Modélisation d’un système d’engrenages en vue de prédire une fissuration des dents
Les engrenages sont des systèmes de roues dentées qui sont utilisés pour transmettre le mouvement de rotation d’un axe à un autre. Ce mécanisme est essentiel pour de nombreux équipements industriels, car il permet d’actionner toutes sortes de machines grâce à des propriétés précises, selon la forme qu’ils prennent. La nécessité de baisser le coût de la production et de la maintenance conduit la surveillance des engrenages à devenir un très champ important pour la recherche. Dans la littérature, plusieurs publications sur la surveillance et le diagnostic des systèmes d’engrenage sont apparus [8, 9,10]. L’histoire des engrenages commence dans les civilisations antiques, avec les roues de friction. Cependant, c’est seulement dans la période de la renaissance que les mathématiciens ont commencé à appliquer les principes géométriques pour déterminer le meilleur profil de la dent d’engrenage. La conception d’un engrenage comprend des calculs mathématiques, l’aspect géométrique, la détérioration, les matériaux, la fabrication et la vérification. Parmi tous ces paramètres, il est essentiel de connaître avec précision les contraintes se trouvant dans la dent d’engrenage pour prévenir certains risques de rupture Lewis, en 1893, a analysé les dentures droites symétriques par la théorie des poutres, en inscrivant dans celles-ci une parabole d’iso contraintes représentant une poutre d’égale résistance. L’extrémité de celle-ci se trouve à l’intersection de la ligne d’action avec l’axe de symétrie de la dent. Lewis propose que la section de contrainte superficielle maximale, ou la section critique, se situe au point de tangence de la parabole avec le profil de la dent. Suite à cette hypothèse, la contrainte en tension se calcule comme pour une poutre en flexion, avec un encastrement à la section critique, sollicitée par la composante dans la direction normale à la ligne de symétrie de la dent de la force appliquée sur cette dernière [12]. Un autre moyen d’étude des contraintes dans les engrenages est la photoélasticité. En 1926, Timoshenko et Baud mesurent les contraintes et obtiennent des valeurs deux fois plus grandes que celles calculées par la formule de Lewis. En pensant que cette différence est due à la variation rapide de la section à la base de la dent, ils proposent un facteur de concentration de contraintes, facteur qui varie avec la largeur de la section et le rayon de courbure au pied de la dent [12]. Comme la composante radiale de la force sur la dent crée une contrainte de compression, en 1938, Merritt ajoute un terme supplémentaire à la formule de Lewis. Chapitre I L’état de l’art 4 L’american Gear Manufacturers Association (AGMA) utilise pour le calcul des contraintes en tension dans les engrenages la formule proposée par Dolan et Broghamer en 1942. Après des études photo élastiques similaires à celles de Timoshenko et Baud, elle trouve que le facteur de concentration de contraintes, qui multiplie la formule de Lewis modifiée (flexion /compression), est aussi lié à la position de la force sur la dent. Suite à cela, les chercheurs introduisent une formule empirique pour calculer le facteur de concentration de contraintes en fonction de la section critique, de la hauteur de la charge, du rayon de courbure au pied de la dent et de coefficients mesurés par photoélasticité (ceux-ci varient avec l’angle de pression de la dent). Les résultats démontrent que la section critique est un peu moins élevée que celle estimée par la parabole de Lewis.Leur étude a été réalisée pour des dents ayant des angles de pression égaux à 140 et 200 . Toujours après une recherche photoélastique en 1948, Heywood représente une dent comme un trapèze équivalent et à partir de ceci développe une formule pour le calcul de la contrainte maximale. Sa formule comprend en plus du facteur de concentration de contraintes et du terme de contraintes en flexion, un facteur de correction de l’effet de la charge. En 1950, Niemann et Glaubitz font des tests photoélastiques et ils proposent que la contrainte maximale soit égale aux contraintes de flexion, de compression et de cisaillement, multipliées par un facteur de concentration de contraintes. La contrainte de cisaillement est reliée aux deux autres par un facteur dépendant de la forme de la dent. Pour cette formule, la section critique est située sous le cercle de tête, à deux fois le module de la dent [13]. En 1957, Kelley et Pedersen réalisent eux aussi un test photoélastique, similaire à celui de Dolan et Broghamer, avec l’intention d’étendre cette formule à l’angle de pression de 250 . Avec les données recueillies, ils ont développé une formule analogue à celle de Heywood et ajoutent un terme supplémentaire tenant compte de l’effet de l’angle de la sollicitation, relativement aux directions principales. En 1958, Jacobson compare les résultats recueillis avec les formules proposées par Mellitt, Dolan et Broghamer, Heywood, Niemann et Glaubitz, Kelley et Pederson, appliquées aux engrenages à un angle de pression de 200 , toujours grâce à la