Modélisation de la scintillation ionosphérique en zone équatoriale
INTRODUCTION AU PROBLÈME DE SCINTILLATION IONOSPHÉRIQUE
MODÈLE EN COUCHES DE L’IONOSPHÈRE
L’ionosphère est la couche de notre atmosphère située entre environ 70 et 1000 km d’altitude, ses frontières n’étant pas précisément définies [Kenneth, 1990]. Cette couche ne rentre cependant pas dans la stratification verticale habituelle de l’atmosphère et pour cause : celle-ci est basée sur les variations de températures en fonction de l’altitude, comme présenté dans la Figure 1.1.. Or, les frontières de l’ionosphère, de même que son nom, sont données par les éléments qui la composent : des particules chargées. Des ions donc, mais également des électrons libres. Ils sont issus, via l’irradiation par les rayonnements X et ultraviolets du soleil, d’atomes et molécules neutres. Les éléments subissant majoritairement cette dissociation sont les molécules de dioxygène ( ), de diazote ( ) ainsi que les atomes d’oxygène ( ) [Hunsucker et al., 2003]. Les ions se recombinent ensuite entre eux pour former des molécules ou des atomes neutres (majoritaires) : la structure de la couche est donc fonction de l’équilibre de la réaction chimique. Celui-ci dépend de l’altitude : d’où un classement de l’ionosphère en plusieurs sous-couches comme présenté dans la Figure 1.2. 6 Thèse de Doctorat Aurélien GALMICHE Ces sous-couches possèdent des caractéristiques particulières. La Figure 1.3 propose des modélisations du profil vertical de densité électronique de l’ionosphère en fonction de l’altitude, de l’activité solaire (l’année 1991 est maximale en terme d’activité solaire, et 2009 est un minimum) et de la période journuit aux latitudes moyennes obtenues grâce au modèle IRI [Bilitza, 2001], [Bilitza et al., 2014]. La couche D est située entre 70 et 90km d’altitude. On y trouve principalement de l’oxyde d’azote ( ), et les ions positifs et ainsi que l’ion négatif qui le jour se scinde en sous l’effet du soleil. En raison de leur poids, il est possible d’y trouver également des ions lourds [Mushini, 2012]. La couche E s’étend de 90 à 150km d’altitude, avec un pic d’ionisation entre 100 et 120km. Les éléments chargés majoritairement présents dans la couche sont les ions , et [Kenneth, 1990] [Hunsucker et al., 2003]. La source principale d’ionisation de la couche étant l’énergie solaire, la densité électronique diminue fortement du côté nuit, tandis qu’elle peut parfois augmenter de façon « anormale » du côté jour jusqu’à donner naissance au phénomène de couche E sporadique qui est toujours étudié de nos jours [Pignalberi et al., 2014]. La couche F se situe entre 150km d’altitude et le bas de la plasmasphère, aux alentours de 1000km d’altitude. Elle contient la majorité du plasma ionosphérique. Comme représenté dans la Figure 1.3, sous certaines conditions liées à l’heure locale, le jour de l’année ou la latitude moyenne, cette couche peut potentiellement être scindée en deux couches distinctes : F1 et F2. La couche F1 est particulièrement prononcée de jour, l’été et lors de minimums solaires. Elle a tendance à fusionner avec la couche F2 lors de la nuit, pour donner une couche unique F. La couche F2 est peu sensible aux variations jour-nuit car la pression atmosphérique décroît fortement avec l’altitude dans cette couche. La majorité de la masse se trouve entre 200 et 400km d’altitude [Kenneth, 1990]. Malgré le fait que la couche F soit source de moins d’ionisation, la densité électronique y est importante en raison des réactions entre les atomes d’oxygène ( ) et les molécules de diazote ( )[Mushini, 2012]. C’est cette région qui donne naissance au phénomène de scintillation, et qui va donc nous intéresser plus particulièrement.
