Modélisation d’une poutre fléchie multi-renforcée

Modélisation d’une poutre fléchie multi-renforcée

Les essais du chapitre précédent montrent que la présence du plat carbone répartit mieux les efforts dans la lame inférieure, tendant ainsi à diminuer l’impact des défauts les plus importants qui sont les maillons faibles du système. La propagation d’une fissure s’initiant dans une zone fragile du bois peut ainsi se trouver stoppée ou « cousue » temporairement par la lame carbone qui décharge ainsi la fissure. Sans augmenter la capacité maximale que l’on peut espérer de la poutre, le renforcement a permis de diminuer la dispersion des essais, en limitant l’influence des défauts les plus importants. Cependant, on constate que l’apparition de la fissure critique conduit toujours à la ruine catastrophique de la poutre. La fissure démarre (rupture en traction du bois) puis bifurque (rupture en cisaillement, en pointe de fissure). La proposition du multi renforcement ou multi lamage (Figure 3.1) est motivée par l’idée qu’il faut stopper la propagation de cette fissure critique avant qu’elle ne traverse l’échantillon ou avant que le cisaillement maximum en pointe soit supérieur à une valeur permettant la bifurcation catastrophique. Il est certain que placer sur le chemin de cette fissure une lamelle de carbone, stoppera l’évolution en mode I. Il est difficile sans essais ou modélisation de dire si elle se propagera ou non en cisaillement, soit dans le bois avant la lamelle, soit à l’interface avec la lamelle. Figure 3.1. Proposition du multi renforcement (ou multi lamage) C’est à ces questions qu’il s’agit d’essayer de répondre ici, en proposant une modélisation aidant à la compréhension des mécanismes du système multi renforcé, en mettant en évidence la sensibilité des différents paramètres identifiés. Ces paramètres (épaisseur des lamelles, écartements, modules etc…) sont trop nombreux pour n’envisager qu’une approche expérimentale « à tâtons », d’autant qu’il faut travailler à l’échelle 1 pour s’affranchir des effets d’échelle très importants dans ce genre de problématique. Ce chapitre décrit la problématique mécanique des multicouches, propose une revue des modélisations, expose la modélisation originale proposée et décrit la solution élastique du problème. Modélisation d’une poutre fléchie multi-renforcée Chapitre 

Modélisation d’une poutre fléchie multi-renforcée 

Les modèles multicouches

La structure multi lamée ou multi renforcée bois-composite est représentée sur la Figure 3.2 Figure 3.2. Renforcement multi lamé Il s’agit donc d’un n couche de composite (FRP) intégrées entre les lamelles de bois. Le chargement peut-être divers, de flexion principalement, mais il a été choisi une étude plus large autorisant les tractions ou torsions par exemple. Les conditions aux limites doivent elles aussi rester variées, puisqu’il s’agira de prendre en compte des fissurations ou ancrages divers. Le calcul d’une telle structure est relativement complexe car la connaissance précise des champs de contrainte est nécessaire pour décrire la ruine. Cette poutre peu élancée, ne peut être abordée par des méthodes classiques homogènes et isotropes. Il s’agit résolument d’une plaque multicouche avec des singularités, bords libres, fissures et interfaces. En voulant s’intéresser à la ruine on ajoute également la difficulté liée à la définition de critères de rupture pour ce type de structure.

