Modélisation de la rupture par forces cohésives
Notions sur les modes de rupture fragile
La théorie ou l’étude de la fissuration décrit le comportement des structures présentant des discontinuités linéiques dans les milieux considérés comme en 2D (plaques et coques par exemples), des discontinuités surfaciques dans le milieux 3D et permet de prévoir son évolution jusqu’à la rupture complète de la structure. Localement, la rupture est caractérisée, par la séparation irréversible d’un milieu continu en deux parties de part et d’autre d’une surface géométrique S. La coupure nouvellement créée est appelée fissure. C’est une surface de discontinuité pour le champ de déplacement. La discontinuité est appelée déplacement d’ouverture de la fissure elle s’exprime par la relation établit par [Bui, 1978] sous la forme : [[ui ]](x) = u + i (x) − u − i (x) (1.1) La discontinuité normale [[un]] est l’ouverture de la fissure proprement dite et la discontinuité tangentielle [[ut ]] est appelée glissement relatif des deux lèvres de la fissure. La séparation du milieu continu étant supposée effective, les tractions surfaciques sur les lèvres S + et S − s’annulent, le vecteur contraintes −→T représentant au point M la densité surfacique de force sur la facette d’orientation −→n liée à cette séparation s’écrit : Ti(M, nj ) = σijnj i, j = 1, 2, 3 (1.2) σij désigne le tenseur de contraintes et nj la normale unitaire extérieure à l’une ou à l’autre face de la fissure. La relation de Cauchy −→T (M, − −→n ) = − −→T (M, −→n ), devant ˆetre satisfaite pour toute surface Σ entourant le point M. Les conditions aux limites ci-dessus sont généralement admises sur la fissure.
Les différents modes d’ouverture des fissures
Rappels Il existe en générale trois fa¸cons d’appliquer une force pour permettre à une fissure de se propager. Ainsi, trois modes de déplacements des bords d’une fissure peuvent se combiner en un mode mixte, ([Bui, 1978], [Labbens, 1980], [Bazant et Cedolin, 1991], [Leblond, 2003], [Pluvinage, 1989], [Bonnet et Frangi, 2007]). Considérons une fissure plane dans la direction x : (u) ; y : (v) ; et z : (w), soit u = u(x, y) ; v = v(x, y) ; et z = z(x, y). Ces trois modes sont successivement définis à partir des déplacements ui , vi , wi o`u l’indice i = I, IIouIII indique le mode élémentaire de rupture. Le Mode I, encore appelé mode d’ouverture de fissure, il est considéré comme étant le plus important en mécanique de la rupture pour beaucoup des matériaux. La rupture est caractérisée par un déplacement unique suivant l’axe Ox2 correspondant à un problème plan particulier. Les surfaces de fissure se déplacent perpendiculairement l’une à l’autre. 8 Etat des connaissances Figure 1.1: Les différents modes de sollicitations d’une fissure : I Ouverture ; II Cisaillement ; III Cisaillement anti-plan Par définition on a : UI (x, y) = UI (x, −y) ; VI (x, y) = −VI (x, −y), ce qui permet décrire UI = 1 2 [u(x, y) + u(x, −y)] ; VI = 1 2 [v(x, y) − v(x, −y)] ; WI = 0. Le Facteur d’Intensité de Contrainte (FIC) est défini par KI = limr→0+ [ √ 2πrσ22(r, θ = 0)]. Le Mode II, est engendré par un cisaillement dans le plan des lèvres de la fissure et parallèle à l’axe Ox1. Les surfaces de la fissure dans ce mode se déplacent dans le mˆeme plan et dans une direction perpendiculaire au front de fissure. Par définition on a : UII (x, y) = −UII (x, −y) ; VII (x, y) = VII (x, −y), d’o`u UII = 1 2 [u(x, y) − u(x, −y)] ; VII = 1 2 [v(x, y) + v(x, −y)] ; WII = 0. Le FIC est défini par KII = limr→0+ [ √ 2πrσ12(r, θ = 0)]. Le Mode III, est produit par un cisaillement anti-plan (hors plan) situé dans le plan de fissure Ox1x3 et parallèle à l’axe Ox3. Par définition : UIII = 0 ; VIII = 0 ; WIII = W(x, y). Le FIC est défini par KIII = limr→0+ [ √ 2πrσ23(r, θ = 0)]. Lorsque les trois modes, dont le mode I, sont simultanément présent on dit qu’il s’agit du mode mixte. Dans ce cas, on procède par additivité des déplacements. Par exemple dans le cas du mode I et II, on a les additivités suivantes : U(x, y) = UI + UII ; V (x, y) = VI + VII . Selon [Bui, 1978], la superposition de ces trois modes reste suffisante pour décrire le cas général de déplacement des lèvres de la fissure. Dans le cas de déformation plane, la contraction latérale est empˆechée, une condition supplémentaire est introduite : W = 0. Cette condition entraˆıne que la déformation εzz, les cisaillements τxz et τxz sont nuls : εzz = ∂w ∂z = 0, τxz = ∂u ∂z + ∂w ∂x = 0 et τyz = ∂v ∂z + ∂w ∂y = 0. Par application de la loi de Hooke, les scissions γxz et γyz sont elles aussi nulles. Critère de rupture fragile KIC
Energie de séparation en mécanique de la rupture
Le phénomène de séparation est de nature essentiellement irréversible [Bui, 1978]. Les nouvelles surfaces créées peuvent reprendre contact (problème de mécanique de contact unilatéral), mais ne se recollent pas, c’est à dire qu’il n’y a pas d’adhésion au sens de la mécanique des surfaces. Le processus de séparation à partir du milieu continu exige une énergie qui est fonction de la surface créée. [Griffith, 1920] à formuler une hypothèse en disant que cette énergie est proportionnelle à la surface créée et s’écrit : dWs = 2γds (1.3) γ étant l’énergie superficielle caractéristique du matériau, ds étant l’aire géométrique de la nouvelle fissure. L’aire totale étant celle des deux faces, soit le double. L’énergie pour séparer le milieu continu a été interprétée comme une énergie superficielle, comme en mécanique des surfaces.
