Modèles pour l’étude de la génération de la marée interne
La stratification de l’océan, par le biais de la force de flottabilité, entraîne la formation d’ondes, appelées ondes internes de gravité ou lorsque celles-ci sont affectées par la rotation de la terre, ondes de gravité inertielles. Différents modèles analytiques et numériques permettent de décrire la génération et la propagation de ces ondes internes de gravité, que nous appellerons simplement ondes internes par la suite. Chacun de ces modèles s’appuie sur des hypothèses simplificatrices et présente donc des limitations. Ce chapitre propose une revue et une description des différents modèles analytiques et numériques utilisés au cours de cette thèse.
Modèles analytiques
La structure des ondes internes dépend fortement des conditions de stratification locale de l’océan, donc du profil vertical de masse volumique, . Dans le cas d’une stratification stable (masse voumique, qui augmente avec la profondeur : ), une particule fluide écartée de sa position d’équilibre va osciller autour de celle-ci sous l’effet de son poids et de la poussée d’Archimède, à une fréquence contrôlée par la stratification locale du fluide.
Plus la stratification est forte, plus la force de rappel est importante et plus la pulsation des oscillations augmente. Ces oscillations sont amorties par la viscosité du fluide. Cette pulsation, appelée pulsation de BruntVäisäla, N(z), est définie par : où g correspond à l’accélération de la pesanteur à la surface de la Terre. En moyenne, la masse volumique de l’océan croit avec la profondeur. Cependant, la couche de surface qui peut s’étendre jusqu’à une centaine de mètres (-100 < z < 0 m), est quasi-homogène en masse volumique du fait des processus turbulents induits par les échanges avec l’atmosphère (principalement des échanges de quantité de mouvement induits par le vent ainsi que des échanges thermiques et halins). Les variations diurnes, saisonnières et zonales influent sur la profondeur de cette couche de mélange. Sous cette couche de mélange, la masse volumique varie brusquement formant une fine couche caractérisée par de forts gradients de masse volumique, appelée, pycnocline.
La pycnocline est la région de l’océan la plus fortement stratifiée et joue par conséquent un rôle important pour la dynamique des ondes internes. Cette couche est caractérisée par des pulsations de Brunt-Väisäla , N, de l’ordre de 10-2 rad.s -1 (Thorpe, 2007). Dans les couches profondes de l’océan abyssal, la masse volumique augmente quasi-linéairement avec la profondeur et Modèles pour l’étude de la génération de la marée interne Chapitre 2 : Modèles pour l’étude de la génération de la marée interne 38 correspond à des valeurs de N de l’ordre de 10-3 -10-4 rad.s -1 . Cependant la stratification océanique est très variable à la fois spatialement et temporellement. Il existe, en effet, de nombreuses régions océaniques, où ce profil vertical de masse volumique est différent. Les détroits, comme par exemple le détroit de Gibraltar (Figure 2.1) ou encore les fjords présentent souvent un profil vertical de masse volumique avec une couche du fond quasi-homogène. Ce type de profil vertical est souvent assimilé à une configuration de fluide bicouche.
Modèle de Boussinesq
Considérons un fluide stratifié, initialement à l’équilibre hydrostatique, pour lequel, sont respectivement les champs de masse volumique et de vitesse. Les équations qui régissent l’évolution d’une particule fluide de volume unité, dans le référentiel terrestre en rotation sont: 1. Modèles analytiques 39 équation de continuité (2.1) équation du mouvement (2.2) avec P le champ de pression, , les forces de friction et , la vitesse de rotation de la terre. L’équation d’état du fluide est donnée par : où sont la température, la salinité, et la pression du fluide qui dépendent des coordonnées spatiales et du temps.
La résolution numérique de cette équation d’état nécessite donc l’utilisation de deux autres équations : l’équation de la chaleur pour la température T et l’équation de l’évolution de la salinité pour S. On va étudier les perturbations à cet équilibre (désigné par « ‘ »), et donc les écarts par rapport à un état de référence (indicé par un « 0 »). Ainsi on décompose la masse volumique et le champ de pression comme et P où et décrivent la stratification et la pression du fluide au repos.
Hypothèse de Boussinesq
La description théorique des ondes internes qui suit, s’appuie sur l’approximation de Boussinesq. Elle permet de simplifier les équations primitives, dans le cas où les variations spatio-temporelles de la masse volumiques sont faibles. On considère alors que la masse volumique varie faiblement spatialement et temporellement autour de (hypothèse anélastique) avec une échelle de variation verticale de la masse volumique ) très grande devant la profondeur totale de l’océan ( ) : . Dans l’océan, les échelles caractéristiques de variations de la masse volumique sont de l’ordre de et la masse volumique de l’océan varie entre la surface et le fond de l’océan dans une gamme maximale de 3-4 % (Vlasenko et al., 2005). Cette approximation est applicable à la dynamique des phénomènes océaniques de grandes et de mésoéchelles (Cushman-Roisin and Beckers, 2011). Considérant l’hypothèse de Boussinesq et en conservant uniquement les termes de perturbations d’ordre 1, les équations qui régissent l’évolution du fluide (2.1 et 2.2) peuvent être simplifiées :