Modélisation de la dynamique dans un canal droit

Modélisation de la dynamique dans un canal droit

Le régime visco-capillaire 

Nombres adimensionnels

Le nombre de Reynolds Re = ρV h/η et le nombre capillaire Ca = ηV/γ, calculés à partir des mesures de vitesse des bouchons dans le canal (Fig. 2.11, section 2.2), sont reportés sur la figure 3.1. Les propriétés des liquides sont indiquées dans les sections 2.1.2 et 2.2.4. Excepté pour les expériences avec l’eau (LPM 1), les nombres de Reynolds sont inférieurs à l’unité et confirment le faible rˆole joué par l’inertie sur les écoulements. La valeur maximale du nombre de Reynolds pour les bouchons Mod´ elisation de la dynamique dans un canal droit 52 Modélisation de la dynamique dans un canal droit 10−8 10−6 10−4 10−2 100 10−4 10−2 100 102 L.M. L.P.M.2 L.P.M.1 We=1 ↑ Ca Re Fig. 3.1: Nombre de Reynolds (Re = ρV h/η) et nombre capillaire (Ca = ηV /γ) rencontrés dans les expériences sur les microcanaux droits. La courbe correspond à W e = ReCa = 1, o`u W e est le nombre de Weber. d’eau vaut 50 mais ne remet pas en question cette remarque sur l’inertie (Stone et al., 2004). Les nombres capillaires varient quant à eux de 10−6 à 10−2 pour les liquides partiellement mouillants, et de 10−4 à 10−2 pour le liquide mouillant. Le nombre de Weber, W e = ReCa, qui exprime le rapport inertie sur tension de surface, est inférieur à l’unité et les valeurs expérimentales se situent pour les trois liquides sous la courbe We=1, tracée sur figure 3.1. Rappelons également que la gravité est négligeable : le nombre de Bond, Bo = ρgh2/γ, est inférieur à 10−3 . Typiquement, les valeurs du nombre capillaire données ci-dessus sont faibles et elles correspondent à deux régimes distincts. Pour Ca < 10−6 −10−5 , l’hypothèse quasi-statique est généralement admise et la forme des interfaces est peu influencée par l’écoulement dans le bouchon (Bico & Quéré, 2002a; Ajaev & Homsy, 2006; Dong & Chatzis, 1995). Lorsque 10−6 −10−5 < Ca < 10−2 −10−1 , les effets visqueux ne deviennent plus négligeables et la forme des interfaces est affectée localement par l’écoulement confiné entre ces dernières et les parois du canal. Les fortes dissipations hydrodynamiques qui y ont lieu sont responsables de la déformation des interfaces. Loin des parois, les forces de tension de surface dominent néanmoins et la courbure des interfaces reste constante. Des exemples typiques de ces phénomènes à nombres capillaires intermédiaires sont la forme d’une bulle d’air dans un écoulement (Wong et al., 1995), la variation de l’angle de contact avec la vitesse de la ligne triple (Hoffman, 1975), ou encore le dé- 3.1 Le régime visco-capillaire 53 pˆot de liquide sur une fibre (Quéré, 1999). D’autres dissipations peuvent venir s’ajouter à cette dissipation hydrodynamique : dans le cas des liquides partiellement mouillants, on peut notamment mentionner les phénomènes d’élasticité de la ligne de contact et d’accrochage sur des défauts (Raphael & de Gennes, 1989; Joanny & Robbins, 1990) ou encore d’ondes capillaires (Zhou & Sheng, 1990). Enfin, lorsque le nombre capillaire devient grand (Ca > 10−1 ), des transitions vers d’autres régimes d’écoulements peuvent avoir lieu (Colin, 2004), ou l’influence de l’inertie via le nombre de Weber peut se faire sentir (Quéré, 1991). 