CHAMP MAGNÉTIQUE TERRESTRE
L’ionosphère équatoriale est soumise au champ magnétique terrestre. L’origine du champ magnétique est un sujet qui est toujours à l’étude. Dans de récentes recherches, [Jacobson et al., 2017] tendent à montrer que son origine remonte à la collision entre la terre et un astre de la taille de Mars il y a 4.5 milliards d’années (hypothèse de l’impact géant, toujours sujette à débat), qui aurait changé les états de la matière sur terre et enclenché un effet dynamo toujours actif, en plus d’expliquer la création de notre satellite, la Lune. Sur Mars, des collisions avec des objets spatiaux de différentes tailles auraient successivement expliqué l’apparition d’un champ magnétique partiel (couvrant l’hémisphère Sud de la planète uniquement), puis sa disparition, laissant la planète rouge aujourd’hui avec un champ magnétique 40 fois inférieur à celui de la Terre [Stanley et al., 2008]. Ce champ n’est plus dû qu’aux minéraux ayant été formés à l’époque où le champ magnétique était existant, et ayant donc été magnétisés à cette époque, comme le montre la Figure 1.4 où les lignes de champ de la Terre et de Mars sont représentées, leur taille est proportionnelle à leur force. Les lignes de champ martiennes ne sont dues qu’à des blocs minéraux donnant un comportement magnétique localisé, réparties majoritairement sur la surface de l’hémisphère Sud de la planète rouge. Sur Terre en revanche, le champ magnétique possède une symétrie de révolution (en première approximation), et ses propriétés diffèrent suivant la localisation, mais s’étendent à l’ensemble de la planète. L’absence de champ magnétique important sur Mars a par exemple conduit à la fuite de l’atmosphère martienne. La mission MAVEN de la NASA devrait permettre d’en connaître plus sur le sujet dans les années à venir. Quant à Venus, qui possède une composition minérale proche de celle de la Terre, elle n’a tout simplement jamais été magnétisée. Alors que posséder une ionosphère est commun à l’ensemble des planètes du système solaire, la présence d’un champ magnétique comparable à celui de la Terre l’est moins. A l’équateur en particulier, l’angle formé entre les lignes du champ magnétique et la surface terrestre est faible, pouvant même approcher la colinéarité conformément à la Figure 1.4. Ce champ magnétique terrestre est une des composantes de notre ionosphère ; il joue un rôle important sur l’organisation du plasma ionosphérique et sur la scintillation équatoriale en particulier.
IMPACT DE L’IONOSPHÈRE SUR LA PROPAGATION DES ONDES ÉLECTROMAGNÉTIQUES
L’ionosphère est un plasma électriquement neutre si elle est considérée dans son ensemble. C’est aussi un milieu turbulent en évolution constante : les recombinaisons font que localement, des zones de plusieurs centaines de kilomètres se détachent comme étant électriquement chargées, de charges positives (ions) ou négatives (électrons), ce qui engendre des modifications locales de l’indice de réfraction. L’effet est bien connu des ingénieurs sur les systèmes GNSS notamment : lorsqu’une onde électromagnétique traverse l’ionosphère, sa propagation est affectée d’un retard lié au phénomène de réfraction, c’est le retard ionosphérique. Ce retard occasionne des imprécisions et erreurs de positionnement importantes aux fréquences micro-ondes. Il est proportionnel à l’indice de réfraction du milieu, lui-même lié à la densité électronique via l’équation d’Appleton-Hartree (ici obtenue par développement limité au premier ordre) selon [Blelly et al., 2007] : 1.1 où est la densité électronique, en nombre d’électrons par , est la charge d’un électron, est sa masse, est la permittivité diélectrique du vide, et est la fréquence de l’onde considérée. Conformément à 1.1, l’indice de réfraction du milieu, et donc le retard ionosphérique, est inversement proportionnel au carré de la fréquence du signal traversant la couche. Une manière d’estimer ce retard est d’utiliser un système bi-fréquence, comme le sont certains systèmes GNSS tels que GPS ou Galileo. Une autre manière de s’en affranchir dans le cas de l’utilisation d’un système monofréquence est de calculer le retard dû à l’ionosphère en différentes stations sols, puis de transmettre cette information via le message de navigation de l’utilisateur, qui connaîtra le retard qui lui est affecté en fonction de sa position. C’est cette correction qui est actuellement utilisée dans le système d’augmentation SBAS (pour Satellite-Based Augmentation System) européen EGNOS. Pour plus de détail sur le calcul du retard ionosphérique, nous envoyons le lecteur à [Mushini, 2012] et [Galiègue, 2015]. Si l’on réduit l’échelle d’observation, il est possible de remarquer dans certaines régions du globe que plusieurs structures spatiales de densités électroniques différentes cohabitent. À l’équateur, elles résultent souvent d’un déséquilibre causé par la transition jour/nuit, et donc de l’arrêt de la photoionisation de la couche. Ces structures sont appelées irrégularités ionosphériques. Leurs tailles sont très variables : de l’ordre du mètre à la dizaine de kilomètres
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