Modélisation de la coupe

Modélisation de la coupe

Modèles phénoménologiques et empiriques

La coupe des métaux mettant en œuvre un nombre important de phénomènes physiques, les modèles phénoménologiques et empiriques cherchent à réunir un grand nombre de paramètres mesurables pour refléter au mieux la réalité. Ces modèles fournissent généralement de bons résultats mais restent limités à un domaine d’étude restreint. Souvent tirés d’interpolations de courbes, leur sens physique est limité. Leur formulation, indépendante des mécanismes de coupe, permet, dans la plupart des cas, de formuler les efforts dans les trois directions sans passer par une modélisation en coupe orthogonale. Cette approche s’est principalement développée durant les années 1990, notamment sous l’impulsion de chercheurs américains.

Formulation classique

Les modèles empiriques ont la spécificité de donner souvent de très bons résultats. Cependant, ils sont souvent issus d’interpolations de courbes et n’ont, du fait, aucun sens physique. De plus, ils ne sont valables que dans quelques cas pratiques hors desquels leur aptitude à donner des résultats corrects est affectée. Kline et al. (1982) proposent un modèle empirique basé sur le principe de la segmentation d’arête. L’outil — une fraise — est décomposé en plusieurs disques élémentaires sur lesquels sont appliqués les efforts élémentaires, ces derniers variant en fonction de sa position angulaire. La somme de ces contributions, pour une position angulaire donnée, fournit l’effort global à l’instant t. Les coefficients utilisés par la relation de coupe sont obtenus à partir d’un polynôme du deuxième ordre fonction des engagements ap et ae ainsi que de l’avance par dent fz . Très tôt l’idée est venue de pouvoir corréler des paramètres facilement observables avec les efforts de coupe. Les premières traces de cette méthode figurent dans les travaux de Kienzle et Victor (1952) qui introduisent la notion d’efforts spécifiques (Ki ) dans les trois directions d’efforts — coupe, pénétration et avance — en fonction de paramètres identifiés expérimentalement, soit K11,i et mi comme le montre l’équation suivante. Ki = K11,i  h h0 −mi i ∈ {c, p, f } (2.1) L’effort est dit « spécifique » car lié à une largeur de coupe b et une avance f unitaire i.e. pour une dent en fraisage et un tour en tournage, d’où l’indice 11. Pour affiner le modèle, l’effort spécifique K11,i est souvent multiplié par un certain nombre de facteurs de correction dépendants de paramètres tels que l’angle de coupe (Kγn,i ), l’angle d’obliquité d’arête (Kλs ,i ), la vitesse de coupe (KVc ), etc (Günay et al., 2004; Saglam et al., 2007). Ce concept est aujourd’hui encore employé par la méthode du Couple-Outil-Matière (AFNOR, 1994). Plus récemment, cette approche a été reprise et développée par Denkena et al. (2005) pour un modèle d’effort en fraisage donnant des résultats satisfaisants. Suite aux travaux de Kienzle et Victor, l’idée que les efforts soient directement liés aux sections coupées s’est développée, notamment au département Industrial Engineering de University of Illinois at Urbana-Champaign (Kapoor et al., 1998). L’idée des modèles mécanistes est que les efforts sont proportionnels à la section coupée AD et que les coefficients sont dépendants des conditions de coupe, des géométries d’outils et des propriétés des matériaux. Une approche de la coupe orthogonale souvent rencontrée considère que les deux composantes d’effort appliquées sur l’arête de coupe sont proportionnelles à la section coupée par l’intermédiaire des coefficients Kc et Kf représentant respectivement l’énergie spécifique de coupe (2.2) et de frottement (2.3) (Reddy et al., 2000). Fc = Kc AD (2.2) 2.1 – Modèles phénoménologiques et empiriques 15 Ff = Kf AD (2.3) Ces coefficients sont le plus souvent déterminés à partir d’un échantillon d’essais après régression linéaire des équations suivantes (2.4) et (2.5). La forme logarithmique de ces équations facilite l’étalonnage des constantes et n’est absolument pas justifié par des considérations physiques (Reddy et al., 2001). ln (Kc ) = a0 + a1 ln (h) + a2 ln (Vc ) + a3 ln (1 − sin γne ) + a4 ln (Vc ) ln (h) (2.4) ln (Kf ) = b0 + b1 ln (h) + b2 ln (Vc ) + b3 ln (1 − sin γne ) + b4 ln (Vc ) ln (h) (2.5) Cette formulation peut légèrement varier d’un modèle à l’autre, en particulier sur la prise en compte de l’interaction entre la vitesse de coupe Vc et l’épaisseur