Le modèle visco-capillaire

Lorsque phénomènes visqueux et capillaires interagissent au niveau des interfaces et gouvernent la dynamique de ménisques ou de bouchons, le régime est dit visco-capillaire (Quéré, 1991; Suresh & Grotberg, 2005; Prat, 2007). A l’image de l’étude de Stokes et al. (1990) portant sur la dynamique de ménisques dans des tubes circulaires, on écrit le bilan de pression régissant le régime stationnaire sous la forme de deux dissipations distinctes, soit Pf = Pvisc + Pcap. (3.1) Rappelons que Pf est la pression de for¸cage adimensionnalisée. Le premier terme, Pvisc, rend compte des dissipations visqueuses dans le volume des fluides. Le deuxième terme, Pcap, représente les dissipations d’énergie ayant lieu au voisinage des interfaces avant et arrière des bouchons. Ces dernières peuvent aussi ˆetre d’origine visqueuse mais sont localisées près des interfaces. C’est par exemple le cas de la diffusion visqueuse entre l’interface et la paroi du microcanal évoquée précédemment. Les deux quantités de l’équation 3.1 s’expriment en termes de pression adimensionnalisée Le terme Pvisc peut ˆetre approché par une dissipation de type Poiseuille et on en détaille le calcul dans la section suivante. La connaissance de Pvisc permet ensuite de déterminer le terme capillaire Pcap à partir de l’équation 3.1. La méthode de calcul du terme capillaire est présentée dans la section 3.1.4 et appliquée au liquide mouillant dans un premier temps, puis aux liquides partiellement mouillants. 3.1.3 Modélisation de la dissipation visqueuse Le terme Pvisc représente les dissipations visqueuses ayant lieu dans l’air en amont et en aval des bouchons et dans le liquide constituant ces derniers. La dissipation dans l’air peut ˆetre calculée en utilisant la loi de Poiseuille adaptée à la section rectangulaire des microcanaux. Pour cette géométrie, le coefficient de la loi de Poiseuille, noté α, s’obtient analytiquement au moyen de séries de 54 Modélisation de la dynamique dans un canal droit Fourier et peut ˆetre approché par α = 12/h2 ·[1 − 6 · (h · 2 5 )/(w · π 5 )]−1+O(h/w) (Brody et al., 1996; Stone et al., 2004; Ichikawa et al., 2004). En réalité, on déterminera α au second ordre minimum. La dissipation visqueuse lors de l’écoulement du gaz dans le microcanal, notée P air visc, s’écrit sous la forme P air visc = αηairLairV, (3.2) o`u ηair est la viscosité de l’air ( ηair = 1.8 · 10−2 cP), et Lair est la longueur de la colonne d’air dans le microcanal qui vaut Lair = L0 − L. Ici, L0 est la longueur du microcanal, et L la longueur du bouchon. Pour établir l’équation 3.2, on suppose que l’air s’écoule dans le canal à la mˆeme vitesse que le bouchon. Par ailleurs, le diamètre du tube (660 µm) qui connecte la source de pression constante au microcanal étant supérieur aux dimensions du microcanal, on néglige les pertes de charge dans la connectique extérieure, petites par rapport à celles se produisant dans le microcanal et exprimées par P air visc. La dissipation visqueuse dans le volume du liquide (ou la longueur du bouchon), notée P liq visc, peut quant à elle ˆetre approchée par la mˆeme expression que pour l’air. En effet, malgré les zones de recirculation présentes dans le bouchon en déplacement et évoquées dans le chapitre 1, cette méthode a déjà été employée pour des bouchons dans des tubes circulaires (Bico & Quéré, 2001; Zheng et al., 2005). Dans ces conditions, la loi de Poiseuille calculée pour un canal rectangulaire et appliquée sur la longueur L (entre les ménisques) d’un bouchon se propageant à une vitesse V s’écrit P liq visc = αηLV. (3.3) Lorsque les bouchons sont longs, ou bien lorsque la viscosité du liquide est élevée comme pour le cas du LPM 2, la dissipation visqueuse de l’air en écoulement dans le canal est petite par rapport à la dissipation dans le liquide. Néanmoins, on tient compte des deux fluides dans le calcul de la dissipation visqueuse totale. On obtient finalement, après adimensionnalisation et en notant le rapport des viscosités λ = ηair/η Pvisc = α κ [(1 − λ)L + λL0]Ca. (3.4) Précisons que, pour obtenir l’équation 3.4, on a fait l’hypothèse de nonglissement à la paroi, dont la légitimité en microfluidique est parfois discutée. Des expériences ont montré, dans le cadre d’écoulements monophasiques dans des microcanaux de taille caractéristique pouvant aller jusqu’à la dizaine de micromètres, des déviations par rapport à la prévision théorique de la loi de Poiseuille avec la condition de non-glissement (Anduze, 2000; Tretheway & Meinhart, 2002; Joseph & Tabeling, 2005). Cependant, les valeurs des longueurs de glissement obtenues diffèrent et la dimension caractéristique des microcanaux à partir de 3.1 Le régime visco-capillaire 55 laquelle le glissement apparaˆıt ne fait pas l’unanimité. On sait de plus que l’utilisation d’une surface hydrophobe (ou de manière équivalente d’un fluide peu mouillant tel que l’eau dans notre cas) favorise le glissement (Squires & Quake, 2005). Néanmoins, malgré ces remarques, on supposera l’hypothèse de nonglissement valide pour les conditions expérimentales en jeu ici. On montre dans la section suivante que la modélisation de la dissipation visqueuse par la loi de Poiseuille (Eq. 3.4) est appropriée. Pour cela, on calcule, à partir de Pvisc, le terme capillaire Pcap qui représente les dissipations supplémentaires ayant lieu aux interfaces des bouchons.

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