Modélisation en économie et gestion
Utilité et définition de l’économétrie
L’économétrie est le principal outil d’analyse quantitative utilisé par les économistes et gestionnaires dans divers domaines d’application, comme la macroéconomie, la finance ou le marketing. Les méthodes de l’économétrie permettent de vérifier l’existence de certaines relations entre des phénomènes économiques, et de mesurer concrètement ces relations, sur la base d’observations de faits réels. Dans son acception la plus restreinte, l’économétrie est un ensemble de techniques utilisant la statistique mathématique qui vérifient la validité empirique des relations supposées entre les phénomènes économiques et mesurent les paramètres de ces relations. Au sens large, l’économétrie est l’art de construire et d’estimer des modèles empiriques adéquats par rapport aux caractéristiques de la réalité, et intelligibles au regard de la théorie économique. Utilité et définition de l’économétrie 1 PEARSON Education France — Exercices d’Économétrie – 2e édition — (Scriptex : 4e épreuve) — 1 — Modélisation en économie et gestion PEARSON Education France — Exercices d’Économétrie – 2e édition — (Scriptex : 4e épreuve) — 2 — 2 Relations économiques La réflexion que l’on peut mener sur une réalité économique quelconque conduit toujours à établir des relations entre les phénomènes économiques concernés. Une réflexion approfondie dans un domaine de science économique ou science de gestion est à la base de toute analyse économétrique. En d’autres termes, la réalisation de travaux économétriques suppose la connaissance préalable des disciplines économiques en jeu, puisqu’elles suggèrent le type de relation à vérifier sur les données réelles observées. Exemple On suppose que la consommation totale des ménages augmente avec leur revenu disponible réel, mais diminue quand le taux d’intérêt monte. Une telle relation économique s’écrit de la manière suivante : c = f(yd,r), avec ∂c ∂yd > 0 et fc fr < 0 (a) où c correspond à la consommation, yd au revenu disponible et r au taux d’intérêt. La notation f(,) désigne une fonction quelconque, linéaire ou non (il faudrait poser des hypothèses supplémentaires pour en préciser la forme fonctionnelle, mais ce n’est pas le propos de cette section). La supposition de départ se formule de la façon suivante : la dérivée partielle de f par rapport à yd est positive – à taux d’intérêt r inchangé, une augmentation du revenu disponible yd implique une augmentation de la consommation c – et la dérivée partielle de f par rapport à r est négative – à revenu disponible inchangé, une augmentation du taux d’intérêt r implique une diminution de la consommation c. Exemple Une relation économique suggère que le taux d’intérêt nominal R est une fonction croissante du taux d’inflation INF et du taux de croissance de la production CR : R = f(INF, CR), avec ∂R ∂INF > 0 et ∂R ∂CR > 0 (b) 3 Vérification de l’adéquation empirique des relations Pour expliquer comment se détermine(nt) un ou plusieurs phénomènes économiques, on construit un modèle à partir de certaines hypothèses et des résultats qu’elles donnent dans le cadre d’une théorie particulière. On vérifie que ce modèle décrit réellement la manière dont le ou les concept(s) d’intérêt se détermine(nt) dans la réalité. Il faut pour cela disposer de mesures réelles des phénomènes (les « statistiques ») et vérifier au moyen de techniques issues de la statistique mathématique (1) que le modèle correspond à ces données observées. 1. Si nécessaire, quelques rappels utiles de la statistique mathématique peuvent être puisés dans tout bon manuel de base, comme par exemple le livre de Probabilités, statistique et processus stochastiques de Patrick Roger, publié chez Pearson Education France dans la même collection. 2 Modélisation en économie et gestion PEARSON Education France — Exercices d’Économétrie – 2e édition — (Scriptex : 4e épreuve) — 2 — PEARSON Education France — Exercices d’Économétrie – 2e édition — (Scriptex : 4e épreuve) — 3 — 4 Mesure des taux de réaction Chapitre 1 Dans la mesure où le modèle est acceptable, on souhaite également mesurer quantitativement les taux de réaction des phénomènes expliqués aux variations des phénomènes explicatifs. Ces mesures permettront de simuler ultérieurement l’effet de telle ou telle variation hypothétique d’un phénomène explicatif sur les phénomènes expliqués. Soit un modèle explicatif du taux d’intérêt, sous la forme d’une équation où le taux d’inflation est une variable explicative. On vérifie son adéquation à la réalité observée. Comme on dispose alors des mesures des taux de réaction du taux d’intérêt à ses déterminants, on peut évaluer à l’avance l’effet sur le taux d’intérêt d’une accélération de l’inflation d’un montant déterminé. Souvent, plusieurs théories concurrentes expliquent les mêmes réalités économiques. Les techniques économétriques permettent d’identifier celle qui explique le mieux la réalité, celle qui est au plus près des observations. 5 Formes fonctionnelles et paramètres L’objectif est de vérifier l’adéquation d’un modèle à la réalité observée et de mesurer les taux de réaction des phénomènes expliqués aux phénomènes explicatifs. Pour confronter efficacement modèle et données, il convient d’exprimer ce dernier sous une forme « manipulable ». Selon la relation (a), la consommation est une fonction du revenu disponible et du taux d’intérêt. Cette formulation est mathématiquement trop « vague » pour pouvoir être confrontée à la réalité observée. Pour pallier le problème, il faut spécifier a priori une forme fonctionnelle particulière de la fonction f(). Les possibilités sont innombrables.
