Modélisation de la compressibilité et de la cohésion de produits purs
Introduction
La modélisation permet de comprendre les mécanismes physiques intervenant dans un procédé, et de prévoir les évolutions de diverses propriétés, à partir ,de quelques essais expérimentaux seulement. Cet aspect est particulièrement important en pharmacie galénique. Dès la synthèse d’une nouvelle molécule présentant une ou des propriétés pharmacologiques intéressantes, il est nécessaire d’envisager rapidement la forme finale d’administration: comprimés, gélules, sirops, suppositoires, injectables. Nous nous plaçons dans le cas de l’étude des comprimés pharmaceutiques pour lesquels une formulation très précise est demandée par l’administration pour obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). La formule développée est souvent complexe et résulte d’ajouts de façon plus ou moins empirique. Ainsi, il est nécessaire de disposer de grandes quantités de principe actif pour réaliser les essais nécessaires, ce qui n’est pas toujours possible pour de multiples raisons: faible quantité de produit synthétisé ou manque de temps pour réaliser toutes les formulations. D’où l’intérêt de la modélisation qui non seulement améliore la connaissance de la formulation mais permet de pallier les inconvénients précédents. Le formulateur qui reçoit une poudre contenant une nouvelle molécule veut connaître le plus rapidement possible ses caractéristiques essentielles pour pouvoir comprimer cette substance. La connaissance des ajouts est également un atout. Les excipients utilisés en galénique ont plusieurs rôles : liant, diluant, délitant, mouillant, lubrifiant. De plus des arômes, des colorants ou des films conducteurs sont souvent ajoutés [1, 2], rendant la formulation plus complexe, comme la volonté de graver les comprimés, ou de les rendre sécables. Dans cette première partie, nous allons nous intéresser à l’étude théorique du comportement de produits purs, excipients ou principes actifs. Deux grandes catégories de propriétés seront successivement étudiées : … des propriétés liées à la texture (porosité, surface spécifique), … des propriétés mécaniques. Chacune de ces propriétés présente un intérêt particulier. Le contrôle de la porosité et surtout l’étude de son évolution avec la pression permet de dire si la substance présente une bonne compressibilité ou aptitude à la densification. De plus, une porosité résiduelle est nécessaire au sein d’un comprimé (souvent de l’ordre de 10 à 15%) afin de faciliter la libération du principe actif. La surface spécifique, variant avec la pression, indique que les. vitesses de 5 Modélisation de la compressibilité et de la cohésion de produits purs libération du principe actif seront différentes comme on le suppose pour les lois de dissolution du type équation de Nernst.
Etude de la compressibilité de produits purs
Effets de la pression sur les paramètres de texture La compressibilité ou aptitude d’une poudre à la densification dépend de plusieurs phénomènes: le réarrangement granulaire naturel initial appelé tassement ou celui consécutif à la fragmentation, et aux déformations élastique et plastique. L’ensemble de ces phénomènes peut être suivi par l’étude de paramètres texturaux macroscopiques tels que la porosité ou la surface spécifique, ou microscopiques, en fonction de la variable pression de consolidation (P). Les cycles de compressibilité (suivi de la porosité sous contrainte) peuvent également apporter des informations sur les mécanismes de compaction.
Etude de type « thermodynamique »
Habituellement, pour établir les relations entre l’évolution de propriétés des compacts et la pression appliquée, nous supposons que le comprimé est dans un état stable (<<thermodynamique »). Or, nous avons vu (Introduction) que l’état thermodynamique n’était obtenu qu’après un temps très long, lorsque tous les effets de relaxation ont disparu, et que les autres variables physico-chimiques (pression de vapeur d’eau, composition de l’atmosphère … ) restent constantes. Cet état n’est en pratique jamais atteint et la plupart des relations ou modèles occulte ce problème. De plus, notre système n’est même pas renversable : on ne peut pas passer du compact à la poudre initiale en baissant la pression ! ! ! Néanmoins, en première approximation, nous appellerons cet état l’état« thermodynamique », par abus de langage.
Lois porosité-pression
Les lois porosité-pression ont été très étudiées [4,5]. Une force uniaxiale est appliquée sur un échantillon en poudre dans une matrice. TI en résulte une pression équivalente. Bien entendu, cette force est supposée également reportée sur l’ensemble de la surface. La hauteur du poinçon permet de déterminer la porosité sous contrainte (n) de l’échantillon. TI est également possible de mesurer la porosité sous état relaxé Ce) et de comparer les deux valeurs obtenues, la différence étant due au phénomène d’élasticité. Avec la pression, et sous contrainte, la porosité décroît. Depuis longtemps, ce phénomène a été observé ainsi qu’une loi apparemment exponentielle reliant la porosité à la pression par Tickell et coll. [5]. En revanche, et pour de fortes contraintes, une remontée de la porosité relaxée avec la pression est parfois observée [6]. Ce phénomène, relativement mineur sur la valeur absolue de la porosité, est néanmoins un signe alarmant de clivage avec pour conséquence une diminution de la résistance à la rupture. Les plans cristallins ont été fortement contraints, et l~s forces entre atomes sont fortement répulsives. Lors de la relaxation, plus le potentiel de répulsion est élevé, plus est grand le risque de propagation de rupture entre atomes.
Relations existantes
Un nombre très important de relations entre la pression et la porosité ont été postulées [4,5]. Nous ne nous intéresserons en particulier qu’à deux d’entre elles parmi les plus connues et utilisées : celles de Heckel puis de Kawakita.
Relation de Heckel
Heckel [4] considère la densification de poudre comme équivalente à une réaction chimique du premier ordre dans laquelle les pores seraient le réactant.