Critère de rupture fragile KIC
En générale, les théories de la rupture fragile conduisent à la notion d’un seuil critique surtout dans le cas de mode d’ouverture symétrique, non pas pour la contrainte qui est infinie en fond de fissure, mais pour le facteur KI . On a un critère de rupture de la forme : KI − KIC = 0 (1.4) KIC, caractéristique physique du matériau appelée ténacité. Dans les problèmes plans, le facteur KI est une fonction de la géométrie de la structure, dépendant de la longueur lf de la fissure et des paramètres du chargement Qi . KI = f(lf , Qi) (1.5) La fonction f(lf , Qi) est souvent déterminée dans les problèmes de mécanique de la rupture, par exemple dans les problèmes de poutre à fissure latérale soumis à la flexion trois points. 1.3 Critère de Mandel L’état critique de la fissure est atteint lorsque les contraintes σij sur le cercle de rayon r = r0 vérifient certaines relations caractéristiques du matériau. Dans la théorie de [Mandel, 1966], il y a une relation critique entre les contraintes sur le cercle r0. Cela revient à considérer les facteurs KI et KII comme paramètres caractéristiques. Si r0 est suffisamment petit pour que la singularité élastique soit dominante au voisinage extérieure de cette zone, le critère de la rupture contiendra les propriétés de la ténacité du matériau, [Labbens, 1980]. 10 Etat des connaissances ´ f(KI , KII ) = 0 (1.6) avec KI > 0. Pour préciser la forme de la relation ci-dessus, [Mandel, 1966] fait l’hypothèse que la fissure se propage dans la direction θ avec la fissure existante lorsque dans le plan des contraintes (σθθ, σθr), le vecteur tension −→T = (σθθ, σθr) (1.7) s’exer¸cant sur la facette portée par le rayon issu de la pointe de la fissure a son extrémité sur une courbe appelée courbe intrinsèque de la résistance moléculaire. Comme on se place sur le cercle de rayon r0, on peut porter dans le plan le vecteur de composantes (σθθ, σθr) sous la forme : σθθ = 1 4 √ 2πr0 KI (3 cos θ 2 + cos 3θ 2 ) − 1 4 √ 2πr0 3KII (sin θ 2 + sin 3θ 2 ) σrθ = 1 4 √ 2πr0 KI (sin θ 2 + sin 3θ 2 ) + 1 4 √ 2πr0 KII (cos θ 2 + 3 cos 3θ 2 ) (1.8) En transformant les expressions des contraintes définies ci-dessus, [Bui, 1978] leur donne une forme simple sur laquelle on voit qu’un maximum de KN (θ) entraˆıné la nullité de KT (θ). KN (θ) = σθθ√ 2πr0 = 1 4KI (3 cos θ 2 + cos 3θ 2 ) − 1 4KII (sin θ 2 + sin 3θ 2 ) KT (θ) = σrθ√ 2πr0 = 1 4KI (3 sin θ 2 + sin 3θ 2 ) + 1 4KII (cos θ 2 + 3 cos 3θ 2 ) (1.9) Les KN (θ) et KT (θ) ne sont pas les facteurs d’intensité de contrainte à l’extrémité de la fissure, mais une combinaison de KI et KII avant l’extension. L’hypothèse de [Mandel, 1966] postule que pour certains matériaux et pour KN > 0, correspondant à une ouverture de la fissure, la courbe intrinsèque de résistance moléculaire est symétrique par rapport à l’axe KN et largement ouverte sur cet axe. 1.4 Singularités en mécanique des milieux fissurés Il est connu que certaines géométries comme les coins, les arrˆetes ou les entailles et les nœuds sont des zones de concentrations des contraintes qui peuvent ˆetre néfaste à la résistance de la structure qui les subit. Ces cas sont souvent rencontrés dans les assemblages constitués de plusieurs matériaux et aux interfaces des éléments constitués des matériaux de nature différentes. L’application de la mécanique des milieux continus dans les structures constructives contenant des fissures se heurte à une singularité des champs de déformation et de contrainte dues à l’interprétation de la continuité géométrique. Ceux Singularités en mécanique des milieux fissurés 11 ci dit que, la mécanique de la rupture est l’application de la mécanique des milieux continus à l’étude du comportement des éléments constructifs fissurés prenant en compte les conditions aux limites relatives à la présence géométrique des fissures. 