Modélisation de la rupture

 Modélisation de la rupture

Analyse de la rupture ductile pour les éprouvettes lisses et entaillées à 20°C

Dans le chapitre IV, les résultats des calculs utilisant le modèle GTN sur les éprouvettes lisses et entaillées ont été présentés. A chaque fois, la comparaison des courbes globales a été effectuée entre le numérique et l’expérimentale sous divers types de sollicitation. Il a été mentionné à plusieurs reprises que dans le modèle classique utilisant uniquement la croissance des cavités, la rupture sur un point de Gauss se faisait pour une valeur de porosité atteinte de 1 1 q f R = . R f sera dans la suite la porosité maximale obtenue à l’instant de la rupture sur un point de Gauss, dans le cas de la croissance. Etant donné que la valeur de q1 choisie est de 0.8, la rupture des éléments ne peut pas avoir lieu puisque elle implique une valeur R f = 1.25. Or, 125 % de trous dans un matériau n’a pas de sens. Ainsi, une modification du critère est nécessaire, pour permettre la rupture numérique des points de gauss concernés par une telle porosité. Les observations microscopiques comparatives effectuées entre les éprouvettes lisses et les éprouvettes de petit rayon de courbure (AE0.8 par exemple) ont indiqué que le faciès de rupture ductile pouvait être très différent suivant le taux de triaxialité (cf. Figure V.2 et chapitre III, C.V). Sur les faciès de rupture des éprouvettes lisses et faiblement entaillées, la matière est très déformée avec de nombreux ligaments étirés (cf. Figure V.2, ex : AE4). Sur les faciès de rupture des éprouvettes AE0.8, la porosité est très importante (cf. Figure V.2, ex : AE0.8). Les mesures de variation volumique ont indiqué également que l’endommagement par cavitation était une fonction croissante du taux de triaxialité des contraintes.  Figure V.2 Observations de la microstructure ductile sur des faciès de rupture d’éprouvettes AE4 et AE0.8 obtenus à 20°C, vitesse de réduction diamétrale 2,5.10-3 mm/s Il a déjà été montré que le crazing était caractérisé par une zone fortement endommagée composée de ligaments de matière étirés et de cavités entre ces fibrilles. Le passage de l’étape de craze à l’étape de fissure peut se produire a priori soit par la rupture des fibrilles pour des taux des taux de triaxialité faibles [Friedrich, 1983], [Schirrer 1995] soit par la coalescence des cavités pour des taux de triaxialité élevés. Dans les deux cas, la fissure se propage dans le matériau, amenant la rupture. On fait l’hypothèse que ces deux mécanismes sont possibles et dépendent du taux de triaxialité des contraintes dans la zone endommagée. La rupture du PVDF à 20°C est expliquée comme étant dépendante de deux paramètres distincts dépendant de t : un critère en déformation plastique principale critique pc pour les faibles taux de triaxialité, et un critère en taux de porosités critique c f pour les taux de triaxialité élevés. La schématisation des deux mécanismes de rupture est donnée sur la figure V.3. Figure V.3 Mécanismes d’endommagement conduisant à la rupture suivant le taux de triaxialité des contraintes 500 nm 500 nm AE4 AE0.8 Ligaments de matière étirée 200 nm Cavités AE0.8 Taux de triaxialité faible Taux de triaxialité élevé t faible : critère en élongation limite des fibrilles pc t élevé : critère en coalescence de cavités f c Fibrilles étirées Taille de la zone endommagée différente suivant la triaxialité Cavités allongées Croissance sphérique des cavités Fibrilles   La figure V.3 illustre ainsi deux résultats importants utilisés pour la modélisation de la rupture : ÿ Le premier est la taille de la zone concernée par l’endommagement qui est inversement proportionnelle au taux de triaxialité des contraintes, comme cela a été montré expérimentalement (cf. Chapitre II, C.IV.2 et Chapitre III, B.II). Pour un chargement équivalent, le confinement de la déformation induit un endommagement local plus important, avec notamment une croissance sphérique des cavités plus marquée ÿ Le second résultat concerne le critère induisant la rupture : pour les taux de triaxialité faibles, l’étirement de la matière est important, les cavités ont une croissance sphérique très vite limitée par les chaînes voisines qui s’orientent suivant la sollicitation. Ce sera la rupture des fibrilles étirées au delà d’une certaine déformation qui entraînera la rupture de l’ensemble de la zone endommagée. Pour les taux de triaxialité élevés, la croissance sphérique des cavités est facilitée par le confinement, ce sera leur coalescence qui entraînera la rupture dans le craze. Une telle distinction expliquant la rupture suivant la triaxialité a déjà été effectuée pour du polycarbonate [Gearing et Anand, 2004]. Dans ces travaux, la distinction est faite pour expliquer la compétition entre la rupture ductile observée sur des éprouvettes faiblement entaillées en flexion trois points et la rupture fragile observée sur des éprouvettes fortement entaillées pour le même type d’essai. Pour toutes les géométries d’éprouvettes étudiées, la rupture s’est amorcée soit sur un défaut de surface pour les éprouvettes lisses, soit sur une impureté ou une cavité pour les éprouvettes entaillées, soit à partir de la pointe de la fissure pour les éprouvettes SENB et DENT. Ainsi, il est envisagé que suivant la géométrie, le craze deviendra fissure soit par une déformation excessive des fibrilles, soit par une cavitation importante menant à la coalescence des porosités.

