Modélisation de l’évolution microstructurale des matériaux métalliques en conditions extrêmes
Définition du modèle champ de phase continu
Dans cette section, nous définissons un modèle champ de phase continu couplant lacunes, cavités et montée de dislocations. Nous définissons dans un premier temps les champs pertinents. Dans un second temps nous construisons le paysage énergétique dans lequel évolue notre système. Enfin, nous détaillons les cinétiques selon lesquelles chaque champ évolue de manière à dissiper l’énergie du système.
Champs pertinents
Nous définissons un modèle champ de phase continu couplant lacunes, cavités et montée de dislocations. Nous considérons le système de taille (Lx, Ly, Lz) schématiquement présenté figure 2.1. Une boucle de dislocation prismatique monte dans un plan x = x0. Elle interagit avec un pore et un champ de lacunes. La présence de ces défauts induit des déformations locales. Pore et boucle de dislocation peuvent interagir par le biais de la diffusion de lacunes ou des interactions élastiques longue portée. La généralisation à plusieurs boucles, associées à différents plans de montée, et plusieurs pores est évidente. Nous définissons ci-après 4 champs : — La boucle de dislocation prismatique est représentée par un champ ϕ [Geslin et al., 2014b] : Φ(r, t) = ϕ(y, z)δ(x − x0) où ϕ((y, z), t) = 0 à l’intérieur de la matrice 1 à l’intérieur de la boucle (2.1) La fonction de Dirac δ(x−x0)traduit mathématiquement le confinement de la dislocation dans son plan de montée. — Les lacunes sont représentées par leur champ de concentration c(r, t). — Les cavités ou pores – les deux dénominations seront employées indifféremment – sont représentés par un champ η(r, t) : η(r, t) = 0 à l’intérieur de la matrice 1 à l’intérieur d’une cavité (2.2) — Un champ de déformation ϵ∼ (r) rend compte des effets élastiques au sein du système. 26 Chapitre 2. Modèle champ de phase couplant lacunes, cavités et dislocations Figure 2.1 – Représentation schématique du système simulé. Vue en 3D et vue selon y. La cavité se ferme ou grossit par émission ou absorption de lacunes. La boucle de dislocation émet ou absorbe également des lacunes en se fermant ou en grossissant dans son plan de montée, ici en x = x0. Une loi de conservation lie les champs η, ϕ et c [Geslin et al., 2014b]. Nous définissons ainsi le champ conservé Ψ(r, t) suivant : Ψ(x, y, z) = b ϕ(y, z)δ(x − x0) + c(x, y, z) + η(x, y, z) (2.3) Comme nous le verrons plus loin, les champs ϕ et η, non conservés, suivront une dynamique de type Allen-Cahn tandis que l’évolution du champ c sera déduite d’une équation de conservation de type Cahn-Hilliard imposée au champ Ψ (voir section 1.4.1).
Fonctionnelle d’énergie libre
À l’échelle mésoscopique, la densité d’énergie libre est formulée sous la forme d’une somme de densités d’énergie associées chacune à l’un des processus ou objets que l’on souhaite traiter. Ici, il s’agit de l’énergie liée à la présence de lacunes, représentées par le champ c(r), de l’énergie liée aux cœurs des dislocations, représentées par le champ ϕ(r), de l’énergie associé à la surface des pore, représentés par le champ η(r) et, enfin, de l’énergie élastique associée à un champ de déformation ϵ∼ (r), lui-même généré par les variations spatiales des champs c(r), ϕ(r) et η(r). L’énergie libre totale F sera donc une fonctionnelle de ces champs : F
Implémentation numérique
Dans cette section nous détaillons l’implémentation numérique de notre modèle. Dans un premier temps nous explicitons nos choix d’adimensionnement. Puis nous mettons en place une solution numérique pour décrire l’évolution des champs c, ϕ et η. Nous présentons en outre une démarche inédite pour décrire l’évolution du champ de concentration des lacunes c inspirée d’hypothèses physiques simplificatrices.
Adimensionnement
Nous réalisons ci-après l’inventaire des grandeurs qui caractérisent notre modèle, en terme d’espace, de temps et d’énergie. Nous utilisons ensuite ces grandeurs pour adimensionner les paramètres physiques de notre modèle de manière à en optimiser l’implémentation numérique. Les choix que nous faisons sont semblables à ceux faits dans Geslin et al. [2014b] et Rokkam et al. [2009], avec toutefois des différences, que nous expliquons maintenant. L’implémentation numérique impose une discrétisation spatiale de notre modèle continu sur une grille. Nous choisissons ici une grille cubique et nous appelons d [m] son pas, longueur caractéristique 38 Chapitre 2. Modèle champ de phase couplant lacunes, cavités et dislocations de notre modèle. Nous nous laissons libres de choisir cette distance en fonction de la simulation que nous réalisons. Contrairement à Geslin et al. [2014b] ou Rokkam et al. [2009], elle n’est pas forcément liée à un paramètre de maille ni ne découle d’un phénomène physique particulier. Ce choix nous permet en particulier de simuler des cavités de tailles nanométriques en fixant d sub-ånströmique ou bien de simuler des pores de tailles micrométriques en fixant d de l’ordre de la centaine de nanomètre. Aux coordonnées (x, y, z) de l’espace continu est associé le triplet (l, m, n) de la grille numérique. Les boucles prismatiques deviennent des plaquettes d’épaisseur d [Geslin et al., 2014b]. La fonction de Dirac δ(x) trouve son équivalent discret dans une fonction créneau H(l) de largeur le pas de grille d, soit δ(x) → H(l)/d. Nous ne discrétisons pas les opérateurs différentiels mais préférons employer leur équivalent local dans l’espace réciproque dans lequel nous nous plaçons pour la résolution des équations (2.26) à (2.28). Cette transposition directe d’un opérateur réel continu par son équivalent toujours continu dans l’espace réciproque discrétisé dans le cadre d’un schéma FFT discret peut être à l’origine d’oscillations liées à du frottement sur la grille, notamment lorsque les interfaces sont abruptes [Finel et al., 2018]. Nous nous assurons dans chacune de nos simulations que les zones interfaciques des champs sont bien décrites par un nombre assez important de points de grille (minimum 6) de manière à s’affranchir de ce problème. Nous adoptons comme temps caractéristique de nos équations d’évolution τ = d 2/Dvc0, basé sur le temps de diffusion d’une lacune sur la distance d, t0 = d 2/Dv. En adimensionnant les énergies par l’énergie caractéristique f0 = kBT /Ω, le choix d’adimensionner le temps par τ , lié à la diffusion des lacunes, mène logiquement à une mobilité des lacunes adimentionnée M˜ = 1. Nous ne faisons donc plus apparaître M˜ dans les équations qui suivent. Nous adimentionnons les différentes quantités physiques de l’équation (2.25). Ces quantités adimensionnées sont notées □˜ et sont récapitulées dans le tableau 2.1.
Notations |