Les maralS salés (saltmarsh) sont des zones de végétation situées dans la zone intertidale et ils sont composés de plantes qui sont adaptées aux eaux salées. Les nutriments essentiels à leur croissance sont apportés par la marée (Poulin et Pelletier, 2007) et les moments d’exposition à l’air libre leur permettent d’être en contact avec le gaz carbonique de l’atmosphère. Par contre, ces écosystèmes sont grandement influencés par le déferlement des vagues qui arrivent du large. Ces vagues dissipent leur énergie, entre autres, au contact des plantes et celles-ci sont vulnérables lorsque cette énergie est trop importante. Müller et al. (1999) ont mesuré cette dissipation des vagues dans un marais de l’est de l’Angleterre et ils ont estimé que la végétation a été en mesure de réduire la hauteur des vagues de 88,5 % sur une distance de 205 m. D’autres plantes aquatiques dissipent aussi l’énergie des vagues, comme les herbiers (seagrass), situés surtout dans la zone subtidale peu profonde (Chen et al., 2007), et les algues marines, qui sont, quant à elles, vulnérables à la dissipation de l’énergie des vagues lorsque celle-ci est trop importante (D’Amours et Scheibling, 2007). D’autres plantécosysthèmes plus résistantes, comme les mangroves, ne sont pas directement influencées par les vagues, mais ils en amortissent grandement l’énergie lorsque celles-ci progressent vers la berge (Quartel et al., 2007).
D’un autre côté, le fait que la végétation dissipe l’énergie des vagues fait en sorte que la dynamique sédimentaire est différente de celle aux endroits dépourvus de végétation. À ces endroits, en général, les vagues en provenance du large érodent le sédiment lorsqu’elles déferlent sur l’estran. En analysant le lien entre le transport sédimentaire et différents processus biologiques (macrophites, micro-organismes, macrofaunes benthiques), Le Hir et al. (2007) en sont venus à la conclusion que la présence de végétation aquatique protège les sédiments de l’effet d’érosion des vagues de par la réduction de leur énergie lorsqu ‘elles entrent en contact avec la couverture végétale. Watts et al. (2003) ont aussi déduit que les plantes qui composent les marais salés protègent les berges en diminuant grandement la turbulence et le cisaillement causé par les vagues. Selon Madsen et al. (2001), cette altération de l’hydrodynamisme local a pour conséquence de non seulement favoriser le dépôt des particules en suspension dans l’eau, mais aussi de réduire considérablement la resuspension des sédiments du fond causée par la turbulence de la houle. Cela a pour conséquence que dans les marais, le taux de sédimentation est plus élevé (Coops et al., 1996; Widdows et al., 2008) que sur les berges sans végétation et la taille moyenne des grains présents dans le sédiment est plus petite (Yang et al. , 2008).
Le rôle protecteur de la végétation face à l’ érosion causée par le mouvement des vagues a été mis en évidence par Turker et al. (2006). Ceux-ci ont effectué des expériences dans un canal à houle et ils ont déterminé que la protection du sédiment augmente avec la densité et la taille des plantes. Van der Wal et al. (2008) ont aussi confirmé, à l’ aide d’analyses de photos aériennes, qu’en présence de marais salé, le phénomène d’érosion des berges était réduit. Drapeau (1992) arrive même à la conclusion que la végétation des marais favorise la formation de schorre qui, par la suite, aide à la progression du marais vers le large. De plus, Morris (2007) a démontré que dans certaines conditions, les marais peuvent résister à une hausse du niveau marin, car dans les cas étudiés, la montée des eaux peut être compensée par le taux de sédimentation plus élevé. La présence d’une couverture végétale peut donc être un bon moyen d’atténuer l’effet d’érosion causé par l’action répétée des vagues sur les berges.
