Modélisation du mouvement des personnes lors de
l’évacuation d’un bâtiment à la suite d’un sinistre
Galbreath (1969)
Galbreath84 s’est intéressé au problème particulier de l’évacuation des immeubles de grande hauteur. Il a notamment observé une dizaine d’exercices d’évacuation de bâtiments au Canada. A partir de ces observations et en les recoupant avec les données bibliographiques existantes, notamment les résultats du London Transport Board, il a proposé un tableau de variation de la vitesse dans les escaliers en fonction de la densité85 . Ce travail a finalement abouti à la proposition d’une formule simplifiée de calcul du temps net d’évacuation d’un immeuble de grande hauteur, reproduite dans ce qui suit telle quelle: T = N +n r x u ou: T = Temps nécessaire à Y évacuation complète par les escaliers N = Nombre de personnes au – dessus du V niveau Occupation par étage n = mini Capacité en personnes du tronçon de la cage d’escalier entre deux étages à une densité de 3,6personnes / m 2 r = Débit d’évacuation en personnes par unités de passage – r est lu dans un tableau en fonction de la densité retenue lors de la détermination de n u = Nombre d’unités de passage de la cage d’escalier ( 1 UP = 22pouces = 0,56m) Cette formule suppose que les évacuants du rez-de-chaussée et du premier niveau n’interfèrent pas avec les flux d’évacuation en provenance des autres étages. En comparant avec la formule proposée par Togawa, nous constatons que: 1. Galbreath néglige le temps nécessaire au déplacement (la distance n’apparaît pas) par rapport au temps correspondant à des phénomènes de congestion, 2. par contre, cette fois-ci, une tentative est faite d’introduire un débit dépendant de la densité. Malgré cette amélioration, les temps d’évacuation prédits à l’aide de cette formule présentent des écarts importants avec les temps que l’auteur a observé: la sousestimation est systématique, dépassant parfois 50%86 . A partir de ses calculs et observations, Gaibreath soulève le problème de l’évacuation de bâtiments de très grande hauteur pour lesquels une évacuation complète pourrait nécessiter plus d’une demi-heure, voire plus d’une heure. Il en conclut, entre autres, qu’il est nécessaire de s’interroger sur la possibilité d’utilisation organisée des ascenseurs en pareille situation.
Peschl (1971)
Peschl87 est à l’origine de l’analogie granulaire déjà présentée dans ce mémoire. Il a été conduit à cette analogie suite à ses observations qui ont porté sur les conditions de formation des arches. Ses expériences ont permis de conclure que l’apparition de celles-ci dépendait essentiellement de la combinaison de trois éléments: 1. la densité 2. la largeur de l’issue, 3. la forme des bords de l’issue. Les expériences réalisées ont consisté à demander à un groupe d’individus de franchir une porte le plus rapidement, et en exerçant une aussi grande pression que possible. L’influence de la largeur de la porte a notamment été étudiée. Les résultais sont les suivants (b = largeur de la porte): • – b = 1,20 m: formations-ruptures d’arches • b = 0,86 m: arches très stables, passage très difficile • b = 0,60 m: arches quasiment indestructibles (débit Q « 0) Les données numériques recueillies par Peschl lors de ses expérimentations lui ont permis de conclure que la fréquence d’apparition des arches est inversement proportionnelle au carré de la largeur de l’issue. Peschl a également montré qu’en lissant les angles de la restriction suivant une courbe exponentielle, on obtenait une vitesse d’écoulement trois fois supérieure. Un tableau comparatif comportant quelques exemples de calcul de temps d’évacuation est proposé à la fin du sous chapitre II.3.7. consacré aux travaux de Pauls. Peschl I., « Doorstromingscapaciteit van deuropeningen bij panieksituaties (Passage Capacity of Door Openings in Panic Situations) », p.62-67, Bouw.Vol 28, No. 2, 9,1971 cité dans [CROSSON 82] 61 Fig. 20 – Expérience de Peschl: augmentation de la vitesse dans le passage de porte en lissant les angles. Enfin, les expérimentations ont confirmé que, lorsqu’il n’y a pas d’instabilités dues à la formation d’arches, le débit est fonction linéaire de la largeur de la porte.
