Modélisation couplée cinétique/transferts masse et chaleur
Un modèle alliant cinétique chimique et transfert de masse et de chaleur a été conçu afin de prédire l’auto-échauffement à l’échelle d’un lit fixe de particules de bois torréfiées traversé par un flux gazeux oxydant. Pour ce faire, le logiciel multiphysique OpenFOAM est utilisé. L’approche adoptée ainsi que les résultats obtenus sont explicités dans ce chapitre.
OpenFOAM
OpenFOAM (Open Field Operation And Manipulation) est une boite à outils de modélisation / simulation multiphysique centré sur la dynamique des fluides. Ce logiciel open source est codé en C++. Il a la capacité de résoudre des équations aux dérivées partielles par la méthode des volumes finis. OpenFOAM traite des problèmes multiphysiques à travers plusieurs solveurs (écoulements compressibles et incompressibles, transferts thermiques, combustion …). Il est équipé d’un mailleur permettant la construction de la géométrie du système étudié. Le post-traitement des résultats est effectué à l’aide d’un outil de visualisation appelé ParaView. Celui-ci, produit des visuels et des graphiques permettant le traitement les résultats obtenus. Les principaux avantages d’OpenFOAM sont sa gratuité, sa performance, le fait qu’il offre la possibilité d’accéder aux sources avec une facilité de programmer les équations.
Méthodologie
Un modèle bidimensionnel d’auto-échauffement du lit de biomasse a été développé. Ce modèle couple la cinétique de création de la chaleur et son transfert conductif et convectif. Les hypothèses retenues et les équations régissant ces phénomènes sont présentées dans ce qui suit. 119 Modélisation couplée cinétique/ transferts masse et chaleur Chapitre 6 – Modélisation couplée cinétique/ transferts masse et chaleur 6.2.1 Nombres adimensionnels Le nombre de Biot est un nombre adimensionnel qui décrit la contribution des résistances aux transferts interne (conduction) et externe (convection) à la particule. Ce nombre est calculé selon l’équation 6.2.1 (Bi = 0.11). Bi = hfsLc/λs = 0.11 (6.2.1) Où hfs est le coefficient d’échange convectif entre la particule solide et la phase gazeuse formulé selon la corrélation empirique de Wakao et al [136] dans l’équation 6.2.15 et dont la valeur figure dans le tableau 6.1. La conductivité thermique du bois torréfié λs est tirée des travaux de Lee et al [137] sur le charbon d’érable dans la direction parallèle au flux de chaleur (tableau 3.3). Si Bi < 0.1, la résistance interne conductive est faible. Ainsi, les gradient thermiques intra-particulaires sont négligeables. Étant à la limite, nous pouvons considérer que la particule est thermiquement homogène. Le nombre de Péclet thermique correspond au rapport du transfert thermique par convection (ρg cpg vg ∆ T) sur le transfert thermique conductif (λg ∆ T/Lc). L’estimation du nombre de Péclet thermique permet de savoir s’il convient de modéliser le transfert dispersif [138]. Dans notre cas, nous obtenons une valeur légèrement inférieure à 1. De ce fait, dans une première approche, nous considérons que la dispersion est négligeable. P ep = −ρgcpgvgdp/λg = 0.85 (6.2.2) Le nombre de Reynolds est un nombre sans dimension exprimant le lien entre les forces d’inertie et les forces de viscosité. Il correspond au rapport de la quantité de mouvement transférée par inertie sur celles transférée par viscosité. Le nombre de Reynolds à l’échelle du pore est évalué à 2.7 selon l’équation 6.2.3. Rep = ρgvgdp/µg = 2.7 (6.2.3)
Hypothèses
Les hypothèses suivantes ont été retenues : — Le lit est considéré comme un milieu poreux homogène (faible Biot). — Une géométrie cylindrique axisymétrique en 2D du lit est retenue. 120 Chapitre 6 – Modélisation couplée cinétique/ transferts masse et chaleur — Le régime est transitoire et l’écoulement compressible. — Le transport du solide est négligeable (vs = 0). — La perméabilité et la conductivité thermique du milieu sont isotropes et constantes dans le temps. — La vitesse du gaz suit la loi de Darcy étant donné que Re < 10. En effet, selon Bear [139], en régime laminaire, la loi de Darcy est applicable lorsque Re < 1. Cependant, la borne supérieure peut être étendue jusqu’à 10.
