Modélisation de la formation d’un plasma par laser dans le contexte de la fusion par confinement inertiel

Différents schémas d’attaque

La FCI a pour but de comprimer à l’aide de lasers une cible sphérique qui est un micro-ballon en plastique, généralement du polystyrène, rempli d’un mélange de deutérium et de tritium pour atteindre les conditions en température et densité nécessaires à la génération de réactions de fusion nucléaire. L’approche standard de la FCI repose aujourd’hui principalement sur deux schémas d’attaque :
l’attaque directe où les lasers sont directement focalisés sur la cible pour la comprimer, l’attaque indirecte où les lasers sont focalisés sur un holraum, une cavité constituée d’un matériau à numéro atomique élevé comme de l’or par exemple, convertissant l’énergie laser en un rayonnement X qui permettra ensuite de comprimer la cible.
L’attaque indirecte a l’avantage de permettre une compression de la cible plus uniforme que l’attaque directe, la cible « baignant » dans le rayonnement X. Cependant, elle a l’inconvénient d’induire une énergie totale absorbée par la cible plus faible que pour l’attaque directe car une partie de l’énergie laser est perdue lors de sa conversion en rayonnement X. Ces deux schémas ont fait l’objet d’un très grand nombre de travaux de recherches. On peut noter l’article de revue de Lindl publié en 1995 et celui de Craxton et al publié en 2015 qui donnent un résumé de nos connaissances sur la FCI respectivement en attaque indirecte et en attaque directe.
En plus de ces deux schémas d’attaque, deux méthodes d’allumage, qui correspond à la génération des premières réactions de fusion nucléaire, ont été développées. Ces deux méthodes sont :
l’allumage rapide qui consiste à comprimer une cible avec un premier laser puis à l’allumer en chauffant le centre de la cible avec un deuxième laser plus court et beaucoup plus intense que le premier, de type PETAL par exemple.
l’allumage par choc qui consiste à comprimer une cible avec un premier laser puis à l’allumer en augmentant la pression à l’intérieur de la cible grâce à un choc formé par un deuxième laser plus court et plus intense que le premier.

Mécanismes physiques impliqués dans l’empreinte laser

Les premiers travaux sur l’empreinte laser ont été rapportés par Ishizaki et Nishi-hara ainsi que Goncharov . Durant les premiers instants d’irradiation laser, la détente du plasma formé en surface va induire la formation de chocs dans l’ablateur qui vont se propager vers l’intérieur de la cible. Comme le profil spatial du laser possède des modulations d’intensité, les speckles , la détente du plasma et la formation du choc ne vont pas se faire de la même manière selon l’intensité laser. Les modulations d’intensité laser vont entraîner des modulations d’absorption laser qui vont créer des modulations de pression d’ablation (pression au front d’ablation) conduisant à la formation de modulations de vitesse d’ablation (vitesse définie à partir du rapport entre le taux de masse ablatée et la densité du DT solide) débouchant au final à la création de modulations de densité au front d’ablation.