Mendez et Losada (2004) parviennent, de la même façon que Kobayashi et al. (1993), à formuler une analyse mathématique qui interprète la végétation comme étant un facteur de perte d’énergie de par la force de traînée qu’elle induit au contact avec l’eau. Mais, leur recherche inclut aussi l’effet du déferlement des vagues et du changement de la topographie dans les zones côtières dans les calculs de l’atténuation des vagues. Cela a permis de prédire la courbe d’atténuation des vagues monochromatiques ou irrégulières en considérant les caractéristiques de la végétation, des vagues et de l’ environnement. Ce modèle reste tout de même une solution analytique unidirectionnelle qui a été testée avec des mesures effectuées dans un canal à houle. L’implantation de cette solution à un modèle numérique côtier reste difficile. Li et Yan (2007) ont, pour leur part, développé un modèle hydrodynamique en trois dimensions qui permet de prédire le comportement de l’eau en contact avec la végétation en traitant, eux aussi, la végétation comme une source de dissipation de l’énergie des vagues. Les vagues y sont par contre traitées de façon monochromatique. Vo-Luong et Massel (2008) ont récemment réussite à faire l’analyse complète de la progression du spectre de vagues dans une forêt de mangrove en analysant la dissipation des vagues engendrée par leur déferlement et le contact de l’ eau avec les troncs et les racines de mangrove. Ils ont aussi été en mesure de valider leurs modèles analytiques de cette dissipation en effectuant des mesures sur le comportement des vagues dans une forêt de mangrove située au Vietnam.
Par contre, il n’existe encore aucun modèle qui soit en mesure de modéliser le comportement du spectre complet de vagues lors de sa progression dans un marais salé. L’objectif de ce travail est donc de construire un modèle numérique qui permettra de simuler la progression des vagues dans un milieu où il y a de la végétation. Pour ce faire, il a d’ abord fallu analyser l’interaction des vagues avec la végétation de façon mathématique. Dans cette analyse, la dissipation de l’énergie a été calculée indépendamment pour chacune des vagues de fréquences différentes. De plus, cette dissipation a été considérée sur l’ ensemble de la hauteur de la végétation en intégrant sur la verticale, les pertes d’énergie induites par la végétation. Par la suite, un algorithme a été construit afin de calculer, de façon numérique, l’effet de cette dissipation d’énergie sur le comportement des vagues. Le modèle SWAN (Holthuijsen, 2007) a été utilisé pour intégrer l’ effet de la végétation aux autres conditions environnementales. En effet, SWAN est couramment utilisé pour prédire l’ aspect des vagues en milieux côtiers face à diverses conditions environnementales, telles le vent et la topographie du milieu. Une fonction supplémentaire, qui sert à calculer la dissipation de l’énergie des vagues au contact avec la végétation, a donc été intégrée à ce modèle déjà existant. Cette approche a pour but de pouvoir appliquer SWAN à des zones côtières où sont situés des marais salés. Une série de mesures effectuées dans le marais de l’Isle-Verte a permis d’effectuer les calibrations nécessaires de ce nouveau modèle et de juger de la fiabilité de ces modélisations.
Mesures de la végétation
Une première méthode pour caractériser la couverture végétale consiste à prélever des échantillons de la végétation présente dans le marais. Ceux-ci furent récoltés en deux séances, le 5 septembre et le 5 octobre. Cette collecte a été faite en déposant un cylindre de plastique (de 16,25 cm de diamètre intérieur) sur le marais et coupant au raz du sol les plantes se retrouvant à l’intérieur. Pour chacune des huit stations (entre V2 et V4, vegl à veg8), quatre échantillons ont été récoltés. Par la suite, ces plantes furent mesurées, séchées et pesées en laboratoire afin d’en connaître la biomasse et la densité des plantes par m² . La hauteur de la végétation a été définie comme étant la hauteur moyenne des 5 plus grandes plantes parmi chaque échantillon. Les moyennes des quatre réplicats ont été utilisées afin de caractériser la végétation de chaque station.
1. Introduction |