photoélasticité. Suite à son travail, il conseille pour les engrenages à 200 d’angle de pression et ayant entre 10 et 40 dents, l’utilisation de la formule de Lewis modifiée, multipliée par un facteur de concentration de contraintes dépendant du rayon de courbure du sommet de l’outil de taillage. Il propose aussi Chapitre I L’état de l’art 5 une construction très simple pour localiser la section critique, au point de tangence du profil de la dent avec une tangente à 300 par rapport à l’axe de symétrie de celle-ci. En 1960, Wellauer et Seireg utilisent la théorie des plaques pour calculer le moment de flexion dans une dent d’engrenage. Pour calculer les contraintes, ils suggèrent une formule qui est en fonction d’un facteur de concentration de moment. Ils valident les résultats de cette théorie avec un test expérimental en utilisant des jauges de contraintes. Ils proposent l’utilisation de leur méthode lorsque le rapport hauteur/largeur de la dent est faible. En 1973, Wilcox et Coleman développent, à l’aide des résultats obtenus par les éléments finis, une nouvelle formule pour le calcul de la contrainte au pied de la dent. Elle peut s’appliquer aux dents symétriques ainsi qu’asymétriques, mais elle n’est pas fiable lorsque la sollicitation se situe dans la partie inférieure de la dent [13]. Une étude similaire est réalisée en 1974 par Chabert, Dang Tran et Mathis pour les dents symétriques. Après une comparaison avec les normes ISO (International Standardisation Organisation) et AGMA, ils suggèrent l’emploi de la norme ISO, celle-ci étant plus facile à utiliser pour une précision comparable. En 1974, Winter et Hirt mesurent expérimentalement les contraintes au pied de la dent avec les jauges de contraintes. Suite à sa thèse de doctorat, Hirt conseille l’utilisation de la norme ISO pour le calcul des contraintes car celle-ci tient compte d’un facteur de sensibilité d’entaille en fatigue [13]. Comme le montre ce court historique, une des méthodes couramment suivie par les chercheurs est d’obtenir des données par différentes techniques et de formuler des équations empiriques permettant une détermination facile des contraintes. On doit souligner que la plupart des formules ont été développées pour le côté en tension de la dent, car c’est de ce côté qu’apparaissent les fissures. Dans la plupart des travaux présentés, les résultats n’étaient pas satisfaisants pour les engrenages à grand nombre de dents. En 1980, Allison et Heam suggèrent que cela est dû à l’augmentation de l’influence de la contrainte en cisaillement sur ces engrenages. Plus un engrenage a un nombre élevé de dents, plus celles-ci sont petites et ressentent le cisaillement relativement aux autres contraintes. Suite à ces remarques, ils réalisent une étude photo élastique, tenant compte aussi de la force de friction et des différentes positions que la force occupe lors de l’engrènement. Ils remarquent que la force de friction affecte surtout la contrainte du côté en tension, en la faisant varier avec la valeur du coefficient de friction. De même, lorsque la force est située au bas de la dent, la contrainte en tension devient plus élevée Chapitre I L’état de l’art 6 que celle en compression. Suite à ces résultats, ils proposent une formule où chaque terme de contrainte (flexion, compression, cisaillement) est multiplié par un facteur qui lui est propre (kb ,kc , ks ). Comme cette force a un angle constant de 230 avec la surface de la dent, cette formule est difficilement applicable pour les dents normalisées. En 1980, Cornell modifie la formule de Heywood pour l’adapter à un logiciel qui calcule les engrenages à grand rapport de contact (High Contact Ratio Gear, mc>2). Cette modification est nécessaire pour qu’elle s’applique à cette forme de dent. On utilise des normes pour le calcul usuel des engrenages. Pour le calcul des contraintes en flexion, la norme AGMA 218.01 est fréquemment utilisée au canada. La méthode proposée est celle développée par Dolan et Broghamer avec des facteurs supplémentaires tenant compte du couple transmis (k0), de la variation de la charge avec la vitesse (kv), et de la distribution de la force sur la dent (km). Présentement, les travaux relatifs à cette norme consistent à l’informatisation des calculs, et à l’application d’algorithmes pour identifier la section critique. Oda, Nagamura et Aoki en1981, Ils ont déterminé l’influence de l’épaisseur de la jante sur laquelle repose la dent, ainsi que des dents adjacentes, sur la dent sollicitée. Ami, Harada et Aida, en 1981 analysent l’influence de l’épaisseur de la jante pour une couronne dentée supportant 9 dents. En 1985, Guillot et Tordion réalisent une étude similaire dans les couronnes et jantes minces d’engrenages aux axes parallèles. En plus, Chang, Huston et Coy, en 1983, étudient l’influence de la variation du profil de raccord. Ils ont trouvé que ce rayon n’affecte que la contrainte en surface de la dent. En 1984, Chong, Katayama, Kubo et Yabe étudient par cette méthode les engrenages à denture interne. En 1983, Rubenchick propose l’utilisation de la Méthodes des Équations Intégrales pour les engrenages droits. Ses résultats, comparés avec ceux de Cardou et Tordion obtenus avec la méthode des potentiels complexes, présentent une variation de 5% sur la contrainte maximale. D’autres travaux ont été réalisés avec cette méthode par les russes, comme Yakovlev en 1984, et par les japonais Tanaka en 1984 et Oda, Miyachika, Koide et Minine en 1985. Depuis 1984, l’orientation des travaux de recherche a surtout été dirigée vers l’application des méthodes numériques: élément finis, équations intégrales, méthode des potentiels complexes,