Critère en déformation plastique principale critique pc

Le schéma de Peterlin [Peterlin, 1971] peut représenter l’évolution de la microstructure d’un polymère semi-cristallin lors d’un essai de traction sur une éprouvette lisse testée au dessus de la température de transition vitreuse. En cours de déformation, les chaînes amorphes sont très étirées. A rupture, elles atteignent une élongation limite qui entraînent leur rupture. La rupture en chaîne des macromolécules voisines entraîne la rupture complète du matériau. On va faire l’hypothèse que la déformation maximale des chaînes de polymère est identique à la déformation maximale des fibrilles dans un craze. Expérimentalement, des défauts présents sur la surface des éprouvettes lisses ont entraîné des ruptures précoces des éprouvettes. En revanche, dans le cas d’éprouvettes fraisées, l’amorçage de la rupture s’est fait soit dans l’éprouvette (localement par concentration des contraintes sur une impureté) soit à partir des bords. Il est possible à partir des résultats expérimentaux de ces éprouvettes de déterminer quelle est la déformation plastique principale critique pc à rupture pour le PVDF, dans le cas des plus faibles valeurs de triaxialité. On choisit alors de réaliser un calcul 3D sur une éprouvette haltère lisse, jusqu’au temps de rupture expérimentale afin de déterminer la déformation plastique critique pc . Les polymères semi-cristallins sont caractérisés par une importante déformation plastique à rupture qui dépend de la vitesse de sollicitation. La modélisation des essais ici s’est limitée aux faibles vitesses de sollicitation (1.5.10-4 s -1 et 1.5.10-3 s -1 ). Dans ce cas, il est possible de déterminer une valeur de pc commune aux deux vitesses. Etant donné la symétrie, seul un huitième de l’éprouvette est maillé. On maille également une partie du congé de l’éprouvette pour induire une localisation de la déformation. On simule avec le congé la localisation expérimentale engendrée par un défaut sur la surface de l’éprouvette. La figure V.4 indique les résultats du calcul par rapport à la courbe force-déplacement expérimentale obtenue à 20°C, pour une vitesse de 1.5.10-4 s -1 , ainsi que le maillage initial avec le maillage final déformé. Figure V.4 Courbes force-déplacement expérimentale et simulée et maillages de l’éprouvette lisse en 3D avant et après calcul (isovaleurs de pc), à 20°C, 1.5.10-4 s -1 La striction est bien simulée à la fin du calcul, ce qui permet de rendre compte des résultats expérimentaux. Il est ici nécessaire de signaler que la striction sur une éprouvette lisse n’est pas un résultat facile à prévoir étant donné que la présence de défauts sur la surface peut entraîner des localisations plus ou moins rapides. Expérimentalement d’ailleurs, on a déjà montré les dispersions sur les déformations nominales à rupture (cf. Chapitre II, B.I.3). Cependant, on considère que la valeur de déformation plastique principale pc à rupture obtenue par ce calcul sera représentative des résultats sur éprouvettes lisses à 20°C. Elle est déterminée au cœur de l’éprouvette dans le plan de symétrie comme étant la valeur de déformation plastique maximale mesurée sur un point de gauss. Sa valeur est pc = 1.1. Cette valeur constitue le premier critère induisant la rupture ductile des éprouvettes lisses et entaillées avec un rayon de courbure assez grand (ex : R = 4 mm). Il va être vérifié sur les éprouvettes AE4 que ce paramètre est atteint dans la zone entaillée de l’éprouvette, au temps expérimental correspondant à la rupture. B.II Compétition entre deux critères de rupture ductile suivant la triaxialité Se baser uniquement sur le critère pc ne permet pas d’expliquer la rupture de toutes les éprouvettes entaillées. On choisit alors de considérer un des résultats expérimentaux importants : l’endommagement est pour le PVDF une fonction croissante de la triaxialité. Il semble alors assez logique de se baser sur un taux de porosité critique pour expliquer la rupture des éprouvettes les