Modélisation didactique pour la conception d’un EIAH
Modélisation didactique du savoir
La modélisation du savoir que nous proposons s’appuie sur la notion de MPR. Le modèle du savoir est d’abord structuré en niveaux praxéologiques globaux, régionaux et locaux à partir des MPR construits pour chacun des domaines (cf. chapitre 4 pour celui de la géométrie). La déclaration de ces niveaux prend en compte le fait que certaines praxéologies (régionales ou locales) sont mobilisées par d’autres praxéologies (régionales ou locales). Par exemple, la praxéologie locale de construction des figures géométriques planes mobilise la praxéologie locale de preuve comme nous l’avons vu dans le chapitre 4. Une illustration représentant certaines de ces relations est proposée sur l’image 7.1.Nous nous concentrons désormais sur la géométrie et en particulier les triangles et les parallélogrammes. Le modèle du savoir en géométrie prend en compte une structuration des familles de triangles et de parallélogrammes particuliers. Cette structuration permet par exemple aux types de tâches relatifs aux triangles ou parallélogrammes particuliers d’hériter des techniques et technologies associées aux types de tâches relatifs aux triangles ou parallélogrammes « quelconques ». En effet, comme nous l’avons déjà vu dans la section 4.2.3, dans la résolution d’une même tâche, une technique peut mobiliser des propriétés propres à la nature du triangle à construire mais aussi des propriétés relatives à tous les triangles. Ainsi, pour les triangles, nous faisons le choix d’adopter une structuration par les angles sur l’image 7.2. L’ensemble des triangles est désigné par l’appellation « triangles quelconques », certains de ces triangles peuvent être particuliers : rectangles (s’ils possèdent un angle droit) ou isocèles (s’ils possèdent deux angles égaux). Des triangles isocèles peuvent aussi être particuliers, c’est-à-dire équilatéraux (s’ils possèdent trois angles égaux) ou isocèles rectangles s’ils sont également rectangles (des triangles rectangles peuvent donc aussi être des triangles isocèles rectangles) 1 De même, pour les parallélogrammes et parallélogrammes particuliers dont la structuration est présentée sur l’image 7.3.
Modélisation didactique des tâches
Le modèle didactique des tâches que nous construisons s’applique en algèbre et en géométrie, il permet, en fonction du niveau scolaire, de : — générer des tâches qui deviendront les exercices qui composent les parcours d’apprentissage ; — identifier les savoirs en jeu pour chaque tâche ;— structurer le savoir en positionnant les tâches les unes par rapport aux autres ; — caractériser le(s) rôle(s) a priori de la tâche dans l’apprentissage ; — caractériser la complexité mathématique d’une tâche. Dans les sections suivantes, nous expliquons comment nous réalisons ces objectifs. À noter que dans le cadre de notre travail, les exercices sont composés d’une seule tâche. Dans certaines évolutions du projet MindMath, nous envisageons de proposer des exercices composés de plusieurs tâches, notamment pour mieux caractériser le travail de l’élève mais nous ne considérons pas de tels exercices pour le moment.
Générateurs de types de tâches
Nous structurons d’abord le domaine en praxéologies régionales et locales comme nous l’avons vu dans la section 7.1. Chacune des praxéologies locales est ensuite décomposée en générateurs de types de tâches (Chaachoua, 2018) (cf. section 2.3.4). En particulier, nous considérons les générateurs de types de tâches liés au type de tâches générique « construire un triangle ». Comme nous l’avons vu dans la section 2.3.4, un générateur de types de tâches est défini par : GT = [Verbe d’action, Complément fixe ; Système de variables]. Le système de variables, une fois instancié, permet de générer des types de tâches. Ces variables, appelées variables de types de tâches identifient donc les savoirs en jeu. Nous les avons déjà présentées pour le générateur GT1 = [Construire, un triangle ; VT1, VT2] où VT1 est la nature du triangle à construire et VT2 les données de l’énoncé pour construire le triangle. Ces variables correspondent à celles que nous avons identifiées dans la section 3.5.3 et les types de tâches ainsi définis correspondent à ceux que nous avons listés lorsque nous avons décrit le MPR (cf. section 4.2.1.a.). Or, les élèves ne résolvent pas des types de tâches mais bien des tâches qu’il faut également générer. Nous définissons un niveau intermédiaire entre les types de tâches et les tâches : celui des familles de tâches. La famille de tâches est la plus petite unité de modélisation du savoir que nous prenons en compte, les tâches composant une famille de tâches sont donc considérées comme semblables à l’aléatoire de génération près. Pour caractériser ces familles de tâches, nous définissons donc un deuxième niveau de variables qui intervient une fois le type de tâches instancié à partir des variables de types de tâches. Ces variables sont appelées variables de tâches.
