Modélisation des transferts thermiques dans les PIV

Modélisation des transferts thermiques
dans les PIV

Transferts thermiques dans les PIV

Les PIV ne sont pas à considérer comme des matériaux homogènes mais plutôt comme des systèmes, constitués de plusieurs éléments à base de matériaux différents. Les PIV n’ont donc pas de conductivité thermique au sens propre, qui est une propriété de matériau homogène. Ils sont néanmoins le lieu de transferts thermiques que l’on aimerait caractériser et modéliser, analytiquement ainsi que numériquement, dans des modèles thermiques de bâtiments complets. L’approche utilisée pour cette caractérisation est la recherche d’une conductivité thermique totale apparente λapp, dans la direction perpendiculaire au plan du panneau. Cette grandeur dépend des matériaux utilisés et de la fabrication du panneau, que l’on peut regrouper sous le terme de « type » du panneau, mais aussi de sa géométrie externe : surface A et épaisseur d. Soit un PIV donné soumis à un gradient thermique ∆T , et transmettant un flux thermique total Φtot. Cette conductivité thermique totale apparente est telle qu’un panneau fait d’un matériau homogène fictif de conductivité λapp et de même géométrie, soumis à un même gradient de température, transmettrait le même flux thermique. Soit d’après la loi de Fourier : Φtot = λapp d ∆T (2.1) Cette conductivité thermique apparente peut alors être utilisée dans des logiciels de modélisation thermique pour simuler le comportement de bâtiments équipés de tels isolants. La recherche d’un modèle permettant de calculer λapp est donc d’une grande importance pour la modélisation thermique. Les objectifs d’une telle modélisation sont multiples : 1. Déterminer les différents mécanismes de transferts thermiques dans les PIV 2. Comprendre en quoi ces mécanismes sont responsables des bonnes performances thermiques 3. Déterminer et comprendre les phénomènes de vieillissement conduisant à une dégradation de la performance thermique.Construire un modèle de transfert thermique donnant une conductivité thermique apparente qui évolue selon le vieillisseme.Les transferts thermiques au sein du matériau de cœur seront étudiés dans un premier temps : transferts radiatifs, transferts solides, transferts gazeux. A cette participation du matériau de cœur, il faudra ajouter le flux dû à la présence de la membrane. Les différents flux thermiques agissent en parallèle, nous parlons donc d’un modèle à flux parallèles, qui permet d’étudier chaque flux indépendamment puis de sommer les différentes contributions (voir figure 2.1). Il s’agit d’une approche simplifiée, qui néglige le couplage entre mode transfert, mais qui est couramment utilisé pour les transferts thermiques dans les PIV. Le problème du couplage des différentes modes de transfert thermique sera discuté dans le paragraphe 2.2.7. Lorsqu’un flux thermique élémentaire déterminé Φelem est une fonction linéaire du gradient de température, on peut lui associer une conductivité thermique élémentaire λelem, qui respecte l’équation suivante : Φelem = λelem d ∆T (2.2) Lorsque les flux thermiques agissent en parallèle, le flux total est la somme des flux élémentaires : Φtot = ΣΦelem = Σ µ λelem d ∆T ¶ = ∆T d Σλelem (2.3) On déduit des équations 2.1 et 2.3 l’expression de la conductivité apparente totale : λapp = Σλelem (2.4) On parlera par la suite de la conductivité apparente λcop pour le matériau de cœur seul, et de la conductivité λtot pour la conductivité apparente totale du PIV, qui inclut le pont thermique dû à la tranche.