Les modèles existants

Il existe cependant bien des pistes qui vont être maintenant passée en revue. Il est possible d’aborder le calcul des structures multicouches en gardant une vision 3D classique, en décrivant les différentes couches, les interfaces, les conditions de continuité. Une résolution par éléments finis est alors possible avec les outils classiques. Le coût de calcul est cependant très important et voir prohibitif. De plus, il est difficile d’approcher les zones de concentration de contrainte (bord, interface, fissure) qui demandent un maillage très fin. Enfin cette méthode numérique ne permet pas de proposer des valeurs de contrainte lorsqu’une singularité existe (bords libres par exemple) puisque la dépendance au maillage est alors inévitable. Il faut y adjoindre alors du post traitement et par exemple des intégrations sur des domaines définis par l’opérateur et permettant d’atteindre une valeur convergée et indépendante du maillage (C.Hochard, 2002). La plasticité ou de la viscosité si elles existent peuvent lisser ces singularités et supprimer cet écueil lié aux modélisations par EF. Il existe également des résolutions 3D analytiques de problèmes particuliers (Pagano 1969, 1970) efficaces et riches d’enseignements, mais ne concernant bien entendu que certains jeux de chargements, conditions aux limites et géométries. Pour toutes ces raisons il est plus évident et plus naturel d’aborder le calcul des multicouches qui possèdent en général une topologie de plaque, une épaisseur faible par rapport aux autres dimensions, par des approches 2D. De nombreux modèles existent, inspirés au départ par les modèles de plaques homogènes classiques (Love Kirchhoff, Reissner…), adaptés aux particularités des multicouches et développés pour différents besoins. Pour passer en revue les différentes propositions faites dans la littérature, il est légitime de s’inspirer de la revue très complète réalisée par (Carrera, 2000) qui regroupe les modèles de plaques multicouches en 3 familles : – les modèles type mécanique des milieux continus à cinématique enrichie (Cosserat, 1999) Bois FRP Page 64 – les méthodes dites « asymptotiques » qui affinent une solution grossière par développement asymptotique et à travers un cadre mathématique extrêmement rigoureux (on rajoute ici aux auteurs cités dans (Carrera, 2000), (Nguyen, 2005). – et enfin les approches de loin les plus nombreuses que E.Carrera qualifie d’approche « axiomatiques». Ces dernières postulent une forme en z (suivant l’épaisseur de la plaque) des champs de déplacement et/ou de contrainte. Les intuitions sont nombreuses et font l’objet de très nombreuses publications. Il ne sera maintenant fait référence qu’à la famille de ces modèles « axiomatic », de loin la plus importante et celle à laquelle appartient le modèle choisi pour cet article. A l’intérieur de cette famille d’approche, E.Carrera ajoute deux critères communs permettant de classifier plus finement les travaux. Le premier concerne le choix des variables inconnues, déplacements, contraintes ou mixtes. Le second, le choix du type de description de l’empilement, une monocouche équivalente obtenue par homogénéisation ou une description plus fine par couche. Dans le cas où l’on décide de décrire le multicouche comme une simple couche homogène équivalente, les modèles proposés dérivent des théories de plaque homogène de Love Kirchhoff ou Reissner Mindlin selon de degré en Z des champs de déplacements (le plus souvent) postulés. The Classical Lamination Theory (Reddy, 1997) (Stavsky, 1961), qui néglige les déformations de cisaillement transverse, the First Shear Deformation Theorie (Reissner, 1945) (Mindlin, 1951) ou même the High Shear Order deformation Theories en sont les exemples les plus classiques et diffèrent par le degré des polynômes qui décrivent les champs de déplacement. Une revue exhaustive est dans (Murakami, 1987).

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Approche multiparticulaire

Nous allons dans ce paragraphe faire un bref résumé de deux modèles multiparticulaires, l’un étant plus simplifié que l’autre, qui allient le mieux richesse de description des champs et caractère opératoire. Le modèle considère le multicouche comme la superposition de plaque de Reissner (modèle ℳ4-5n), ou la plaque de Kirchhoff (modèle ℳ4-2n+1P), liées par des efforts d’interface. La construction du modèle est fondée sur la méthode d’approximation d’Hellinger – Reissner (Reissner, 50). L’introduction des contraintes approchées à partir des efforts généralisés dans une adaptation de la fonctionnelle d’Hellinger-Reissner a permis d’identifier les déplacements et les déformations généralisés. L’application du théorème de Reissner et avec quelques hypothèses énergétiques, donne ensuite les équations de comportement et d’équilibre et les conditions aux limites. Le modèle des matériaux multicouches a été présenté par (Chabot, 1997), qui formalise une construction d’une famille de modèles multi particulaire ℳ4 élastiques (Modèles Multiparticulaires des Matériaux Multicouches). Ce modèle est construit à partir d’une approximation des contraintes injectées dans la fonctionnelle d’Hellinger-Reissner. Les contraintes sont approchées par des Page 66 polynômes en z. Ces modèles proposent une cinématique par couche plutôt que des cinématiques globales qui sont proposées par les modèles de plaque d’ordre supérieur. Dans le cas des modèles multiparticulaires, le multicouche est représenté par un ensemble des plaques (objet 2D) couplées par des efforts d’interfaces (voir Figure 3.3). Le multicouche devient ainsi un objet 2D dont chaque point géométrique est le siège d’une superposition de particules matérielles correspondant aux plaques modélisant les couches. Plusieurs travaux ont été consacrés à ce modèle. Philippe (Philippe, 1997) a présenté des modélisations multiparticulaires adaptées à la description du comportement de structures sandwichs en matériaux composites. La validation des modèles a été préalablement effectuée par comparaison à des solutions obtenues soit analytiquement soit à l’aide d’éléments finis (Carreira, 1998). (Hadj-Ahmed, 1999) a appliqué le modèle ℳ4 à l’optimisation du transfert des efforts par cisaillement dans un joint de colle. (Lagarde, 2000) a utilisé une modélisation multiparticulaires dans le cas de grandes transformations. [Diaz Diaz, 2001] a utilisé une modélisation multiparticulaire pour établir un critère de délaminage. (Tran, 2001) fait une modélisation des couches de chaussée par un modèle ℳ4. (Nguyen T., 2004) a implémenté le modèle ℳ4 dans un code éléments finis. (Pham S., 2006) a introduit les interfaces imparfaites dans les modèles ℳ4 pour la modélisation de la connexion dans les poutres mixtes bois-béton. (Duong V., 2007) a continué le travail de (Nguyen T., 2004) par l’introduction dans leur code éléments finis des modules de calcul dynamique et du modèle des interfaces imparfaites. Une implémentation dans ABAQUS est en cours.

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