plus entaillées. On postule qu’au delà d’un taux de porosité critique c f , la coalescence des cavités peut se dérouler, provoquant la formation d’une fissure, qui se propage et induit la rupture de l’éprouvette. Les essais sur éprouvettes entaillées ont révélé que même en pilotant les essais en vitesse de réduction diamétrale, la coalescence était trop rapide pour être enregistrée expérimentalement. La fréquence d’acquisition de l’essai (1000 Hz) n’est pas suffisante pour enregistrer la décroissance de charge liée à cette coalescence. Ainsi, celle -ci ne peut se dérouler qu’en toute fin d’essai. Les observations microscopiques ont également montré que dans la zone d’amorçage, de très grosses cavités étaient présentes et qu’elles se situaient exclusivement dans le cœur de l’éprouvette. Expérimentalement, on ne dispose que du faciès de rupture qui est une coupe de la zone endommagée avant rupture. Même si de nombreuses porosités sont visibles, celles de plus petites tailles ne le sont pas (cf. Chapitre III, B.2). Or elles jouent sans doute la part la plus importante de l’endommagement (cf. Chapitre III, B.2). Ainsi, faute de moyen d’observation permettant de quantifier c f ou de suivre l’évolution de la porosité au cours de la coalescence, seul le calcul par éléments finis permettra d’évaluer cette fraction critique de porosités. B.II.1 Résultats des calculs EF sur la rupture des éprouvettes AE On choisit d’abord de s’intéresser aux éprouvettes AE0.8 sollicitées en traction à 20°C en vitesse de réduction diamétrale. La détermination de la valeur de f à rupture s’avère pertinente sur cette éprouvette de par son rayon de courbure faible qui permet une valeur de t assez élevée. Il y a donc une probabilité certaine que la rupture ductile sur cette géométrie soit liée à une forte valeur de f . On regarde pour le temps correspondant à la rupture expérimentale quel est le taux de porosité. Il s’avère que ce taux est entre 0.63 et 0.65. Cette valeur est alors choisie comme paramètre critique entraînant la coalescence qui induit la rupture. Cette fonction a été explicitée dans le chapitre IV (équation 7). Deux paramètres sont en fait nécessaires : le paramètre c f (taux de porosité critique) estimé à 0.65, et le paramètre U f (taux de porosité ultime à rupture) qui fixe pour quelle valeur de porosité la rupture sur les points de gauss est effective. Cela permet de donner la vitesse de coalescence (pente d, cf. Figure V.5). La valeur de U f choisie est de 0.68. U f est identique à R f , mais la première notation est employée dans le cas de la coalescence, la seconde est employée quand il n’y a que de la croissance. Figure V.5 Fonction de coalescence On s’intéresse ensuite aux résultats pour les géométries AE4 et AE1.6. Au temps de rupture expérimental pour les éprouvettes AE4, le critère pc est atteint en premier. Le taux de porosités dans ce cas est proche de 0.55. Pour le s éprouvettes AE1.6, les deux critères semblent être atteints à peu près en même temps. Il est difficile alors d’identifier précisément lequel sera le paramètre de rupture. Pour les AE0.8, le critère pc est inférieur à 1.1, quand le taux de porosité critique est atteint. Ainsi, on vérifie sur les calculs par éléments finis que les deux critères de rupture choisis permettent de représenter la rupture de toutes les éprouvettes AE. La différenciation entre les deux vitesses de réduction diamétrale n’a pas été faite car il n’a pas été observé de tendance significative, liée certainement à la dispersion expérimentale. Il faut en effet rappeler que les résultats expérimentaux ont indiqué une dispersion assez importante de la réduction diamétrale à rupture, due à la présence d’impuretés dans le matériau qui peuvent être des lieux de concentration de contrainte induisant une rupture trop précoce. Les réductions diamétrales à rupture choisies pour la modélisation permettent donc simplement de donner une moyenne des résultats expérimentaux. 

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