Fruin (1971)
Fruin a été sur le continent américain un des pionniers de l’étude du mouvement de personnes. I! a notamment transposé au mouvement piéton, des concepts utilisés par les américains pour la description des niveaux de congestion du trafic routier. L’occasion est offerte de présenter plus généralement les similitudes que présentent le mouvement des piétons et le trafic routier: nous retrouvons notamment dans les deux cas les mêmes formes de courbes de variation de la vitesse et du débit en fonction de la densité. Dès 1934, l’étude des conditions d’écoulement du trafic routier de certaines catégories de voies de circulation avait permis à Greenshields89 d’établir une première loi empirique du second degré en d: Q = v0-d – ja- • d2 Titan Q: débit en nombre de véhicules par heure v0: vitesse à densité nulle = 74 km/h d : densité en nombre de véhicules par kilomètre d – densité maximale observée = 122 véhicules/ km 8 8 « Pedestrian Planning and Design » [FRUIN 71] 8 9 Greenshields B.D., « A Study of Highway Capacity », Highway Research Board Proceedings, Vol.14,1934 cité dans [(DPANTZEEKAKHI 82] 62 Fig. 21 – Lois empiriques débit – densité pour le trafic routier En 1958, Greenberg90 proposait: Q = 27,7 • d • In (141 / d). Nous remarquons la ressemblance avec les courbes de débit spécifique du mouvement piéton. Plus tard fut introduit le concept de niveau de service 91 (« level of service ») d’une voie de circulation, grandeur exprimée sur une échelle de 6 lettres, de A pour la situation la plus fluide, à F pour la saturation absolue. Cette grandeur a été introduite lorsqu’apparut ¡a nécessité de décrire autrement qu’à l’aide d’une simple capacité, les exigences fonctionnelles lors de la conception d’éléments du réseau routier. Ceci permet d’ajouter un descripteur qualitatif et de spécifier, par exemple, que la capacité requise doit être réalisée en niveau de service A, c’est à dire avec un écoulement très fluide. Chaque niveau de service correspond en réalité à une certaine plage de densités de circulation. C’est ce concept de niveau de service que Fruin a étendu au mouvement piéton en définissant de manière parfaitement similaire 6 niveaux, notés de  à F. Comme pour le trafic routier, le niveau F correspond à des densités de saturation, c’est à dire plus élevées que la densité correspondant à la capacité de la voie, le niveau E correspond à la région de fonctionnement autour de ce débit maximal. Et comme pour le trafic routier, il n’est conseillé de concevoir une voie de circulation en niveau E qu’en cas de problèmes importants de disponibilité d’espace, le niveau F étant bien sûr à proscrire car il entraîne une compression importante de la foule et une liberté de mouvement quasiment nulle, conditions pouvant être à l’origine d’accidents de foule, La décomposition de Fruin en niveaux de service est finalement assez proche de la caractérisation du mouvement de foule par classement en 7 catégories de densité proposée par Predtechenskii et al. (voir §11.3.2.). Fruin a également observé certains éléments intéressants relativement au mouvement piéton: • Le port de bagages a peu d’influence sur la vitesse de déplacement d’une personne. • Dans un couloir avec deux flots à contre-courant, si la densité n’est pas très élevée, le débit total n’est que légèrement inférieur au débit correspondant à ¡’usage du couloir dans un seul sens. • Par contre, dans une cage d’escalier avec deux flots à contre-courant, le débit total est nettement diminué: il suffit que quelques personnes essaient de se déplacer en sens inverse dans une cage d’escalier pour que le débit total soit réduit de moitié. • Fruin a également mis au point une expérience intéressante destinée à explorer la possibilité d’obtenir expérimentalement des débits spécifiques d’évacuation plus élevés que les valeurs traditionnellement admises (1,5 -¡-2 personnes/m.s – voir §11.2.1.). Il est ainsi parvenu à obtenir des débits de 4 personnes/m.s en faisant marcher les évacuants en fite, chaque individu tenant par les épaules celui qui le devance. Enfin, Fruin a introduit la notion de module piéton: est ainsi désigné l’espace dont dispose chaque occupant. Cette notion recouvre aussi bien un aspect quantitatif (le module étant bien sûr l’inverse de la densité), qu’un aspect psychologique, dans le sens des distances minimales que « culturellement » un individu cherche à établir par rapport à ses voisins. Fruin a notamment constaté l’agencement spontané des individus de manière à toujours essayer de préserver cet espace individuel.
INTRODUCTION |