Modélisation de la respiration du sol dans les
agro-écosystèmes
Approche semi-mécaniste
Etude de sensibilité du modèle
Le calcul de l’indice de sensibilité tient compte à la fois de la gamme de variation du paramètre étudié (présentée en annexe 3) et de l’amplitude de la réponse simulée. Les valeurs de l’indice de sensibilité pour différents paramètres sont reportées sur la Figure II-18. Lorsque l’indice est positif, cela signifie que l’augmentation de la valeur du paramètre étudié induit une augmentation du flux de respiration par rapport au flux de référence. Lorsque l’indice est négatif, l’augmentation de la valeur du paramètre induit une restriction du flux de respiration. Les valeurs absolues de l’indice de sensibilité sont très contrastées entre les différents paramètres, et la plus forte valeur (absolue) de l’indice correspond à la plus grande sensibilité de la respiration vis-à-vis des paramètres étudiés. La texture du sol (contenu en argile et limon du sol) apparaît comme la variable d’entrée la plus influente sur les prédictions du modèle. Ce résultat confirme l’intérêt du test du modèle sur 5 sites d’études aux conditions pédologiques différentes (Tableau II-2) pour valider notamment sa généricité. D’après la Figure II-18, plus il y a de particules fines, plus le flux respiré est faible (indice de sensibilité négatif). Cet effet correspond à la modélisation de la protection de la matière organique par l’argile. Il est reconnu qu’une des principales difficultés liées à l’utilisation de modèles semi-mécanistes réside en leur initialisation, notamment en ce qui concerne la compartimentation théorique du carbone organique en différentes entités caractérisées par des coefficients de décompositions différents (Ryan and Law (2005)). D’après cette étude de sensibilité, la quantité de carbone à temps de résidence « lent » exerce une forte influence sur les prédictions de respiration. L’initialisation de ce compartiment est donc une étape cruciale en amont des simulations. Ce constat justifie la durée de la phase d’initialisation dite de mise à l’équilibre qui est fixée à 20 ans, car il s’agit d’une durée compatible avec le temps de résidence du carbone dans ce compartiment. Les flux de respiration apparaissent liés à la quantité de résidus aériens et souterrains après la récolte. Dans le cas présent des agro-écosystèmes, cela se produit sous forme d’un apport massif de biomasse morte sous forme de résidus de culture à la récolte comparativement au reste de l’année qui est soumis à décomposition. De plus, le modèle apparait d’autant plus sensible à la qualité des résidus racinaires qu’à leur quantité. La fraction structurale correspond au contenu en cellulose, hémicellulose et lignine des organes végétaux et le rapport lignine/carbone structural permet de préciser la part de lignine de cette fraction structurale. La sensibilité du modèle à la quantité relative de lignine des racines s’explique par la structure du modèle. En effet, la lignine des racines régule le taux de décomposition des différents compartiments de carbone et notamment du compartiment lent (protection chimique qui limite la décomposition du carbone). Dans le modèle, ce paramètre joue donc un rôle important car les racines interviennent dans les 3 horizons de sols à toutes les périodes de l’année via la mortalité racinaire.Dans l’horizon supérieur, la répartition du carbone est similaire pour les trois sites d’étude (Figure II-19 [a]). Cependant, le site d’Ottawa, semé en blé de printemps, présente une densité de semis beaucoup moins dense que sur les deux sites européens (blé d’hiver). La quantité de biomasse aérienne mesurée et de biomasse racinaire simulée (via le R/S) est trois fois moins importante sur le site canadien : cela explique le faible pourcentage de carbone structural (alimenté par la mortalité racinaire) observé pour Ottawa comparativement aux deux autres sites. La part (et la quantité en valeur absolue présentée en annexe 4) de carbone microbien est du même ordre de grandeur pour les 3 sites d’étude, variant de 1 % à 3 % selon les sites et la profondeur de l’horizon. Le temps de résidence de ce compartiment étant inférieur à 20 ans, son équilibre a été atteint, ce qui explique la similarité entre les sites. La faible différence s’explique par les conditions