Modélisation de la solubilité
La sélection d’une huile de lubrification se fait sur la base d’un diagramme, appelé diagramme de Daniel (Figure III. 1). Il est composé de deux parties : – Un diagramme pression-température, représentant la solubilité à l’équilibre du fluide frigorigène dans l’huile de lubrification. Autrement dit, il s’agit de la fraction de fluide frigorigène dans la phase liquide du mélange à l’équilibre à température et pression fixes. – Un diagramme viscosité cinématique-température, représentant la viscosité cinématique de cette même phase liquide à la même température, pression et composition d’équilibre. Ainsi, pour des conditions opératoires fixées (température et pression), il est possible de comparer la valeur de la viscosité cinématique d’un mélange fluide frigorigènehuile de lubrification à la valeur recommandée par le fabricant du compresseur. On peut alors conclure sur la possibilité d’utiliser cette huile pour le fluide préalablement retenu, dans les conditions opératoires d’intérêt. Pour tracer les diagrammes de Daniel, il faut mesurer ces propriétés (solubilité et viscosité cinématique) à l’équilibre pour différentes températures. Cette méthode nécessite une campagne de mesures spécifique aux mélanges étudiés. Au regard du grand nombre d’huiles disponibles sur le marché, il est inenvisageable, pour un fluide présélectionné, de pouvoir mesurer la solubilité et de viscosité cinématique pour tous les mélanges possibles. L’utilisation de modèles permettant de calculer la solubilité et la viscosité cinématique à l’équilibre permet de faciliter l’obtention des diagrammes de Daniel, en limitant le nombre de mesures nécessaires. En effet, on ne pourra pas s’affranchir d’un minimum de données expérimentales permettant d’ajuster les paramètres des modèles utilisés, comme les paramètres d’interaction binaire, et la validation des modèles. L’objectif de la partie modélisation de cette thèse est d’avoir des modèles qui calculent : Modélisation de la solubilité 97 – les compositions liquides et vapeur du mélange à l’équilibre, à température et pression fixées. – la viscosité cinématique liquide d’un mélange de composition connue à température et pression fixées. Figure III. 1 : Diagramme de Daniel d’un mélange HFC-134a – Reniso Triton SE55. De bas en haut : Diagramme de solubilité en fonction de la température et de la pression. Diagramme de viscosité cinématique en fonction de la température et de la composition en huile. Les données d’équilibre liquide-vapeur sont représentées dans un diagramme de phases. Ce sont des représentations graphiques des phases en équilibre thermodynamique en fonction de la pression, température, et composition d’un système. Par exemple, le diagramme P-x, y d’un mélange binaire (Figure III. 2) représente les équilibres entre phase liquide et vapeur à température fixe. Les coordonnées d’un point (pression et composition) nous renseignent sur l’état de ce système. Par exemple, un mélange équimolaire à 2 MPa est à l’état liquide. Le même mélange à 0.5 MPa est à l’état vapeur alors qu’à 1.5 MPa il forme deux phases à l’équilibre, liquide et vapeur. Les frontières d’existence de l’équilibre liquide-vapeur sont formées de deux courbes. La courbe de bulle, représente la phase liquide à l’équilibre avec une phase vapeur (liquide saturé). La courbe de rosée, représente la phase vapeur en équilibre avec une phase liquide (vapeur saturante). La composition de la phase liquide est lue sur la courbe de bulle (point x) et la composition de la phase vapeur est lue sur la courbe de rosée (point y). Figure III. 2 : Diagramme de phase d’un mélange binaire à 333.15 K. Source : (Boonaert et al., 2020). L : Domaine liquide, V : Domaine vapeur, L-V : Domaine liquide-vapeur, x : fraction du composé i dans le liquide, y : fraction du composé i dans la vapeur, Péq : Pression d’équilibre. Pour construire un diagramme P-T, comme présenté dans le diagramme de Daniel, à partir d’un diagramme P-x, y, il est nécessaire d’obtenir plusieurs diagrammes P-x, y à différentes températures (Figure III. 3). Le diagramme (a) représente la courbe de bulle d’un mélange fluide frigorigène-huile de lubrification et donc la composition de la phase liquide que l’on retrouve dans le diagramme (b). 99 Figure III. 3 : Diagrammes d’un mélange fluide frigorigène-huile de lubrification. (a) Diagramme P-x, y, (b) diagramme P-T. ◆: Isotherme à T1, ■ : Isotherme à T2, ▲ : Isotherme T3, ● : Isotherme T4. Les fluides frigorigènes et les huiles de lubrification sont composés de molécules de tailles et masses très différentes (Une centaine de g.mol-1 pour les fluides frigorigènes contre plusieurs centaines de g.mol-1 pour les huiles). De plus, les huiles de lubrification ont une température critique plus élevée et une pression critique plus basse que les fluides frigorigènes : les huiles sont moins volatiles que les fluides frigorigènes et leur pression de vapeur saturante est très basse par rapport à celle du fluide frigorigène (Rudnick, 2020). L’huile est donc peu ou pas présente dans la phase vapeur et la fraction molaire en fluide frigorigène est proche de 1 dans cette phase (Figure III. 4a). En conséquence la courbe de rosée est verticale. A cause de cette asymétrie, les mélanges fluides frigorigènes – huiles de lubrification ont tendance à former des équilibres liquide-liquide (Monsalvo, 2006), (QuiñonesCisneros et al., 2005). Ces équilibres liquide-liquide peuvent être ininterrompus (Figure III. 4b) ou laisser des zones de miscibilité totale (Figure III. 4c). Ils sont souvent formés à basse température et peuvent disparaître lorsque la température augmente (Figure III. 4d)