Fissuration par fatigue e t mécanismes généraux
L’endommagement par fatigue est un phénomène connu depuis le 19e siècle. Observé pour la première fois en 1829 par W. A. J. Albert sur des ruptures de convoyeurs de charbons, 1’endommagement est décrit comme un «phénomène mystérieux» pouvant se produire sans signes avant-coureurs. Les recherches sur la fatigue des matériaux métalliques ont eu depuis lors un intérêt croissant et partage pour les industriels et les chercheurs du monde entier. On sait aujourd’hui que 1’endommagement par fatigue peut se découpler en trois étapes bien distinctes [14.15]: Une phase d’amorçage Qui correspond à l’initiation des premières micro-fissures au sein du matériau et à leur croissance difficilement prédictible dans le volume du matériau. Une phase de propagation O u les micro-fissures amorcées dans le matériau vont croitre de façon stable au fur et à mesure des cycles et en fonction de la charge imposée. Une phase de rupture Dans laquelle la ou les fissures ont atteint une taille instable et provoquent la rupture de la pièce
la phase d’amorçage
L’amorçage dans les matériaux métalliques cristallins peut essentiellement naitre de trois sources différentes : Le glissement cyclique irreversible. L’amorçage à partir de micro-hétérogénéités de la microstructure. L’amorçage à fond d’entaille. Une brève description de chaque point est donnée dans ce qui suit.
L’amorçage par glissement cyclique
L’application d’une contrainte mécanique lors du chargement de fatigue entraine le mouvement des dislocations sur les plans de glissement cristallographiques au sein des différents grains du matériau sous 1’effet de la contrainte de cisaillement cyclique locale. Tant que ce glissement reste réversible, le comportement local du matériau reste élastique
L’amorçage à partir de micro-hétérogénéités de la microstructure
Les matériaux métalliques industriels sont généralement des alliages de composition complexe avec un grand nombre d’éléments d’addition. Ces matériaux sont micro-hétérogènes car ils contiennent des particules intermétalliques (ségrégations des éléments d’addition), des joints de grains, des porosités qui créent localement une incompatibilité de déformation et/ou une concentration de contrainte. Une micro-fissure Chapitre I L’état de l’art 8 peut alors s’amorcer par accumulation de dislocation sur le défaut, si la cristallographie locale y est favorable ; le cas d’un amorçage sur un pore est présenté comme exemple sur la (figure I.1). La rupture des particules de seconde phase est également souvent observée du fait d’une incompatibilité de déformation avec la matrice. Cette micro rupture peut ensuite se propager par accumulation de dislocation si les grains avoisinants sont bien orientés [16]. Figure I-1:Amorçage d’une fissure de fatigue sur un pore d’un alliage 30NCD16
L’amorçage à fond d’entaille
Dans une structure réelle, les coins congés ou trous ne peuvent généralement pas être évités. Le fait que ces particularités géométriques soient des sites préférentiels d’amorçage des fissures de fatigue est connu sous le nom d’effet d’entaille. Celui-ci est du à la concentration de contrainte qu’ils génèrent à leur voisinage. On définit le facteur de concentration de contrainte Kt (théorique) comme le rapport entre la contrainte max et la contrainte nominale nom : nom kt max (I.1) Kt est souvent désigné par abus de langage comme théorique mais cette dénomination vient du fait de l’hypothèse d’un comportement élastique du matériau pour l’évaluation max Avec W D W S nom . (I.2) Figure I-2 :Schéma d’une éprouvette entaillé par un trou centrale. Le trou introduit une forte concentration de contrainte, fonction principalement des dimensions D et W. [17] Kt est un facteur adimensionné mais peut quand mémé dépendre des dimensions de la Pièce du fait du gradient de contrainte en bord d’entaille, connu pour être inversement proportionnel au rayon d’ entaille. Ainsi pour une éprouvette parallélépipédique trouée, Heywood donne la relation suivante pour le facteur de concentration de contrainte [17] 3 2 (1 ) W D Kt (I.3) L’effet d’entaille est donc primordial pour 1’amorçage, et doit absolument être bien maitrisé lors de la conception. Malgré cela il arrive fréquemment qu’une fissure puisse s’amorcer du fait d’une concentration de contrainte particulière mais qu’elle s’arrête ensuite [19], du fait d’une décroissance rapide de la contrainte à 1’intérieur du matériau. Ceci montre que 1’approche basée seulement sur 1’effet d’entaille est insuffisant pour prédire la tenue complète d’une pièce en fatigue.