Propriétés thermiques des silices nanostructurées 

Description du matériau de cœur

 Les “silices nanostructurées” sont des matériaux dont la microstructure confère des propriétés thermo-physiques très spécifiques. C’est une famille de matériaux qui comprend les aérogels de silice, les xerogels de silice, les poudres de silice précipitées, les poudres de silice pyrogénées, et les fumées de silice. Une silice nanoporeuse a une conductivité thermique faible à pression atmosphérique, et particulièrement basse sous vide primaire. C’est un matériau très intéressant pour les Panneaux d’Isolation sous Vide [10]. Ces propriétés sont principalement dues à la structure du volume poreux, qui représente 85 à 95 % du volume total, et qui est constitué de pores ayant une taille caractéristique entre 2 et 50 nm. L’International Union of Pure and Applied Chemistry (IUPAC) a établi des recommandations concernant la définition des pores selon leur taille caractéristique δ [18]. Elles sont reportées sur le Tableau 2.1 et seront utilisées dans ce document. Il est à noter que l’expression “silice nanoporeuse”, communément utilisée, devrait être remplacée par l’expression “silice mésoporeuse” dans le respect de ces recommandations. Plusieurs mesures, sur un aérogel de silice [19], une poudre de silice pyrogénée (Wacker HDK T30) et une poudre de silice précipitée (Sipernat 500LS) [20], ont en effet montré que la taille caractéristique des pores est majoritairement comprise entre 2 et 50 nm (voir Figure 2.2). L’expression “silice nanoporeuse” sera tout de même utilisée pour désigner le type de matériau, et le terme mésopores sera utilisé pour des pores dans l’intervalle 2-50 nm, afin d’être aussi précis que possible, particulièrement quand plusieurs volumes poreux coexistent (mésopores et espaces intergranulaires dans un aérogel granulaire par exemple).Les aérogels de silice, et les poudres de silice pyrogénées et précipitées ont des microstructures différentes, leurs propriétés thermo-physiques peuvent donc varier d’un matériau à un autre. En particulier, la dépendance à la pression gazeuse dans le volume poreux de la conductivité thermique apparente varie d’un matériau à un autre. La conductivité thermique liée au transfert gazeux est une fonction croissante de la pression, nulle pour un vide suffisamment poussé, et égale à la conductivité thermique de l’air immobile en conditions standards (λai r = 25mW/(m·K)) pour une pression suffisamment grande (pression atmosphérique pour les matériaux macroporeux, ou même pression supérieure pour les microporeux ou nanoporeux). Pour cette dépendance les formes fonctionnelles sont les mêmes quel que soit le matériau, mais les paramètres sont différents. On définit la pression caractéristique p1/2 comme pression pour laquelle le transfert thermique gazeux est la moitié de la valeur maximale 25mW/(m·K). Les poudres de silices pyrogénées sont les matériaux ayant la pression caractéristique la plus élevée. Ce sont donc les silices nanoporeuses les moins sensibles à une remontée en pression à partir d’une mise sous vide initiale. La marge est plus grande que pour les autres matériaux, à vide initial et vitesse d’augmentation de pression fixés, avant d’atteindre une certaine valeur critique de conductivité thermique. C’est la raison pour laquelle ces silices pyrogénées sont les plus utilisées dans les PIV. Nous nous intéresserons donc plus particulièrement à ces matériaux. Sur la Figure 2.3, le process de production des silices pyrogénées est illustré. La combustion de tetrachlorosilane avec de l’hydrogène et de l’oxygène conduit à la formation de nanoparticules d’une dizaine de nm de diamètre. Ces nanoparticules s’associent pour former des agrégats, sous la forme chaînes ramifiées ayant une longueur de quelques centaines de nm [21]. Ces agrégats sont insécables. L’agglomération de ces agrégats produits des microparticules (≈ 10µm), utilisées comme matériau de cœur pour les PIV. Trois photographies de silice nanoporeuse, obtenues par microscopie électronique en transmission (TEM) et microscopie électronique à balayage (SEM), sont présentées sur la Figure 2.4. Sur la Figure 2.4a, les nanoparticules de silices sont visibles. Afin d’améliorer les propriétés du matériau, deux composants sont généralement ajoutés à la silice [21] : 1. Des particules micrométriques, utilisées comme opacifiants, afin de diminuer le transfert radiatif de la matrice de silice (voir Figure 2.4b) 2. Des fibres micrométriques, qui assurent un renfort mécanique au PIV (voir Figure 2.4c)

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 Modèle à flux parallèles

La modélisation des échanges thermiques à travers la silice se fait en considérant les trois modes suivants : le transfert radiatif, le transfert conductif dans la matrice solide, et le transfert gazeux. Le calcul de la conductivité thermique apparente du matériau de cœur λcop nécessite en théorie de considérer simultanément ces trois transferts. C’est cependant un problème de couplage complexe, à une échelle où la physique conventionnelle n’est plus valide. Une approche analytique simplifiée, qui consiste à calculer la participation de chaque type de transfert de manière découplée et à en faire ensuite la somme (en incluant éventuellement un terme de couplage), est la plupart du temps utilisée [22, 24–35] : λcop = λr ad +λsol +λg (+λcp l) (2.5) Les modèles utilisés pour calculer les contributions des différents modes de transfert thermique sont détaillés dans les chapitres suivants. Pour chaque mode, les paramètres des modèles identifiés sur différents échantillons de silices sont reproduits dans le paragraphe correspondant, et toutes ces données sont rassemblées dans le tableau A.1 en Annexe. 

