Caractérisation de nanoparticules et systèmes nanoparticulaires complexes par analyse de la diffusion multi-angulaire de la lumière
Techniques de mesures non optiques
Il existe de nombreuses méthodes non optiques de caractérisation de systèmes nanoparticulaires complexes. Il s’agit généralement de méthodes que l’on pourrait qualifier de postmortem dans la mesure où elles sont basées sur l’analyse d’un prélèvement qui est préparé (séché en général). Nous n’évoquerons ici que les plus utilisées : la microscopie électronique et la technique dite de Brunauer–Emmett–Teller (BET).
Forme, taille et composition
La microscopie électronique à balayage (MEB) [68] et en transmission (MET) [1] sont deux méthodes permettant d’imager de façon très précise les particules d’un échantillon nano ou microparticulaire. La Figure 2.1 montre deux clichés d’agrégats de TiO2 aciculaire et de particules de cérium obtenus à l’aide d’un MET et d’un MEB classiques (d’autres clichés sont présentés dans le chapitre 3). La microscopie MEB consiste à balayer, sous un vide poussé, la surface de l’échantillon avec un faisceau d’électrons primaires. L’interaction de ces derniers avec la surface de l’échantillon génère différents types d’électrons qui vont être captés par un détecteur ad hoc. L’intensité du signal collecté dépendant de la topographie de la surface de l’échantillon. Il est ainsi possible d’observer la morphologie de l’échantillon. La microscopie MET, quant à elle, consiste à focaliser un faisceau d’électrons sur l’échantillon à l’aide de plusieurs lentilles magnétiques. Le cliché de diffraction ainsi obtenu est transformé en image photonique à l’aide d’un écran phosphorescent. Lors de l’interaction du faisceau d’électrons primaires avec la surface de l’échantillon, il peut se passer plusieurs phénomènes. Tout d’abord, les électrons primaires peuvent céder leur énergie à des électrons de la bande de conduction des atomes du matériau constitutif de l’échantillon. Ces électrons, appelés électrons secondaires, vont alors être éjectés, provoquant une ionisation de ces atomes. Les électrons secondaires étant émis par les couches superficielles de l’échantillon sondé, ils sont très sensibles aux variations de surface de l’échantillon. En les collectant, il est donc possible d’obtenir la topographie de l’échantillon. On peut également détecter des électrons rétrodiffusés. Ceux-ci résultent de l’interaction quasi-élastique entre le faisceau d’électrons primaires et les noyaux atomiques. Ils ont donc une énergie élevée. La particularité de ces électrons est qu’ils sont sensibles au numéro atomique de l’atome : plus l’atome a un numéro atomique élevé, plus il produit d’électrons rétrodiffusés. On observe aussi l’émission de rayons X qui résultent de l’ionisation d’une couche externe de l’atome par les électrons primaires. En se désexcitant, l’atome émet un rayon X. L’étude de ces rayons donne une information sur la composition de l’échantillon. Lors de la désexcitation, des électrons, appelés électrons Auger, peuvent également être émis. En général, les microscopes capables de mesurer ce rayonnement ne permettent d’accéder qu’à la composition atomique des échantillons. Dans la plupart des études, les analyses sont réalisées sous un vide poussé (MEB et MET classiques : l’échantillon est donc sec) mais il est également possible de réaliser des analyses à pression plus élevée (MET environnemental : l’échantillon reste hydraté). Dans ce travail de thèse, nous avons réalisé différentes analyses MEB et MET classiques, mais aussi en mode environnemental ou haute résolution, au centre de microscopie électronique de l’AMU (site de St Jérôme) et au Centre Interdisciplinaire de Nanoscience de Marseille (CINaM, AMUCNRS). Figure 2.1 Exemple de cliché MET (à gauche) d’agrégats de TiO2 aciculaire [91] et cliché MEB (à droite) [1] d’un dépôt de nanoparticules de cérium (CeO2) La granulométrie de nano-particules peut également être déterminée à l’aide d’une variante de la microscopie optique : la microscopie optique en champ proche . Celle-ci analyse l’onde évanescente plutôt que l’onde diffusée, ce qui permet de contourner la limite de diffraction. La qualité des images obtenues reste cependant faible (Figure 2.2). Il existe d’autres types de microscopies non optiques, comme la Microscopie à Force Atomique (AFM) []. Le laboratoire dispose d’ailleurs d’un AFM mais sa résolution s’est révélée trop limitée (une centaine de nanomètres) pour notre travail. Chapitre 2 Etat de l’art 21 (a) (b) Figure 2.2 Images de (a) microscopie optique en champ proche de particules TMV (virus de la mosaïque du tabac) [77] et (b) de nanotubes d’imogolites
Porosité et surface
La surface spécifique (surface/unité de volume) et la distribution de taille des pores (porosité) sont des paramètres essentiels dans de nombreux domaines (catalyse, membrane de filtration ou pile à combustible, réactivité des poussières collectées dans les tokamaks, …). La technique BET (reposant sur la théorie de Brunauer-Emmett-Teller) [21], fait référence en la matière. Méthode par adsorption de molécules de gaz (N2, CO2, He), elle permet, outre la mesure de ces deux grandeurs, d’apporter aussi des informations sur la chimie d’adsorption des surfaces. Ne nécessitant qu’une heure d’analyse pour la détermination de la surface spécifique, elle peut s’étendre à h pour la mesure de la micro et/ou macro porosité. Mais son inconvénient majeur réside dans le fait qu’elle nécessite la préparation et donc le prélèvement d’une quantité importante d’échantillon (typiquement plus de 1 à 2 grammes).
Conclusion
Les techniques de microscopie dont nous venons de parler brièvement, ainsi que la technique BET, permettent des analyses précises et détaillées de la morphologie ou porosité de particules de forme complexe [6, 38] et, en principe, de leur granulométrie. Cependant, dans la pratique, elles sont limitées par de nombreux aspects souvent rédhibitoires [98]. Ainsi, les analyses sont longues et elles nécessitent un prélèvement (et la préparation) d’échantillons. Les statistiques obtenues sont aussi très peu robustes (quelques dizaines à centaines de particules analysées pour les analyses MEB, TEM, AFM, …). De même, le prélèvement et la préparation de l’échantillon empêchent généralement toute estimation précise de la concentration initiale en particules et induisent des erreurs d’interprétation fréquentes []. Il est notamment très difficile de conclure sur la nature des agrégats et agglomérats observés: sont-ils réels ou formés durant la préparation de l’échantillon ? De fait, ces différents problèmes justifient la nécessité de disposer d’autres méthodes d’analyse, in-situ et en temps réel. Ces méthodes sont le plus souvent des méthodes optiques.
Remerciements |