La phase de propagation
La phase de propagation qui a été étudiée en premier lieu. Au début des années 60, la description de la propagation des fissures de fatigue fait déjà appel à des mécanismes microscopiques comme la plasticité en fond de fissure. Fondé sur une description analytique de 1’état de contrainte en pointe de fissure, le facteur d’intensité de contrainte K s’impose vite comme un paramètre déterminant pour la prédiction de la durée de vie fatigue. La désormais célèbre loi expérimentale de Paris & Erdogan, permet de calculer la vitesse de propagation d’une fissure connaissant le facteur d’intensité de contrainte K en avant de sa pointe. La voie est alors ouverte pour la théorie de la Mécanique Elastique Linéaire de la Rupture (MELR) qui se base sur le calcul du facteur d’intensité de contrainte. Celle-ci facilite le dimensionnement et permet la prédiction de la durée de vie, si bien que la loi de Paris & Erdogan devient quasiment universelle et incontournable, tout étant fait pour étendre son champ d’application (modifications pour prendre en compte la plasticité, la fermeture, et même 1’effet fissures courtes). S’il est indéniable que cette méthode donne d’excellents résultats sur la propagation de fissures d’une certaine taille, il peut en être tout autrement pour des fissures plus courtes comme observé par Pearson des 1975 [15]. La description de la durée de vie en fatigue en trois parties permet de ne décrire dans la phase de propagation que la partie linéaire. Toute la dispersion est alors concentrée dans la phase d’amorçage et de propagation d’une micro-fissure, responsable de la dispersion des essais de fatigue. Nous verrons au cours de ce travail que cette tendance s’est infléchie au cours des vingt dernières années pour essayer de séparer la phase d’amorçage proprement dite (avec sa propre dispersion) de celle de propagation de la ou des fissures courtes, phase qui semble particulièrement influencée par la microstructure. Cette tendance est rendue nécessaire par un besoin de mieux décrire les phénomènes microscopiques impliqués dans la propagation des fissures courtes, pouvant tendre à une grande amélioration des prédictions de durée de vies finales.
Propagation des fissures de fatigue
Apres avoir atteint une certaine taille critique, la propagation d’une fissure peut être décrite par la MELR. Cette description s ‘ appuie sur une solution analytique des contraintes au Chapitre I L’état de l’art 11 voisinage de la pointe de fissure et l’introduction du facteur d’intensité de contrainte K ; nous en rappelons très brièvement les concepts essentiels dans ce qui suit.
Définition des modes de fissuration
La direction macroscopique de propagation d’une fissure est généralement perpendiculaire à la contrainte qui contribue à l’ouverture de la fissure. Cette configuration est appelée mode d’ouverture (mode I) (figure I-03). Deux autres modes de propagation existent: le mode de cisaillement plan (mode II) et le mode de cisaillement anti-plan (mode III) [19.20]. Le chargement des engrenages cylindriques droits induit une contrainte en tension générée par la flexion à la racine des dents du côté actif. Il y a aussi du cisaillement produit par la composante tangentielle de la force transmise (Ft). Enfin, la compression produite par la composante radiale (Fr) étant faible, car l’angle de pression (α) dépasse rarement 30°, est souvent négligée. Donc, en considérant uniquement les contraintes en tension et en cisaillement, deux modes de rupture sont mis en évidence : le mode I et II [21]. Le mode III est rarement considéré, car le chargement des engrenages cylindriques droits est bidimensionnel. Mais aussi, parce que pour les engrenages hélicoïdaux et autres induisant une force axiale (Fa), le cisaillement des plans transversaux sollicite peu les fissures en mode III [22].
définition du facteur d’intensité de contraintes
Le facteur d’intensité de contrainte a été introduit par Irwin [23].Le paramètre clé permettant de prédire le comportement d’une fissure sous l’effet d’un chargement est le facteur d’intensité de contrainte, désigné par la variable K. Il représente une mesure de l’intensité du champ de contrainte en bout de fissure (Figure I.06), décrit selon un système de coordonnées polaires (r ; θ) et les facteurs KI, KII et KIII. Ce champ de contraintes présente une singularité de l’ordre 1/ 𝑟 Il faut préciser qu’en σplane, σzz est nulle et que pour les situations bidimensionnelles. KIII est aussi nul (i.e. τrz = τθz = 0) [21].
CHAPITRE I L’état de l’art |