Modélisation des processus
La modélisation mathématique des processus de surface et de subsurface a été dès la fin des années 60 un sujet d’intérêt pour les hydrologues [Kirkby, 1978]. Les modèles distribués sont directement basés sur les équations décrivant les processus dans le bassin versant. Freeze et Harlan [Freeze et Harlan, 1969] ont proposé un cadre général pour la modélisation de l’ensemble surface/subsurface. Le cycle de l’eau présenté dans la première partie n’est pas pris en compte dans sa totalité. Les écoulements en macropores par exemple ne sont pas modélisés. Seuls sont considérés les processus d’infiltration, de ruissellement, d’écoulement de nappe, d’alimentation des rivières. Ce formalisme général constitue aujourd’hui encore la base de tous les modèles distribués. Freeze et Harlan décrivent dans leur article les équations permettant de représenter les différents processus et comment coupler ces équations en utilisant des frontières communes. Ces équations sont des équations aux dérivées partielles non linéaires et ne peuvent être résolues qu’à l’aide de méthodes numériques. Les écoulements de surface (ruissellement, rivières) sont décrits par les équations de Saint-Venant ou leurs approximations. Les écoulements dans les milieux saturés sont décrits par l’équation de Darcy combinée à une équation de conservation [Bear, 1972]. Les écoulements dans la zone non saturée (infiltration) sont modélisés à l’aide de l’équation de Richards [Richards, 1931]. Notre étude s’insère dans ce cadre général de modélisation. L’objectif de cette partie est donc de présenter les méthodes classiques de modélisation des processus de surface et de subsurface.
Écoulements de subsurface
Écoulements dans la zone saturée
L’équation de base dans la description des écoulements en zone saturée dans les modèles distribués est la loi de Darcy. Cette loi suppose qu’il existe une relation linéaire entre la vitesse d’écoulement et le gradient hydraulique. Le coefficient de proportionnalité est appelé conductivité hydraulique et caractérise la capacité du milieu à transmettre de l’eau. L’équation de Darcy peut être écrite dans le cas d’un milieu isotrope [De Marsily, 1986] : −→U = −Ksat −→∇(H) (1.1) 29 Modélisation des processus avec −→U la vitesse de Darcy [LT −1 ], H la charge hydraulique totale [L] et Ksat la conductivité hydraulique du milieu [LT −1 ]. On définit la charge hydraulique H d’un fluide incompressible et soumis à la gravité par [De Marsily, 1986] : H = u 2 2g + p ρg + z (1.2) où u est la vitesse réelle du fluide au point considéré [LT −1 ], g l’accélération de la pesanteur [LT −2 ], p la pression [ML−1T −2 ], ρ la masse volumique de l’eau [ML−3 ] et z la côte du point [L]. En milieu poreux, les vitesses réelles sont toujours très faibles et on peut négliger le terme de charge dynamique u 2 2g . La charge hydraulique se réduit alors à la charge statique et peut s’écrire : H = h + z (1.3) avec h = p/ρg la pression exprimée en mètres. Cette équation a été établie vers 1850 par Henry Darcy. Suite aux progrès réalisés en mécanique des fluides, certains auteurs ont montré que cette loi pouvait être retrouvée à partir des équations de Navier-Stokes en supposant que le régime d’écoulement reste laminaire et que les pores ont une géométrie particulière (e.g. [Hassanizadeh, 1986]). Cette loi est une bonne approximation des écoulements dans les matrices poreuses à peu près homogènes. Elle n’est pas valide dans le cas de systèmes hétérogènes ou présentant une macroporosité. Depuis quelques années, l’emploi de cette loi dans des modèles distribués avec de grosses taille de maille est remis en question (e.g. [Reggiani et al, 1999]). Il semble que dans ce cas la loi de Darcy soit trop grossière et que les valeurs de conductivité hydraulique dans ces modèles soient très différentes des valeurs estimées à partir des mesures de terrain. La deuxième équation de base est l’équation de conservation de la masse : ∂(ρθ) ∂t = − −→∇.(ρ −→V ) + q (1.4) où t est le temps [T], ρ la masse volumique de l’eau [ML−3 ], θ la teneur en eau volumique, −→V est le vecteur vitesse [LT −1 ] et q le terme source [T −1 ]. L’équation globale décrivant les écoulements dans la zone saturée résulte de la combinaison de la loi de Darcy avec l’équation de conservation de la masse. En introduisant l’Eq 1.1 dans l’équation de conservation Eq 1.4, on obtient : ∂(ρθ) ∂t = −→∇.(ρKsat −→∇(H)) + q (1.5) 1.1. Écoulements de subsurface 31 En supposant le fluide incompressible, on peut simplifier cette équation et la mettre sous la forme [Beven, 2001] : S ∂H ∂t − −→∇.(Ksat −→∇(h + z)) = q (1.6) où S est le coefficient d’emagasinement du milieu [L −1 ] et q représente les termes sources/puits.
Écoulement en zone non saturée
Richards [Richards, 1931] a généralisé l’équation de Darcy au début des années 1930 pour décrire le comportement des milieux non saturés. Les expériences à petite échelle ayant montré que le comportement des sols était très non-linéaire en fonction de l’humidité, Richards supposa que cette même relation pouvait s’appliquer mais avec une conductivité hydraulique non-linéaire dépendant de l’humidité ou de la pression capillaire. L’équation de Richards, aussi appelée équation de Darcy généralisée, s’écrit donc pour un milieu isotrope [Bear, 1972] : −→U = −K(h) −→∇(H) (1.7) où −→U est la vitesse d’écoulement dans le milieu [LT −1 ], K(h) la conductivité hydraulique du milieu dépendant de la pression d’eau h dans le sol. On définit cette pression à partir de la pression capillaire pc [L] dans le milieu. Par définition , on a : pc = pnw − pw avec pnw la pression du fluide dit non mouillant [L] (dans notre cas l’air) et pw la pression du fluide dit mouillant [L] (dans notre cas l’eau). La pression d’eau h dans le milieu est définie par : h = −pc On suppose dans la suite du manuscrit que l’écoulement d’air est infiniment rapide et on choisit la pression atmosphérique comme pression de référence. Par conséquent, la pression d’eau h est positive dans la zone saturée et négative dans la zone non saturée. Dans le cas des écoulements en milieu non saturé, l’équation de mouvement résulte de la combinaison de l’équation de Richards (Eq 1.7) et de l’équation de la conservation de la masse (Eq 1.4). On obtient alors en supposant le milieu et le fluide incompressibles : C(h) ∂H ∂t − −→∇.(K(h) −→∇(h + z)) = q (1.8) où C(h)= ∂θ/∂h [L −1 ] est la capacité capillaire caractérisant la variation de teneur en eau θ avec la pression capillaire h et q le terme source/puits.