pédoclimatiques qui modulent les vitesses de décomposition en fonction des sites. Au sein d’un même site, la répartition du carbone dans les compartiments est très différente dans les 3 horizons de sol. Plus l’horizon est profond, moins les variables de température et d’humidité qui modulent les vitesses de décomposition des compartiments sont limitantes. Ainsi, les compartiments structuraux, microbiens et lents, dont les temps de résidence sont inférieurs ou proches de 20 ans, ont perdu du carbone, en d’autant plus grande quantité que l’horizon est profond. Au bout de 20 ans, le carbone passif s’est peu décomposé car le temps de résidence du carbone y est très long (une centaine d’année). De fait, d’une manière générale, plus l’horizon est profond, plus le carbone passif représente une part importante dans la répartition du carbone. La répartition du carbone dans l’horizon profond sur le site de Lonzée présente toutefois une forte singularité (Figure II-19 [c]). La répartition dans l’horizon profond n’a pas beaucoup évolué (avant l’équilibre, le compartiment lent représente 44 % du carbone et le compartiment passif 53 %). C’est la faible quantité relative de carbone présent dans l’horizon le plus profond à Lonzée (0,9 kgC/m²) qui limite les variations des stocks de carbone car les apports y compensent les pertes. Ainsi, bien que les apports soient faibles en profondeurs (seulement 15 % de la mortalité racinaire et des résidus de culture), pour Lonzée, ils sont du même ordre de grandeur que les pertes. En effet, si le stock de carbone est faible, les pertes le sont également car elles représentent une fraction du stock qui se décompose. Par ailleurs, dans l’horizon 15 cm à 30 cm (Figure II-19 [b]), il est remarquable d’observer la différence de proportion des compartiments à temps de résidence les plus longs (lent et passif) entre les trois sites. Les répartitions sont semblables pour les sites européens alors que la part de carbone passif est bien plus importante à Ottawa. Cela s’explique également par la faible quantité de tissus racinaires alimentant les compartiments structuraux, actifs et lents de l’horizon ne permettant pas de compenser leur décomposition. Ces trois compartiments se décomposent et la part relative du compartiment passif augmente.
Validation du module Rh
La validation du module de respiration hétérotrophe a été effectuée en comparant les prédictions du modèle aux mesures (Figure II-20) réalisées sur les sites de Lamothe (2007), Lonzée (2007) et Ottawa (2007 et 2011) comme présenté au paragraphe 3. Il est difficile de se faire une idée de la validation du modèle en termes de dynamique de la respiration du sol sur le site de Lamothe (Figure II-20 [a]) du fait de la forte disparité des mesures manuelles. Cependant, le niveau des prédictions s’avère conforme à celui des mesures. Pour le site de Lonzée (Figure II-20 [b]), on observe une très bonne prédiction des mesures en début d’expérimentation, puis le modèle sous-estime les données au mois de juin. A cette période, le sol s’assèche et le flux modélisé est limité alors que cette restriction ne s’observe que très ponctuellement sur la dynamique des mesures. Sur le site d’Ottawa en 2007 (Figure II-20 [c]), la chambre automatisée était encore en place après la récolte du blé et des mesures en sol nu ont pu être acquises et comparées aux prédictions du modèle. Le modèle simule des pics de respiration qui ne sont pas mesurés par la chambre mais uniquement par EC et permet de prédire avec succès la chute du flux de respiration observée entre septembre et novembre. Durant cette période de sol nu, les flux passent de 3 gC/m²/jour à de faibles flux inférieurs à 0,5 gC/m²/jour. En 2011 (Figure II-20 [d]), la chambre avait été retirée et les prédictions ont pu être comparées avec des mesures de NEE effectuées après la récolte, en sol nu. Pour ce jeu de données également, le modèle prédit de manière correcte la dynamique du flux observé, bien qu’il le surestime légèrement (+ 0,19 gC/m²/jour en moyenne sur la période) dans ce cas. De manière globale, le modèle permet une bonne représentation des dynamiques saisonnières et des niveaux différents de flux sur les 4 sites, ce qui est un résultat intéressant compte tenu de la sensibilité du modèle aux caractéristiques de texture de sol.
Résumé |