Transfert radiatif 

Le transfert radiatif dans un matériau poreux semi-transparent tel qu’une silice nanoporeuse est un phénomène complexe à modéliser. La résolution de l’équation de transfert radiatif dans ce type de milieu implique une méthode numérique particulièrement lourde à mettre en place. Plusieurs théories et modèles simplifiés, basés sur des raisonnements établis à différents niveaux de détail, ont été proposés pour calculer la participation du transfert radiatif dans le transfert thermique total pour ces silices nanoporeuses. 

 Approximation de Rosseland

 Les silices nanoporeuses sont des matériaux semi-transparents (émettant, absorbant et diffusant le rayonnements incident), elles sont le siège d’un transfert radiatif. Pour les applications en parois opaques, l’utilisation de silice granulaire avec ajout d’un opacifiant sous forme de poudre (noir de carbone, carbure de silicium…) permet de réduire ce transfert radiatif. Cet opacifiant rend le milieu optiquement épais, le libre parcours moyen des photons thermiques est autour de 100µm [36] contre une épaisseur minimale de panneau de 1cm (soit une épaisseur optique de l’ordre de 100). Les transferts radiatifs dans ces matériaux sont généralement représentés par une conductivité thermique équivalente issue de l’approximation de Rosseland dans la plupart des modèles : λr ad = 16 3 σn 2T 3 E(T ) (2.6) σ = 5,67×10−8 W/(m2 ·K 4 ) est la constante de Stefan-Boltzmann. n est l’indice de réfraction du milieu, généralement n ≈ 1 pour une silice opacifiée.T est ici la température moyenne de radiation : T = 3 r (T 2 1 +T 2 2 )(T1+T2) 4 (T1 et T2 sont les températures à chaque extrémité de la matrice de silice). E(T ) est la moyenne de Rosseland du coefficient d’extinction de l’approximation de transport exprimé en m−1 , obtenu par intégration du spectre du coefficient d’extinction de l’approximation de transport β t r λ . On peut calculer un coefficient d’extinction spécifique, rapport du coefficient d’extinction sur la masse volumique apparente : e(T ) = E(T )/ρapp Le Tableau 2.2 recense plusieurs valeurs expérimentales du coefficient d’extinction spécifique moyen de Rosseland, sur différents échantillons de silice opacifiée ou non. On peut y voir l’influence de la nature et de la concentration de l’opacifiant. Les propriétés radiatives sont données pour la température indiquée en colonne Tmeas. On obtient typiquement une composante radiative λr ad de l’ordre de 0,7 mW/(m·K) pour une silice précipitée de densité ρ = 180 kg/m3 et d’extinction spécifique e = 60m2 /kg, opacifiée au noir de carbone à 10 % (échantillon RUSIP19). Cette configuration divise par trois le transfert thermique radiatif par rapport à la même silice non opacifiée. 

Approximation de Rayleigh pour la diffusion

 Plusieurs études destinées à estimer les propriétés radiatives des silices nanoporeuses sont reportées dans la littérature. Coquard et Quénard [39] ont modélisé le transfert radiatif dans une matrice de silice nanoporeuse non opacifiée, par l’approximation de Rayleigh pour la diffusion. Considérons le cas d’ondes électromagnétiques planes monochromatiques de longueur d’onde λw , se propageant dans un milieu d’indice optique complexe mm, en interaction avec une particule sphérique homogène de diamètre dp et d’indice mp. Le paramètre de taille est défini par x = πdg /λw , et mr = mp/mm est le rapport des indices des milieux.L’approximation de Rayleigh est applicable lorsque deux conditions sont réunies simultanément : x ¿ 1 et |mr |x ¿ 1. Dans le cadre de cette approximation, les efficacités de diffusion Qsca et d’absorptionQabs, reliées respectivement aux coefficients de diffusion et d’extinction par Qsca = 4σ Nπd 2 p et Qabs = 4β Nπd 2 p (N est la densité de particules, en m−3 ) .Dans leur article, Coquard et Quénard  ont assimilé la matrice de silice à un nuage de particules diffusantes de silices identiques et indépendantes (diamètre 10 nm), et l’équation de transfert radiatif est résolue par la méthode des ordonnées discrètes. L’intervalle de longueur d’onde considéré est [5µm−50µm]. Dans cet intervalle, les valeurs maximales sont x = 0,006 et les indices sont suffisamment proches de 1 pour que la condition |mr |x ¿ 1 soit vérifiée. La diffusion de Rayleigh est donc appliquée. La conductivité radiative est calculée pour deux pressions internes différentes : 10 mbar et 1 bar. Dans les deux cas, la valeur estimée est 5mW/(m·K) pour une silice de masse volumique ρ = 150 kg/m3 , ce qui représente respectivement 30 % et 16 % de la conductivité thermique totale estimée dans cette publication (17 et 32mW/(m·K))

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