1.4.1 Analyse asymptotique en mode I et II Soit ΩP un solide composé de matériau homogène et isotrope dont le comportement est élastique linéaire. On note E le module d’Young et ν le coefficient de Poisson. x y o z M x y r o θ Figure 1.2: Définition du repère local au voisinage de la pointe de la fissure Le problème est plan et définit dans le repère orthonormé R(O, x1, x2). Le centre O du repère est confondu avec la pointe de la fissure. L’axe des coordonnées cartésiennes Ox1 est tangent au plan de la fissure i.e. situé dans le prolongement de la fissure et l’axe Ox2 perpendiculaire à la fissure. On définit également les coordonnées polaire (r, θ) correspondantes. Le problème revient à trouver au voisinage de r = 0, le champ de déplacement du solide élastique Ωp définit sous la forme : ui(r) = r α gi(θ) (1.10) En élasticité plane, la solution fournie par [Westergaard, 1939], exprimée en coordonnées polaires et reprise dans des ouvrages spécialisés ([Labbens, 1980], [Bui, 1978], [Leblond, 2003], [Bonnet et Frangi, 2007]), permet d’obtenir, à l’aide des fonctions d’Airy, les déplacements et les contraintes au voisinage de la pointe de la fissure. σrr = √ 1 2πr KI cos θ 2 (1 − sin θ 2 sin 3θ 2 ) − √ 1 2πr KII sin θ 2 (2 + cos θ 2 cos 3θ 2 ) σθθ = √ 1 2πr KI cos θ 2 (1 + sin θ 2 sin 3θ 2 ) + √ 1 2πr KII sin θ 2 cos θ 2 cos 3θ 2 σrθ = √ 1 2πr KI cos θ 2 sin θ 2 cos 3θ 2 + √ 1 2πr KII cos θ 2 (1 − sin θ 2 sin 3θ 2 ) (1.11) A partir des contraintes en coordonnées polaires σrr, σθθ, σrθ, il est possible de calculer les déplacements urr, uθθ sous la forme : 12 Etat des connaissances ´ urr = 1 2µ p r 2πKI cos θ 2 (k − cos θ) + 1 2µ p r 2πKII sin θ 2 (k + cos θ + 2) uθθ = 1 2µ p r 2πKI sin θ 2 (k − cos θ) − 1 2µ p r 2πKII cos θ 2 (k + cos θ − 2) (1.12) avec µ le module de cisaillement, ν le coefficient de Poisson et k, la constante de Kolosov ([Parton et Perline, 1977], [Muskhelishvili, 1963]) définie dans les deux cas par : k = 3 − ν 1 + ν en contrainte plane k = 3 − 4ν en déformation plane Les constantes KI et KII s’appellent facteurs d’intensité de contraintes, ils mesurent la force de singularité des contraintes. D’après les formules donnant les champs de déplacement, les facteurs KI et KII correspondant aux deux modes I et II sont directement proportionnels aux discontinuités des composantes u2 et u1 respectivement. [[u2]](r) = u2(r, +π) − u2(r, −π) = KI µ (k + 1)p r 2π [[u1]](r) = u1(r, +π) − u1(r, −π) = KII µ (k + 1)p r 2π (1.13) Le cas de chargement antiplan, donne une seule composante du déplacement u3(x1, x2). u3 est indépendante de l’axe Ox3. Les expressions du déplacement et des contraintes dans le voisinage de la pointe de la fissure sont : [[u3]] = 2 µ KIIIr r 2π sin θ 2 (1.14) et σ13 = − √ KIII 2πr sin θ 2 σ23 = − √ KIII 2πr cos θ 2 (1.15) Le facteur d’intensité des contraintes KIII est lui aussi proportionnel à la discontinuité du déplacement tangentiel apparaissent comme des facteurs de discontinuités des déplacements : [[u3]](r) = 4 µ KIIIr r 2π (1.16) Les facteurs d’intensité des contraintes sont ici les facteurs de discontinuités des déplacements. L’interprétation cinématique appliquée au facteur KI , implique que KI > 0.[Bui, 1978] affirme qu’avant la fissure du matériau, la contrainte normale σ22(r, θ = 0) > 0. Théorie énergétique de la rupture fragile 13 1.4.2 Relation entre singularité et description énergétique La relation est établie dans le cadre de l’élasticité linéaire quasi-statique et les petites perturbations. Le taux de restitution d’énergie par unité de surface de propagation d’une fissure G et les facteurs d’intensités de contraintes associés à une pointe de fissure sont reliés en contrainte planes par la formule d’Irwin.
Table des figures |