Formulation du modèle
Les équations régissant l’auto-échauffement du système étudié sont implémentées dans le solveur de l’outil OpenFOAM dans lequel elles sont résolues selon une méthode ségrégée des volumes finis. Bilans de matière Les bilans de conservation de la phase gazeuse et de l’oxygène sont exprimés dans les équations 6.2.4 et 6.2.5. Nous considérons le transport de la phase gazeuse incluant l’oxygène et la diffusion de l’oxygène en régime transitoire. La cinétique chimique de l’auto-échauffement est associée à la consommation de l’oxygène exprimée dans les derniers termes des équations 6.2.4 et 6.2.5. ∂ρg ∂t + ∇.(ρg~v) = −yn O2 ρgkox (6.2.4) ∂yO2 ρg ∂t + ∇.(yO2 ρg~v) = ∇. Dρg τ ∇yO2 − yn O2 ρg kox (6.2.5) La constante de vitesse kox suit une loi d’Arrhénius (kox = A exp(-Ea/RTs) ) selon les paramètres cinétiques déterminés dans le chapitre 3. En supposant que l’écoulement est compressible, la masse volumique de la phase gazeuse est exprimée selon la loi des gaz parfaits (éqt. 6.2.6) ρg = PM RTg (6.2.6) Bilan de quantité de mouvement L’écoulement d’un fluide visqueux et incompressible est décrit par les équations de Navier-Stokes (Eq. 6.2.7) 121 Chapitre 6 – Modélisation couplée cinétique/ transferts masse et chaleur ρ( ∂~v ∂t + ~v.∇~v) = µ∆~v − ∇p + ~f ∇.~v = 0 (fluide incompressible) (6.2.7) L’accélération du fluide est décrite par le terme ρ( ∂~v ∂t +~v.∇~v). Le terme ~f représentant les forces extérieures agissant sur le fluide, si celui-ci est indépendant du temps, l’équilibre suivant les équations de Stockes peut être retenu (Eq. 6.2.8). −µ∆~v = −∇p + ~f ∇.~v = 0 (6.2.8) En supposant que les forces visqueuses sont linéaires suivant la vitesse et que les forces extérieures se limitent à la force de gravité, nous obtenons l’équation 6.2.9. −K −1 µ~v + ρ~g − ∇p = 0 (6.2.9) Où est la porosité et K est le tenseur de la perméabilité. Ceci aboutit à la loi de Darcy exprimée dans l’Eq 6.2.10. ~v = − K µ (∇p − ρ~g) (6.2.10) Compte tenu de la valeur du Re du pore (< 10), nous pouvons appliquer la forme linéaire de l’équation de quantité de mouvement sans tenir compte des effets d’inertie. Par ailleurs, nous négligeons la force de gravité par rapport au gradient de pression et nous considérons le milieu traversé par le fluide comme isotrope. Ainsi, la vitesse superficielle du gaz est exprimée comme dans l’équation 6.2.11. vg = K µ ∇P (6.2.11) Bilans de chaleur En termes de conservation de la chaleur, il existe deux méthodes de modélisation des transferts thermiques en milieu poreux à l’échelle macroscopique : soit en équilibre thermique local (ETL) soit en non-équilibre thermique local (NETL). L’équilibre thermique 122 Chapitre 6 – Modélisation couplée cinétique/ transferts masse et chaleur local est caractérisé par l’uniformité de la température entre la phase solide et la phase gazeuse. A l’opposé, en non-équilibre thermique local, deux températures différentes sont affectées à chacune de ces phases. Comme mentionné dans le chapitre 1, l’ETL est applicable lorsque les nombres Re et Da sont faibles. D’autres travaux ont démontré que l’ETL n’est pas valide en régime transitoire et dans quelques cas en régime permanent . De ce fait, dans notre cas, il serait plus adéquat de considérer que le système est en non-équilibre local en admettant un gradient de température entre les phases solide et gaz. ∂cpgρgTg ∂t + ∇.(ρgCpgTg~v) = λgef f∇2Tg + hfsafs(Ts − Tf ) (6.2.12) ∂((1 − )cpsρs)Ts ∂t = ksef f∇2Ts + ∆H × × kox × ρO2 n + hfsafs(Tg − Ts) (6.2.13) La surface spécifique dans un lit fixe est classiquement définie par le ratio de la porosité et du diamètre de la particule [73, 74] (éqt. 6.2.14). Dans un lit fixe, le coefficient d’échange convectif entre les deux phases a été formulé par Wakao et al. [142] selon une corrélation empirique en fonction des nombres Re de pore et Pr (éqt. 6.2.15). asf = 6(1 − ) dp (6.2.14) hsf = λf /dp 2 + 1.1P r1/3Re0.6 p (6.2.15)
Conditions aux limites
Les conditions aux limites ainsi que les conditions initiales retenues sont présentées dans la figure 6.1. La condition convecto-radiative admise aux parois du réacteur nécessite de déterminer le coefficient de transfert convectif dans l’espace annulaire entre la paroi du réacteur et celle du four. Dans notre cas, la paroi du réacteur est uniforme en température et celle du four est isolante, correspondant à la 3ème condition aux limites pour un écoulement laminaire entièrement développé dans une conduite annulaire concentrique [143]. De plus, le nombre de Nusselt dépend du ratio de diamètre. Sachant que Di/De = 0.95 ‘ 1, le coefficient de transfert convectif est déduit de l’équation. Entr´ee Figure 6.1 – Conditions aux limites et conditions initiales implémentées 124 Chapitre 6 – Modélisation couplée cinétique/ transferts masse et chaleur 6.2.16 [143]. Nui = hiDh λg = 4.86 (6.2.16) Où, Dh = De – Di (Dh : diamètre hydraulique, De : diamètre du four (paroi interne isolante), Di : diamètre du réacteur). A l’entrée du lit, le champs de température est défini à partir des données expérimentales enregistrée au cours du temps. Quant à la condition initiale de température, le champs de température reconstruit sur la base des données mesurées a été implémenté.
Propriétés physiques et chimiques
Conductivité thermique et perméabilité effectives du substrat Le lit de plaquettes de hêtre torréfié est supposé isotrope et homogène. La conductivité thermique effective comprend deux composantes : conductive et radiative (éqt. 6.2.17) [144]. Le milieu poreux étant traversé par un flux de gaz, nous retenons une conduction parallèle entre la phase gazeuse et solide [128]. La conductivité thermique effective est exprimée dans l’équation 6.2.18. λef f = λcond + λrad (6.2.17) λef f = λg + (1 − )(λs + 16 3 radσdpT 3 s ) (6.2.18) La perméabilité d’un lit fixe de particules sphériques est tirée des résultats expérimentaux de Ergun [73, 145] (éqt. 6.2.19). Dans notre cas, les plaquette de bois ne peuvent pas être considérées comme étant de géométrie sphérique. En effet, le ratio moyen de la plus grande dimension sur la plus est de estimé à 5.4. De ce fait, un facteur de correction Ψ appelé sphéricité (éqt. 6.2.20), est inclus dans l’équation. La sphéricité a été calculée dans [121] pour chacune des 365 plaquettes mesurées constituant l’échantillon représentatif et la moyenne arithmétique de ces valeurs a été estimée à 0.64. K = d 2 pΨ2 3 150(1 − ) 2 (6.2.19) Ψ = π 1/3 (6V ) 2/3 S (6.2.20) 125 Chapitre 6 – Modélisation couplée cinétique/ transferts masse et chaleur Coefficient de diffusion de l’oxygène Lorsqu’un fluide traverse un lit de particules inertes avec une vitesse élevée (Re > 10), le phénomène de diffusion massique s’amplifie pour donner lieu à une dispersion hydrodynamique. Ce phénomène comprend à la fois la diffusion moléculaire et la diffusion mécanique (convective) [146]. Le coefficient de dispersion longitudinal est classiquement 5 fois supérieur au coefficient de dispersion radial. D’autre part, à faible Reynolds (Re < 1), la diffusion massique est représentée par le coefficient de diffusion moléculaire. Dans le cas présent, à faible Re (1 < Re < 10) nous considérons que la dispersion de l’oxygène est limitée à la diffusion moléculaire selon le coefficient de diffusion moléculaire de l’oxygène (tableau 6.1). La viscosité dynamique du gaz est décrite selon la loi de Sutherland en fonction de la température (éqt. 6.2.21) µ = µ0 Tg T0 3/2 T0 + S 0 Tg + S0 (6.2.21) Où, µ0 est la viscosité de référence, Tg, la température du gaz, T0, la température de référence et S 0 , la température effective appelée la constante de Sutherland. Pour le cas de l’air à température et pression modérées, les valeurs des constantes sont : µ0 = 1.7894× 10−5 kg/m/s, T0 = 273.11 K et S 0 = 110.56 K [147]. Symbole Propriété Valeur Dimension Note D Coefficient de diffusion de l’oxygène 2 × 10−5 m2/s Mesurée [148] K Perméabilité du lit poreux 1.208 × 10−7 m2 Estimée [145] hi Coefficient de transfert convectif 16.28 W.m−2 .K−1 Estimée [143] (parois réacteur/ four) Table 6.1 – Propriétés physiques complémentaires du bois et du gaz.