CHOIX D’UNE RELATION LINÉAIRE
Le choix le plus simple est celui d’une relation linéaire. Il se justifie quand on peut raisonnablement supposer que les dérivées partielles de la variable dépendante par rapport à chaque variable explicative ne sont pas fonction des niveaux atteints par ces variables explicatives. Cette hypothèse signifie que la variation de la variable dépendante, suite à une variation de une unité de l’une des variables explicatives, est toujours la même quels que soient les niveaux déjà atteints par celles-ci. Exemple On suppose que la fonction f() est linéaire. Soient les paramètres α, β et γ tels que : c = α + βyd + γr , avec β > 0 et γ < 0 (a0 ) On a donc f(yd,r) = α + βyd + γr. On remarque que : β = ∂c ∂yd et γ = ∂c ∂r Le coefficient β est donc la dérivée partielle de c par rapport à yd. Il rend compte de l’importance de la variation de c quand yd augmente de une unité, à r constant. Que se passe-il quand r ne change pas, mais que yd augmente de une unité (il s’agit de l’unité dans laquelle yd est exprimé)? La réponse est que c varie de β unités (il s’agit ici de l’unité de mesure dans laquelle c est exprimé). De la même manière, γ est la dérivée partielle de c par rapport à r. Il rend compte de l’importance de la variation (par exemple en milliards d’euros à prix constants) de c quand r augmente de une unité (par exemple d’un montant absolu de 1 % lorsque r est exprimé en pourcentage), yd restant inchangé. Lorsque la relation entre les variables est supposée linéaire, chaque paramètre est interprété comme la dérivée partielle de la variable dépendante par Formes fonctionnelles et paramètres 3 PEARSON Education France — Exercices d’Économétrie – 2e édition — (Scriptex : 4e épreuve) — 3 — PEARSON Education France — Exercices d’Économétrie – 2e édition — (Scriptex : 4e épreuve) — 4 — rapport à la variable explicative concernée. Chaque paramètre mesure donc la variation de la variable dépendante suite à une augmentation de une unité de la variable explicative concernée, les autres variables explicatives restant inchangées
CHOIX D’UNE RELATION NON LINÉAIRE
La linéarité est certes commode, mais n’est pas toujours une propriété adéquate à la relation traitée. Souvent, il est irréaliste de supposer que la variation de la variable dépendante est toujours la même, suite à une variation de une unité d’une variable explicative, quels que soient les niveaux déjà atteints par cette dernière et par les autres variables explicatives. On ne peut alors partir du principe que les dérivées partielles sont indépendantes des niveaux des variables. Dans ce cas, on travaille avec des relations formalisées sous la forme d’équations non linéaires. Exemple On souhaite modéliser la relation entre les ventes d’un produit de grande consommation V et les dépenses de publicité PUB de l’entreprise productrice. Si l’on pense que la « productivité », en termes de ventes, des dépenses de publicité décroît avec leur montant, on peut écrire : V = αPUBβ , avec 0 < β < 1 Cette spécification implique en effet une dérivée première de V par rapport à PUB, qui décroît avec le montant de PUB. Autrement dit, au fur et à mesure que les dépenses publicitaires augmentent, l’augmentation des ventes devient de plus en plus faible. Certaines relations non linéaires sont équivalentes à des relations linéaires entre des transformations des variables. Exemple Si l’on transforme les variables en logarithmes, une fonction de production de Cobb-Douglas, du type Y = AKβL γ , où Y, L et K sont la production, le travail et le capital, implique une relation linéaire entre les transformations des variables : ln(Y) = ln(AKβL γ ) et donc ln(Y) = ln(A) + β ln(K) + γ ln(L). Elle n’implique pas toutefois la constance des productivités marginales, qui restent bien sûr ∂Y ∂L = AγK β L γ−1 et ∂Y ∂K = AβK β−1 L γ . Cette nouvelle équation ne constitue qu’une autre manière d’exprimer la même fonction de production : chacune des deux écritures implique l’autre et les propriétés économiques sont exactement les mêmes. L’écriture en logarithme met en évidence que β = ∂ ln Y ∂ lnK = ∂Y ∂K K Y et γ = ∂ ln Y ∂ ln L = ∂Y ∂L L Y sont les élasticités(1) de la production aux quantités de facteurs capital et travail. Ces élasticités sont supposées constantes (indépendantes des quantités de facteurs K et L) dans une telle fonction de production (Cobb-Douglas). Alors que la dérivée partielle d’une variable x1 par rapport à une variable x2 mesure la variation de x1 (en nombres d’unités) quand x2 augmente de une unité, l’élasticité de x1 à x2 mesure la variation de x1 (en pourcentage) quand x2 augmente de 1 %. Les coefficients β et γ, qui ne sont donc pas des productivités marginales, sont des rapports entre productivités marginales et moyennes. La fonction de Cobb-Douglas implique en effet la constance de ces rapports, au sens de leur indépendance par rapport à K et L.