Importance de la transition solide-plasma

Malgré les travaux effectués sur l’optimisation des lasers et des cibles, l’empreinte laser reste encore actuellement un problème important en FCI. Une compréhension fine et détaillée des mécanismes physiques mis en œuvre dans l’empreinte laser est donc nécessaire pour pouvoir minimiser ce phénomène. De nombreuses études se sont concentrées sur les conséquences des modulations de densité à la surface de l’ablateur, mais peu se sont concentrées sur leur apparition. En effet, les études menées jusqu’à présent négligent le comportement solide initial de l’ablateur et sa transition solide-plasma induite par le laser. Actuellement, la majorité des codes hydrodynamiques utilisés pour étudier l’empreinte laser supposent que la cible est déjà initialement à l’état plasma. Cette hypothèse est justifiée par le fait que la transition solide-plasma peut être négligée car elle a lieu sur une échelle de temps petite devant l’échelle de temps de l’implosion, la différence entre les deux échelles de temps étant de l’ordre d’un facteur 100. En effet, comme on le verra, l’échelle de temps de la transition solide-plasma est la centaine de picosecondes alors que l’échelle de temps de l’implosion est la dizaine de nanosecondes . Or supposer un état plasma initial pour l’ablateur conduit à deux conséquences majeures : L’absorption laser est modélisée de manière incorrecte dans les codes hydro-dynamiques durant les premiers instants. La densité électronique initiale est en effet supposée sur-critique dans les codes hydrodynamiques alors qu’elle est quasi-nulle dans la réalité, en particulier dans le cas d’un ablateur en polystyrène. Une partie de l’énergie laser va donc être utilisée pour générer des électrons libres et ne sera donc pas utilisée pour chauffer l’ablateur. L’absorption laser et le dépôt d’énergie de manière générale sont pourtant des paramètres cruciaux pour la décrire la formation des modulations de densités ainsi que la formation des chocs et leur propagation.
L’ablateur est supposé initialement opaque dans les codes hydrodynamiques alors qu’il est transparent dans la réalité lorsqu’il est en polystyrène. Ceci implique que la propagation du laser dans l’ablateur est négligée, propagation qui a lieu jusqu’à ce que l’ablateur devienne opaque lorsque la densité électronique deviendra de l’ordre de la densité critique. Cette transparence initiale de l’ablateur existant dans les premiers instants d’irradiation laser est appelée shinethrough. A cause de ce shinethrough, le laser pourrait alors interagir avec la face arrière de l’ablateur et ainsi la chauffer et ioniser ce qui pourrait alors avoir une influence sur le DT solide. De plus, le laser pourrait se propager dans l’ablateur et atteindre le DT solide avec lequel il pourrait interagir directement. Dans les deux cas, le shinethrough pourrait induire une dégradation de la cible dès le début de son interaction avec le laser ce qui rendrait son implosion moins efficace.

LIRE AUSSI :  Les résidus carbonés de feux dans les sédiments lacustres et océaniques intertropicaux

Phénoménologie de la transition solide-plasma

Avant de passer dans l’état plasma, l’ablateur est initialement un matériau diélectrique. Ainsi, la transition solide-plasma induite par laser de l’ablateur fait globalement intervenir quatre processus : Processus 1 : Des électrons libres vont pouvoir être générés ou recombiner durant toute l’interaction entre le laser et l’ablateur car ce dernier étant ini- tialement un matériau diélectrique, il ne possède quasiment aucun électron libre avant l’interaction avec le laser.
Processus 2 : Parallèlement, l’interaction entre le laser et l’ablateur va donner lieu à un chauffage des électrons libres. En effet, le réseau du matériau diélectrique étant beaucoup plus lourd que les électrons, ces derniers vont être chauffés beaucoup plus rapidement. Le matériau diélectrique devient alors un système hors-équilibre d’un point de vue thermodynamique avec des électrons plus chauds que le réseau qui reste froid.
Processus 3 : Au bout d’un certain temps, le transfert d’énergie entre les électrons et le réseau sera suffisamment efficace pour faire augmenter signi- ficativement la température de ce dernier. Le réseau va donc également être chauffé.
Processus 4 : L’augmentation significative de la température du réseau va conduire à une modification de la composition chimique d’ablateur. Le réseau va disparaître pour faire apparaître des molécules qui vont également se dissocier sous l’effet de la température pour faire apparaître un mélange d’atomes.
L’ablateur passe ainsi progressivement d’un matériau diélectrique à un milieu composé uniquement d’atomes indépendants. D’un point de vue pratique, nous désignerons le réseau, les molécules et les atomes sous le terme générique système réseau-ion.

