qui entraîne une exion du NF. Le sytème d’axes est choisi de sorte que x2 et x3 coïncident avec le repère central principal d’inertie de la poutre, x1 étant tangent à sa ligne moyenne (courbe passant par les centres de gravité des sections de la poutre). Le NF et le système d’axes associé sont représentés sur la gure 2.1.
Equations du problème
Les grandeurs mécaniques et électriques du problème sont régies par quatre équations : l’équation d’équilibre mécanique, l’équation de compatibilité géométrique, les équations constitutives de la piézoélectricité et l’équation de Gauss. Les deux premières équations sont des équations purement mécaniques dont la résolution permet de déterminer le tenseur des contraintes T. Dans le cas où on néglige l’action de forces de volume, l’équation d’équilibre mécanique devient : ∇.T = 0 (2.1) et l’équation de compatibilité géométrique s’ecrit : ∂ 2Sik ∂xj∂xl + ∂ 2Sjl ∂xi∂xk − ∂ 2Sjk ∂xi∂xl − ∂ 2Sil ∂xj∂xk = 0 (2.2) (2.2) assure que le tenseur des déformations S dérive bien d’un champ de déplacement en imposant des contraintes géométriques que doit vérier S [104]. Les équations constitutives traduisent les propriétés piézoélectriques du matériau et relient le tenseur des contraintes T et le déplacement électrique D au tenseur des déformations S et au champ électrique E : T = c ES + e tE D = eS + SE (2.3) avec c E la matrice des rigidités à champ électrique constant, e la matrice des constantes piézoélectriques, e t sa transposée et S la matrice des permittivités électriques à déformation constante. Enn, en tenant compte de la présence d’une densité de charge libre ρL, l’équation de Gauss s’écrit : ∇.D = ρL (2.4) An de faciliter la recherche d’une solution analytique pour T et ρP , on formule deux hypothèses fortes. Tout d’abord, les équations de la piézoélectricité ont été simpliées. En appliquant la théorie de la perturbation à (2.3), on peut réécrire les équations constitutives pour diérents ordres d’approximation. Au 1 er ordre, on ne prend en compte que l’eet piézoélectrique direct [105]. L’eet de E sur T est négligé. Les équations de la piézoélectricité au 1er ordre s’écrivent alors : T = c ES D = eS + SE (2.5) Le premier terme de (2.5) n’est autre que la loi de Hooke. T et S ne sont liés que par les propriétés élastiques du matériau. Le ZnO étant un matériau hexagonal de classe 6mm, les matrices c E, e et S s’écrivent, en utilisant la notation de Voigt :
Détermination du tenseur des contraintes
Pour déterminer T, il est nécessaire de dénir le cadre physique de l’étude du problème mécanique. Au vu des dimensions des NFs, la fréquence du premier mode de résonance en exion est de l’ordre de la centaine de kHz. La gamme de fréquence des sources d’énergie mécanique visées est largement inférieure (quelques kHz tout au plus). Dans ce cas, on est en régime quasi-statique, les eets dynamiques sont négligeables et on peut considérer que même si la poutre est déformée par une force variant dans le temps, la poutre passe par des états d’équilibre successifs. On se place a priori dans l’hypothèse de petites déformations, les sections restent donc perpendiculaires à la ligne moyenne de la poutre. Le modèle de poutre utilisé est choisi en fonction de son facteur de forme ff = L 2a avec L la longueur et a le rayon du NF. Les NF de ZnO présentant généralement des facteurs de formes élevés (ff ≥ 10), le modèle de poutre d’Euler-Bernoulli est satisfaisant. Si ff ≤ 10, on ne peut plus négliger l’inertie en rotation de la section. Il faut alors avoir recours à d’autres approches comme le modèle de poutre de Timoshenko.
Torseur des efforts intérieurs
Les contraintes mécaniques apparaissant dans le NF résultent des actions mécaniques extérieures qui lui sont appliquées. Celles-ci sont de deux natures distinctes : la force échissante −→F qui est une charge concentrée et les actions de liaisons apparaissant aux conditions limites mécaniques de la poutre. Figure 2.2 Actions mécaniques extérieures exercées sur la poutre. Les actions de liaisons sont de deux natures : −→RM et −−→MM désignent respectivement des forces réactives et des moments appliqués en un point M. A l’extrémité libre du NF, le moment échissant est nul, le torseur de la charge extérieure au point B s’écrit : Tcharge = ( −→RB 0 ) B (2.9) . Au niveau de l’encastrement (supposé parfait), aucun déplacement de la poutre n’est possible. Une force et un moment apparaissent en réaction à la force exercée en B. Le torseur de liaison au point A s’écrit alors : Tliaison = ( −→R A −→MA ) A (2.10) Le principe fondamental de la statique appliqué au point A permet de déterminer les inconnues de liaison. Il s’ecrit : −→R B + −→R A = −→0 −→AB ∧ −→R B + −→MA = −→0 (2.11) ce qui donne : −→R A = − −→R B = F −→x 3 −→MA = − −→AB ∧ −→R B = F L−→x 2 (2.12) Finalement, Tliaison et Tcharge s’écrivent : Tliaison = 0 0 0 F L F 0 A , Tcharge = 0 0 0 0 −F 0 B (2.13) On cherche à présent le torseur des eorts intérieurs à la poutre Tint. Pour ce faire, on eectue une coupure au point C d’abscisse x1 qui divise le milieu en deux parties distinctes 1 et 2 : Figure 2.3 Eorts intérieurs à la poutre. On détermine Tint grâce au principe fondamental de la statique qui, appliqué sur une des deux parties au choix, stipule que Text +Tint = −→0 . Sur la partie 1, le torseur des eorts extérieurs Text n’est autre que Tliaison précédemment déni. Au point C, le torseur des actions de la partie 2 sur la partie 1 constitue le torseur des eorts intérieurs Tint. On a : −→R A + −→R C2/1 = −→0 −→MA + −→MC2/1 + −→AC ∧ −→R C2/1 = −→0 (2.14) ce qui conduit à : Tint = ( −→R C −→MC ) C = 0 0 0 Mf2 Ft3 0 C = 0 0 0 F(x1 − L) −F 0 C (2.15) Tint est composé d’un eort tranchant suivant −→x 3 (Ft3 = −→R C. −→x 3 = −F) et d’un moment échissant autour de −→x 2 (Mf2 = −→MC. −→x 2 = F(x1 − L)). L’eort tranchant est constant, le moment échissant est linéaire et maximal au niveau de l’encastrement et nul à l’extrémité libre. La détermination des eorts intérieurs et des réactions de liaisons est un problème classique de mécanique des solides où on assimile la poutre à un système unidimensionnel. La recherche du tenseur des contraintes nécessite dorénavant de considérer la poutre comme un milieu tridimensionnel. En eectuant une démarche similaire à celle de la gure 2.3, la coupure de la poutre au point C fait apparaître sa section A. Sur la gure 2.4, on appelle M le point courant de A et dA un élément innitésimal (ou facette) orienté suivant −→n . C est le centre de gravité de A. Figure 2.4 Détail d’une section de la poutre. Le torseur des actions de la partie 2 sur la partie 1 de la poutre est l’expression intégrale des contraintes apparaissant dans la section A : −→R C = R A TM ⊗ −→n dA −→MC = R A −−→CM ∧ TM ⊗ −→n dA (2.16) TM est le tenseur des contraintes au point M. ⊗ est l’opérateur produit tensoriel. Sur la base locale de la poutre (C, −→x 1, −→x 2, −→x 3), TM s’écrit : (2.17) En projetant (2.16) sur (C, −→x 1, −→x 2, −→x 3) et connaissant Tint (2.15), on peut écrire : Ft3 = R A T13dA Mf2 = R A x3T11dA (2.18) La contrainte tangentielle T13 ne dépend que de l’eort tranchant Ft3 , tandis que la contrainte longitudinale T11 ne dépend que du moment échissant Mf2 . Si on a établi la relation entre les eorts intérieurs et le tenseur des contraintes, ce dernier est loin d’être déni de manière unique. En eet, l’équation (2.18) admet une innité de solutions [104]. Il est nécessaire de formuler des hypothèses supplémentaires sur T pour déterminer une solution unique. Ceci est traité dans la partie suivante.
Problème de Saint-Venant
L’équation (2.18) lie les eorts intérieurs aux contraintes dans le cas d’une poutre encastrée-libre chargée par une force ponctuelle située à son extrémité libre. Dans le cas général, on démontre que les eorts intérieurs dépendent uniquement des seules contraintes T11, T12 et T13 .Cette condition est susante pour assurer l’unicité de T. La formulation de T repose sur le principe empirique de Saint-Venant. Si Tint n’est pas réparti convenablement sur A, la perturbation des zéros de T n’est que locale. En d’autres termes, la forme de T donnée par l’équation (2.19) est valable loin des zones d’application des sollicitations mécaniques extérieures. En pratique, (2.19) est valable dans des zones éloignées de 2 à 3 diamètres des sections chargées [107]. Dans le cas étudié, les sections chargées se situent au niveau de l’encastrement et de l’extrémité libre. Enn, comme on s’est placé dans l’hypothèse des petites déformations, on utilise le principe de superposition. Les contraintes dans une section A de la poutre sont dues à la somme des contraintes induites par chaque eort intérieur qui sont l’eort tranchant Ft3 et le moment échissant Mf2 . T est déterminé sur un tronçon de poutre de longueur ∆L délimité par les sections A0 et A1 et de surface latérale extérieure AL (voir la gure 2.5). On résout le problème sous sa forme locale dénie par l’équation d’équilibre (2.1) et l’équation de Beltrami (2.20) qui n’est autre que l’équation de compatibilité géométrique (2.2) exprimée en contraintes [107] : ∇2T − 1 1 + ν ∇∇(T r(T)) = 0 (2.20) ν est le coecient de Poisson déterminé au 2.1.2. En tenant compte des conditions limites sur A0, A1 et AL et d’après le principe de superposition, la résolution de ces équations donne : T11 = Mf2 I2 x3 T12 = ∂3ϕ T13 = ∂2ϕ − F x2 3 I2 + f(x2) (2.21) où I2 = 5 √ 3a 4 16 est le moment quadratique de la section suivant l’axe principal d’inertie −→x 2. f est une fonction arbitraire qui ne dépend que de x2. ϕ(x2, x3) est appelée fonction de contrainte et dépend de la forme de A . Une version détaillée du calcul est proposée en Annexe A.