coupée h. Elle permet une importante flexibilité du modèle et, de ce fait, donne fréquemment de bons résultats. Cependant, le coefficient Kf représentant le frottement n’est absolument pas comparable à un coefficient de frottement au sens commun du terme a mais plus vraisemblablement à une contrainte de frottement. Cette affirmation n’est valable qu’en l’absence de contact sur la face en dépouille. Le seul intérêt présenté par ces modèles est la considération que les efforts de coupe sont proportionnels à la section coupée AD et fonction de la vitesse de coupe Vc , de l’angle de coupe efficace γne et de l’épaisseur coupée h. Les efforts étant également sensibles à la nature du matériau usiné et à l’orientation de l’arête, ce type de formulation ne permet pas d’introduire leur effet. Les introduire impliquerait un échantillon d’essais de taille colossale. Park et al. (2004) substituèrent les résultats de simulation par éléments finis aux résultats expérimentaux pour étalonner leur modèle dans le cas de microstructures variables. Les erreurs moyennes obtenues varient de 10% à 20% et sont distribuées aléatoirement, selon les conditions de coupe employées. Ce type de modèle n’est pas réservé aux seuls outils à arête vive. Dans le cas d’une arête de coupe rayonnée, l’effet d’indentation génère une force supplémentaire. En effet, le rayon d’arête rβ tend à faire s’écouler une partie de la matière sous la face de dépouille. La partition d’écoulement entre face de coupe et face de dépouille se produit au niveau d’un point de l’arête appelé point de stagnation. Le modèle proposé par Ranganath et al. (2007) considère un ratio constant entre les efforts de cisaillement et d’indentation en coupe orthogonale. Ce modèle est basé sur les équations (2.4) et (2.5) bien que restreintes à l’angle de coupe γn, la vitesse de coupe Vc et l’épaisseur coupée h. Les auteurs définissent trois étapes pour l’étalonnage de ce modèle. 1. Réaliser des essais à rapport h/rβ constant à partir de deux outils de même matériau mais de rayon rβ différents. 2. Calculer le ratio entre effort de coupe et d’avance pour évaluer le coefficient lié à l’épaisseur coupée h. 3. Réaliser une régression linéaire pour déterminer les autres coefficients. Le modèle d’efforts pour fraises hémisphériques de Ko et Cho (2005) identifie l’effet d’indentation se produisant à l’extrémité de l’outil. La fraise est divisée en une série de couches d’épaisseur définie (voir aussi Kline et al., 1982). Selon leur analyse, la valeur prise par les coefficients Kc et Kf augmente lorsque l’épaisseur coupée h devient inférieure à 0.01 mm. Ils sont alors calculés à partir d’une loi de Weibull. Cette loi devant être calibrée en fonction de l’épaisseur de segmentation de l’outil. Endres et al. (1995a,b) proposent un modèle d’efforts à partir de l’existence du point de stagnation, l’effet d’indentation étant matérialisé par a. Certains auteurs font ce raccourci. 16 Chapitre 2 – Modélisation de la coupe un volume d’interférence entre l’outil et la matière et l’effort normal Nc f étant directement proportionnel à ce volume Vi Nc f = Kc f Vi (2.6) Kc f = 0, 775 E 1 − 2 ν δ (2.7) où δ représente la profondeur du matériau affectée élasto-plastiquement. Cette variable étant difficile à obtenir, les auteurs employèrent finalement la méthode empirique pour déterminer Kc f . 2.1.2 Cas de la coupe oblique Le modèle proposé par Bissey (2005) en coupe oblique est plus complexe que les modèles précédemment exposés. Conçu pour l’approche Couple-Arête-Matière, ce modèle comporte huit coefficients dont certains sont analogues à ceux des modèles précédents et d’autres traduisent l’effet des angles d’arête. Les paramètres utilisés par ce modèle sont l’épaisseur coupée h, la largeur de l’élément d’arête b et l’angle d’inclinaison d’arête λs . L’angle de coupe γn est implicitement utilisé dans la formulation de l’angle λn. La figure 2.2 montre le paramétrage utilisé par ce modèle, en particulier l’utilisation du repère local (~g, ~n, ~a) lié à l’arête. h b Direction d’avance ls gn go hc ln n g v o g’ n’ gn g’ h g n n’ ls n’ v o a Direction d’écoulement du copeau f a h Fig. 2.2 – Paramètrage de l’arête d’après Bissey (2005). Les efforts sont obtenus grâce aux relations suivantes An = Kn (sec λs ) Knλs (2.8) Fn = − (kn0 + An h) (1 + Knγ (γn − γ0)) b (2.9) Cf = (Kc f0 + Kc f h) (1 + Kc f λs λs ) 

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