Table des matières

Introduction
1 De la fusion par confinement inertiel à la transition solide-plasma
1.1 Contexte historique
1.2 Différents schémas d’attaque
1.3 Principe général de la FCI en attaque directe
1.4 Les principaux obstacles
1.5 Empreinte laser
1.5.1 Mécanismes physiques impliqués dans l’empreinte laser
1.5.1.1 Formation des modulations
1.5.1.2 Amplitude initiale des perturbations
1.5.1.3 Amplification des modulations
1.5.2 Réduction de l’empreinte laser
1.5.2.1 Optimisation des lasers
1.5.2.2 Optimisation des cibles
1.6 Importance de la transition solide-plasma
1.7 Synthèse
2 Etat de l’art
2.1 Phénoménologie de la transition solide-plasma
2.2 Dynamique électronique
2.2.1 Cas du matériau diélectrique
2.2.1.1 Photoionisation induite par laser
2.2.1.2 Ionisation par impact
2.2.1.3 Recombinaison électronique
2.2.2 Cas des molécules et atomes
2.2.2.1 Photoionisation induite par laser
2.2.2.2 Ionisation par impact électronique
2.2.2.3 Recombinaison électronique
2.2.2.4 Dissociation moléculaire
2.3 Chauffage de l’ablateur
2.3.1 Absorption laser
2.3.2 Collisions des électrons : transfert d’impulsion
2.3.2.1 Collisions électron-phonon
2.3.2.2 Collisions électron-neutre
2.3.2.3 Collisions électron-ion
2.3.3 Collisions des électrons : transfert d’énergie
2.3.3.1 Collisions électron-phonon
2.3.3.2 Collisions électron-ion
2.3.4 Equations d’état
2.3.4.1 Premier principe de la thermodynamique
2.3.4.2 Equation d’état du polystyrène
2.3.4.3 Equation d’état des électrons
2.3.4.4 Equation d’état des neutres
2.3.4.5 Equation d’état des ions
2.4 Propagation du laser
2.4.1 Equations de propagation
2.4.2 Méthode de résolution
2.4.3 Expression des champs électrique et magnétique
2.4.4 Relations de passages aux interfaces
2.4.5 Matrices de transfert
2.4.6 Coefficient de réflexion et transmission
2.4.7 Cas particulier : le matériau homogène
2.5 Synthèse
3 Modélisation de la transition solide-plasma
3.1 Modèle M19
3.1.1 Description du modèle
3.1.1.1 Dynamique électronique
3.1.1.2 Chauffage de l’ablateur
3.1.2 Résultats
3.1.2.1 Caractérisation de la transition solide-plasma
3.1.2.2 Influence de l’ionisation par impact
3.1.2.3 Temps caractéristique de la transition solide-plasma
3.1.3 Limites du modèle
3.2 Modèle M21
3.2.1 Modèle
3.2.1.1 Fragmentation chimique du polystyrène
3.2.1.2 Dynamique électronique
3.2.1.3 Chauffage de l’ablateur
3.2.2 Résultats
3.2.2.1 Evolution temporelle des densités et températures
3.2.2.2 Temps caractéristique de transition
3.2.2.3 Comparaisons des modèles
3.2.2.4 Loi d’échelle de la pression en fonction de l’intensité
3.2.2.5 Couplage et dégénérescence
3.2.2.6 Influence de l’hydrodynamique et de la diffusion
3.3 Synthèse
4 Couplage à la propagation laser
4.1 Description du couplage entre la propagation laser et le modèle M19
4.2 Ablateur standard
4.2.1 Caractérisation spatiale de la transition solide-plasma
4.2.2 Caractérisation temporelle de la transition solide-plasma en face avant et face arrière
4.2.3 Réflexion, transmission, absorption
4.3 Mousses
4.3.1 Mousses régulières
4.3.1.1 Transmission d’une mousse
4.3.1.2 Influence de la taille des parois
4.3.1.3 Influence de la taille des pores
4.3.1.4 Influence de la taille totale de la mousse
4.3.1.5 Comparaison avec un milieu homogène
4.3.2 Mousses irrégulières
4.4 Conséquences de la transition solide-plasma de l’ablateur sur le DT solide et influence des mousses
4.5 Synthèse
Conclusions et perspectives
A Absorption collisionnelle
B Modes propres du polystyrène
C Fréquences de collision électron-phonon
C.1 Phonons acoustiques
C.2 Phonons optiques
D Transfert d’énergie électron-phonon
D.1 Transfert d’énergie électron-phonon acoustique
D.2 Transfert d’énergie électron-phonon optique
E Grandeurs thermodynamiques des électrons
E.1 Potentiel chimique
E.2 Capacité thermique
E.3 Potentiel chimique effectif
F Logarithme coulombien
G Approximations des densités en fonction des températures
G.1 Calcul de la dynamique électronique
G.2 Densité totale
G.3 Densité d’électrons
G.4 Densité d’ions
Liste des publications et des présentations
Bibliographie

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *