Modèles utilisés pour échanger les renseignements
Principes généraux
Les organismes publics, dans le cadre de leurs activités normales, collectent et conservent des renseignements relatifs à des personnes physiques et morales ou des opérations. Certaines peuvent intéresser d’autres organismes, à des fins d’analyse, pour mettre en évidence d’éventuelles violations de la législation ou de la réglementation, ou encore au titre d’enquêtes pénales en cours. Il s’agit donc là d’une source d’informations utile pour les organismes chargés de lutter contre la délinquance financière. Les mécanismes d’échange de renseignements permettent de recueillir des éléments de preuve pour déclencher de nouvelles enquêtes et étayer celles en cours. Dans certains cas, les renseignements n’auraient pu être obtenus directement, en particulier quand ils sont de nature spécialisée, comme ceux que détient l’administration fiscale ou la cellule de renseignement financier. Dans d’autres, ces échanges donnent la possibilité de réduire les doubles emplois entre organismes, avec à la clé une procédure plus rapide et des investigations moins coûteuses. L’échange de renseignements peut également ouvrir de nouveaux axes, par exemple quand une investigation sur une infraction fiscale révèle d’autres activités criminelles et de blanchiment de capitaux. Croiser des renseignements de différentes sources permet à l’agent d’améliorer sa compréhension d’un aspect donné ou des activités du suspect et de mener vraisemblablement ainsi des recherches plus efficaces. Il y a lieu de noter, enfin, que les mécanismes d’échange de renseignements peuvent servir à renforcer les relations entre les organismes et leurs principaux responsables, et à les encourager ainsi à tisser de nouvelles formes de coopération plus étroites. Les passerelles juridiques d’échange de renseignements peuvent prendre plusieurs formes. La législation primaire fournit souvent le cadre général de la coopération, par exemple en obligeant un organisme donné de communiquer des données particulières dans certaines circonstances, ou en instaurant un certain nombre de restrictions. Les organismes peuvent, dans les limites prescrites par le droit, conclure des accords bilatéraux, ou « mémorandums d’accord », dans lesquels ils conviennent de transmettre des renseignements lorsque ceux-ci intéressent les activités de l’autre partie. La nature des renseignements concernés, les circonstances de l’échange ainsi que les éventuelles restrictions applicables (par exemple lorsque les renseignements ne peuvent être utilisés qu’à certaines fins) y sont généralement précisées. Les parties ont la possibilité d’y intégrer d’autres dispositions, comme par exemple d’obliger l’organisme destinataire à faire connaître l’issue des investigations dans lesquelles les renseignements ont été employés. Les mémorandums d’accord peuvent être utiles pour convenir des modalités pratiques de la coopération telles que la forme prise par les demandes, le nom des autorités compétentes habilitées à les traiter, ainsi que les périodes de préavis et autres délais. B. Passerelles juridiques d’échange de renseignements Les passerelles juridiques d’échange de renseignements relèvent de quatre grandes catégories : i) accès direct aux archives et bases de données ; ii) obligation d’échange spontané de renseignements ; iii) échange spontané de renseignements ; et iv) échange de renseignements sur demande. Quel que soit le système en vigueur, il est important de protéger la confidentialité des renseignements et l’intégrité des travaux réalisés par les autres organismes. En Suède par exemple, la loi sur le secret s’applique en toutes circonstances aux renseignements que les organismes s’échangent au titre de passerelles juridiques. Des protections similaires existent dans d’autres pays.
Accès direct aux archives et bases de données
Un organisme peut autoriser certaines personnes travaillant pour d’autres autorités à consulter directement ses archives et bases de données dans un éventail plus ou moins large de circonstances. Cela présente des avantages pour l’organisme demandeur, qui peut rechercher directement les renseignements et souvent les obtenir rapidement. Il arrive cependant que la base contienne de vastes quantités de renseignements. Or ceux-ci sont organisés en fonction des besoins de l’autorité qui les détient et non de l’organisme tiers : les agents peu familiers des systèmes de l’autre partie pourraient avoir du mal à distinguer ceux qui sont importants. Il se peut également que les enquêteurs ne sachent pas qu’une certaine base de données recèle des renseignements utiles et que ceux-ci, bien que disponibles, ne soient donc pas utilisés. Par rapport à d’autres mécanismes d’échange de renseignements, l’accès direct recèle le risque de voir certaines données consultées à des fins autres que leur usage prévu. Certains pays peuvent donc prendre des mesures pour préserver la confidentialité des renseignements sensibles, par exemple en n’autorisant que certaines personnes à consulter les bases et en tenant un registre des données consultées et des motifs invoqués.
Obligation d’échange spontané de renseignements
Certains organismes sont obligés de communiquer spontanément certains renseignements, sans qu’une demande soit nécessaire. On parle alors parfois de « notification obligatoire ». L’avantage de ce système est que le renseignement à communiquer est identifié par les agents de l’organisme qui le détient, lesquels ont souvent une meilleure compréhension des informations en leur possession. Mais pour qu’il soit efficace, l’organisme doit disposer de règles et de mécanismes clairement établis pour déterminer quel renseignement transmettre. Cela ne présente pas de difficulté quand tous les renseignements d’une catégorie donnée doivent être communiquées (par exemple, lorsqu’il faut fournir copie de toutes les déclarations d’opérations en espèces), mais devient plus complexe quand l’agent doit exercer sa capacité de jugement pour déterminer si le renseignement est utile à l’enquête. En outre, cette méthode ne permet pas aux enquêteurs de préciser la nature de ce qu’ils recherchent. Elle pourrait néanmoins faciliter la détection de certaines activités auparavant dissimulées avec succès.
Échange spontané de renseignements
Il arrive également que l’organisme ait la possibilité de communiquer spontanément certains renseignements, s’il le juge utile. Lorsque cette méthode fonctionne correctement, elle peut être au moins aussi efficace que la précédente. Les renseignements sont communiqués spontanément, mais les responsables de l’organisme qui les détient peuvent exercer leur capacité de jugement et transmettre uniquement ceux utiles en l’espèce, et non tous ceux d’une catégorie donnée. Ce modèle est particulièrement opérant lorsque les organismes ont noué une coopération étroite et que leurs responsables ont une bonne compréhension de leurs besoins de renseignements mutuels. Il apparaît ainsi que, même en l’absence d’obligations particulières, l’échange de renseignements peut être très fructueux. Lorsque les modèles d’échange laissent aux organismes une certaine latitude, des règles claires doivent être énoncées à ce sujet. Il est possible, par exemple, de laisser décider seulement les responsables occupant certaines fonctions ou niveaux de direction, et de convenir des facteurs qu’ils peuvent examiner à cette fin. L’efficacité de cette passerelle juridique dépend également de la capacité des responsables à identifier les renseignements pertinents et de leur volonté d’exercer leur jugement dans ce domaine. En l’absence d’expérience préalable de la coopération interinstitutionnelle, il faut indiquer clairement les avantages que les deux organismes ont à retirer de l’échange, le risque étant sinon que les responsables décident de ne pas transmettre des renseignements pourtant utiles.
Échange de renseignements sur demande
Certains organismes ne communiquent de renseignements que lorsque demande en est faite. Il s’agit sans doute de la plus simple des quatre méthodes : aucune règle ni aucun mécanisme n’est nécessaire, ni pour déterminer les renseignements à communiquer, ni pour donner accès aux archives. Elle permet également aux responsables de préciser la nature de l’information dont ils ont besoin. Ce mécanisme peut être utile lorsque, dans le cas d’une transaction donnée, ceux qui conduisent l’investigation savent exactement ce qu’ils recherchent. Il arrive souvent néanmoins qu’un organisme ait en sa possession des renseignements dont l’enquêteur ne soupçonne pas l’existence. Ce dernier n’est alors pas en mesure de les demander, ou ne pourra le faire qu’ultérieurement, quand le renseignement risque d’avoir perdu de son utilité.