Variables de tâches
Nous l’avons vu dans la section 2.2, nous confrontons d’abord l’élève à la limite de portée des techniques (anciennes ou qui vont devenir anciennes) qu’il utilise et donc à la nécessité de mobiliser d’autres techniques associées à d’autres technologies idoines pour résoudre un type de tâches donné. Puis, une fois une praxéologie ponctuelle correspondant à une technologie visée introduite, nous jouons sur la complexité des tâches proposées. Ce sont les variables de tâches qui permettent de caractériser la portée des techniques en jeu dans la résolution des tâches d’une famille de tâches, ainsi que la complexité mathématique de ces tâches. Pour les types de tâches de construction, elles sont en lien avec les conditions didactiques relatives aux tâches de construction que nous avons relevées dans la section 3.5. Dans la section 3.5.3, nous avons identifié des variables liées à la portée des techniques et d’autres liées à la complexité de la tâche (ici, de la famille de tâches). Plus particulièrement concernant la portée des techniques, nous définissions deux types de limitations ou de blocages des techniques : — la limitation de la portée des techniques perceptives ou appuyées sur des instruments de mesure, en concevant des tâches pour lesquelles ces techniques ne peuvent pas suffire à résoudre la tâche. En plus des variables de tâches liées à la portée des techniques, cette fonction est essentiellement liée au choix des types de tâches dans le MPR et au contexte de la géométrie dynamique, en particulier en se plaçant dans le paradigme des constructions robustes (cf. section 6.4) ; — le blocage de certaines propriétés, par exemple en empêchant l’utilisation d’un outil pour construire des angles, on bloque la mobilisation directement dans la construction des propriétés relatives aux angles et on incite à mobiliser d’autres propriétés dans un raisonnement potentiellement plus complexe. Cette fonction est assurée par les variables de tâches liées à la portée des techniques. Concernant la complexité, nous nous appuyons notamment sur les adaptations des connaissances (Robert, 2008b) (cf. section 2.2.2). En plus des variables de tâches liées à la portée des techniques qui jouent également sur la complexité de la tâche, nous définissons en particulier des variables de tâches qui modifient par exemple la reconnaissance des modalités d’application de certaines propriétés et qui rendent nécessaire l’introduction d’intermédiaires ou de pas de raisonnement supplémentaires. Ainsi, la désignation du triangle équilatéral comme un triangle isocèle avec un angle de 60◦ nécessite une appréhension différente de la figure à construire, en lien avec les 203 7.2. Modélisation didactique des tâches notions de sens et dénotation que nous avons étudiées dans la section 3.1.3. Ainsi, les variables de tâches identifiées par le sigle Vt_P spécifient la portée de la technique visée et les limites des technologies anciennes. Les variables de tâches identifiées par le sigle Vt_C caractérisent la complexité mathématique de la tâche pour une certaine instanciation des variables Vt_P. Pour le générateur de types de tâches GT1 déjà présenté, les variables de tâches sont : — Vt_P1 : élément(s) déjà tracé(s) de la figure à construire. — Vt_P2 : outils disponibles pour la construction, en particulier nous nous intéressons à la présence du report de longueur et du constructeur d’angle 2 . — VT_C1 : nombre minimum de propriétés à mobiliser pour résoudre la tâche. — VT_C2 : registre de représentation de l’énoncé et désignation du triangle dans l’énoncé. — Vt_C3 : présence d’objet(s) géométrique(s) externe(s) à la figure à construire (quadrillage, une autre figure à l’intérieur de ou sur laquelle il faut construire le triangle, etc.). Toutes ces variables caractérisent les familles de tâches mais une partie d’entre elles suffit effectivement à les générer. En effet, la variable Vt_C1 peut être déduite de l’instanciation des autres variables. Par la suite, nous étudierons son rôle particulier dans la définition des parcours d’apprentissage. Pour chacune de ces variables, nous définissons l’ensemble des valeurs qu’elle peut prendre : — Vt_P1 : {aucun ; un côté ; deux droites particulières du triangle} × {en position prototypique ; en position non prototypique}. — Vt_P2 : {report de longueur ; constructeur d’angle ; report de longueur et constructeur d’angle}, et, si nécessaire l’outil perpendiculaire ainsi qu’éventuellement des outils inutiles pour résoudre la tâche mais qui permettent d’éviter un contrat didactique amenant l’élève à penser que tous les outils à disposition sont toujours utiles. — VT_C1 : {0 ; 1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5+}.